[17(1) Kislev 5729]
N. B. : J’ai(2) bien reçu votre lettre(3), comme je le disais et je vous joins une copie de ma réponse au Rav Lewinger(4), qui s’est également adressé à vous, à ce sujet. Comme je le précisais dans ma lettre, j’avais un grand doute si je devais écrire tout cela et, même après avoir levé le doute, je le rédigerai de la manière la plus concise.
D’une façon un peu plus détaillée, j’en ai parlé au ‘Hassid, le Rav Y. Elinson et l’une de mes intentions, en la matière, selon la requête que je lui avais formulée, était qu’il vous transmette mes propos. Pour des raisons évidentes, je ne voulais pas les rédiger par écrit, tant qu’il y avait une possibilité d’éviter le danger pour les personnes, ce qu’à D.ieu ne plaise et d’intervenir par d’autres voies.
Je m’en remets à votre entendement, comme je l’ai précisé à monsieur Elinson, pour déterminer s’il y a lieu de transmettre le contenu de ma lettre à ceux qui se sont adressés à vous, à propos de ‘Hévron, par exemple, de même que les termes de mon échange avec monsieur Elinson. En tout état de cause, j’ai demandé que tout cela soit transmis à monsieur H. M. Shapiro(5). D’après les informations que j’ai obtenues, il est l’un des principaux orateurs et organisateurs prônant la restitution, au moins partielle, des territoires. Ceci met en danger la sécurité, non seulement à la frontière, mais aussi dans toute la Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, de manière naturelle. Vous devez comprendre ce que je veux dire.
Je ne comprends absolument pas la “ruse” consistant à faire pression sur les militaires et sur ceux qui sont chargés de la sécurité afin qu’ils n’expriment pas, clairement et avec toute la détermination, leur avis sur la question. Car, il n’y a aucun intérêt, aucun gain à restituer ces territoires, de lors que “leur bouche profère des paroles inutiles”(6), comme on a pu le constater, de par le passé, pour toutes les promesses de paix. Selon les termes de Rachi(7), basés sur le Sifri Beaalote’ha 9, 10, qui ont été étudiés la semaine dernière : “Il s’agit d’un principe établi(8). Essav éprouve de la haine envers Yaakov”. Et, nos Sages expliquent longuement(9), de toutes les manières possibles, que : “le bienfait des nations est une faute”(10).
Il est donc bien clair que l’on ne gagnera rien en rendant les territoires, comme on l’a vu de par le passé, y compris dans le passé récent, quand on a restitué le canal de Suez, il y a douze ans et dans d’autres cas encore. Vous devez comprendre ce que je veux dire. A fortiori est-ce le cas cette dernière année, puisque chaque fois que l’on publie un avis prônant la restitution des territoires et la Tsédaka aux nations, la vague de terrorisme s’en trouve accrue et il y a des victimes, de manière concrète, des martyrs en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, dont D.ieu vengera le sang, comme on a pu le vérifier dans la pratique.
Comme je l’ai écrit dans la lettre dont je vous joins une copie, tout ceci pourrait être largement développé, mais il s’agit d’un sujet auquel sied le silence et il n’est pas bon d’écrire ce qui n’est pas à l’éloge d’Israël(11). Combien plus ne faut-il pas en parler.
Il est merveilleux de constater, réellement à chaque pas, comme sont justes les propos de nos Sages, selon lesquels : “ajouter revient à retrancher”(12). Ceci permet de comprendre la relation qui peut être faite entre les deux Injonctions suivantes : “Vous n’ajouterez pas et vous ne retrancherez pas”, énoncées simultanément dans un même verset, Vaét’hanan 4, 2 ou Reéh 13, 1(13). Car, ce sont précisément ceux qui affirment, avec véhémence, qu’une Mitsva s’est ajoutée, à notre époque, celle de la montée en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie et qu’elle doit être décomptée parmi les six cent treize Mitsvot, à l’encontre de l’avis du Rambam(14), qui affirment même, pour certains d’entre eux, que de cela dépend la pratique de l’ensemble de la Torah et des Mitsvot, la pérennité du peuple d’Israël et celle de la terre d’Israël, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, permettent, en conséquence le voyage sur des bateaux qui transgressent le Chabbat publiquement(15), car tout est permis pour accomplir cette Mitsva, a fortiori des interdictions plus légères.
Puis, ils ajoutent une idée à l’autre en annonçant publiquement que nous vivons maintenant le début de la délivrance(16), ce qui va à l’encontre d’une Hala’ha clairement établie par le Rambam(17), lequel, à n’en pas douter, connaissait le Yerouchalmi(18), le commentaire du Ramban sur Chir Hachirim, les textes du traité Sanhédrin(19) et d’autres encore. Or, précisément parmi ceux-ci, nombreux sont ceux qui veulent restituer les territoires, au moins partiellement.
Je ne souhaite pas développer tout cela, car je crains d’intervenir dans le cheminement de votre pensée. Comme me l’a indiqué, une fois, notre ami(20), auquel D.ieu accordera de longs jours et de bonnes années, vous vous efforcerez, lorsque vous rencontrez des personnes, de trouver un dénominateur commun, ce que vous partagez et ce qui vous unit, sans souligner, sans mettre en évidence ce qui vous distingue, vous sépare ou, tout au moins, vous écarte. Il est bien évident qu’il en est ainsi de notre relation, du lien entre vous et moi. J’espère qu’il est : “comme le visage qui se reflète dans l’eau”(21). En l’occurrence également, je n’aurais pas écrit tout cela si je n’avais pas vu une proclamation sur le début de la délivrance, ce qui constitue un danger. C’est, pour l’heure, la seule explication que j’ai trouvée à ces martyrs et à ces victimes, en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, parmi lesquels se trouvent aussi des rescapés de la Shoa, ayant observé des miracles évidents, mais qui sont néanmoins tombés en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, là encore d’une manière qui n’est pas naturelle, comme on l’a dit. Que D.ieu venge leur sang !
L’explication est bien celle qui a été donnée chaque fois que s’est dressé un faux messie, qui a détourné une personne et l’a incitée à le suivre. Au final, il y a eu des victimes, ce qu’à D.ieu ne plaise. Or, il en est de même pour l’idée selon laquelle la délivrance a déjà commencé. Certes, la situation est miraculeuse(8) et des millions de Juifs ont connu un grand salut(8). Pour autant, cela n’est pas la délivrance du quatrième exil(22). Bien au contraire, selon tous les indices, il s’agit d’une chute particulièrement profonde au sein de l’obscurité double et multiple de cet exil, en lequel on présente la pénombre comme de la lumière(23). Et, l’amère punition est la suivante : il y a une victime de plus en Israël, un autre martyr en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, puis un autre encore. Que D.ieu venge leur sang !
J’ai obtenu une information “accessoirement”, en réponse à mon objection sur le danger qui peut découler du renoncement à l’un des territoires, comme je l’ai longuement expliqué. Mes propos ont été transmis par une source fiable, mandatée pour cela et d’après ce que j’ai appris, les membres du gouvernement en ont débattu. La réponse a été que l’on ne tient pas compte de mon argument et la preuve…, c’est qu’elle émane d’un homme qui ne s’est même pas rendu une seule fois en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie. Or, mon argument était que ceci met en danger des millions d’enfants d’Israël se trouvant en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie. Il ne s’agit donc en aucune façon de ma propre personne, mais uniquement d’appliquer le principe(24) selon lequel : “on accepte la vérité de celui qui l’énonce”.
Il en est de même pour le début de la délivrance. J’ai argumenté qu’il s’agit d’une Hala’ha clairement tranchée par le Rambam, lequel, bien évidemment, avait connaissance de toutes les références précédemment citées. On m’a répondu qu’il y a l’explication de telle autre personne et de telle autre encore, sans réagir, sans même mentionner le nom du Rambam. Et, cette réponse émane également de ceux qui savent qu’une décision hala’hique, concrètement applicable doit être trouvée dans les ouvrages des Décisionnaires, non dans les Midrashim de nos Sages, ni même dans les passages difficiles du Talmud, dès lors que la Hala’ha a été établie par les Sages ultérieurs et les Décisionnaires à la lumière desquels nous avancerons jusqu’à la venue de notre juste Machia’h.
A ce propos, j’ai reçu un argument, une démonstration étrange. Dans différents textes, il est dit, ou bien l’on peut déduire que c’est effectivement le début de la délivrance, bien que ces explications ne concernent en aucune façon ce qui fait l’objet de notre propos. C’est le cas, par exemple, du récit du Midrash E’ha Rabba, chapitre 1, au paragraphe 51, selon lequel, lors de la destruction du Temple, la vache d’un Juif meugla et un arabe annonça : “Le Temple vient d’être détruit”. Aussitôt, cette vache meugla une seconde fois et il annonça : “Le sauveur et libérateur d’Israël vient de naître”, ce qui correspond effectivement au début de la délivrance, mais il est bien clair que ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit ici.
Bien plus, on connaît l’enseignement merveilleux de l’Admour Hazaken selon lequel, pour les âmes les plus hautes, comme celle de Rabbi Chimeon Ben Yo’haï, le Temple n’a jamais été détruit, selon le Péla’h Ha Rimon, au début de la Parchat Chemot, à la page 7. Or, l’Admour Hazaken savait sûrement que Rabbi Chimeon Ben Yo’haï se cacha, pendant treize ans, dans une grotte, du fait des persécutions romaines(25). Et, le ‘Hanna Aryel, Parchat Toledot, à la page 47b, précise bien : “les Sages de la Michna, ceux de la Guemara, les Justes importants”(26).
Compte tenu de l’importance de l’enjeu, je répéterai tout cela encore une fois. De fait(27), que m’importe si des Juifs veulent se convaincre que la délivrance a déjà commencé ? De la sorte, leur cœur est plus joyeux et l’importance de la joie des enfants d’Israël est clairement établie, en particulier par l’enseignement de la ‘Hassidout. Néanmoins, comme je l’ai dit, la punition est sévère et vous devez comprendre ce que je veux dire.
Je suis très peiné que vous ne m’écriviez pas, depuis bien longtemps déjà, ce qui va à l’encontre de votre habitude et de votre nature, qui est d’écrire, avec empressement, à propos des événements et des réunions ‘hassidiques, par exemple de la découverte de la pierre tombale du grand Rav et ‘Hassid, Rav B. M., dont la mémoire est une bénédiction(28), de la réunion ‘hassidique, dans la synagogue Tséma’h Tsédek(29), lors du Roch ‘Hodech Kislev. Mon esprit a été quelque peu tranquillisé par la lettre que je viens de recevoir, de même que par vos nouvelles, transmises par ceux qui, venant de là-bas, sont arrivés ici, après vous avoir vu et vous avoir parlé personnellement.
Pour faire suite à la discussion que nous avons eue à l’époque, concernant le premier Pessa’h et le second(30), j’ai eu l’occasion de consulter le Yossef Omets, un recueil de responsa du ‘Hida, dans lequel se trouvent également des responsa de son gendre. Il y est présenté comme une évidence, en mentionnant différentes preuves, qu’il arrivait que toute la communauté soit repoussée jusqu’au second Pessa’h et il est stipulé que ce sacrifice est offert également dans l’impureté. Tel n’est cependant pas l’avis du Rambam. Vous consulterez ce texte, au chapitre 6.
Notes
(1) Le Rabbi écrit Tov, bon, mot dont la valeur numérique est dix-sept.
(2) Voir le Likouteï Si’hot, tome 15, à la page 491 et tome 12, à la page 223.
(3) Cette lettre est adressée au Rav Chlomo Yossef Zevin, de Jérusalem, sous forme d’un Nota Bene à la lettre précédente. Voir, à son sujet, les lettres n°9407, 9642, 9651, 9863 et 9973.
(4) Il s’agit de la lettre n°9618.
(5) ‘Haïm Moché Shapiro, qui était alors ministre de l’intérieur et député du parti national religieux.
(6) Tehilim 144, 8-11.
(7) Dans son commentaire du verset Vaychla’h 33, 4.
(8) Le Rabbi souligne les mots : “principe établi”, “miraculeuse” et “grand salut”.
(9) Voir le traité Baba Batra 10b.
(10) Michlé 14, 34.
(11) Selon le traité Baba Batra 123a.
(12) Traité Sanhédrin 29a.
(13) Voir, à ce propos, la lettre n°8702, le Likouteï Si’hot, tome 22, à la page 288 et tome 24, à partir de la page 601, de même que les références indiquées dans le Likouteï Si’hot, tome 14, page 179, dans la note 6.
(14) Voir aussi, à ce sujet, le Likouteï Si’hot, tome 18, à partir de la page 399 et l’Encyclopédie talmudique, à l’article : “Erets Israël”, à partir de la page 223.
(15) Voir, à ce sujet, la lettre n°9157.
(16) Voir, à ce sujet, le Likouteï Si’hot, tome 5, à la page 149 et dans les notes, tome 15, à partir de la page 488 et, plus longuement, dans l’ouvrage : “L’avis de la Torah sur la situation en Terre Sainte”, au chapitre 1. On verra aussi les lettres n°9793 et 9831.
(17) Dans ses lois des rois, à la fin du chapitre 11.
(18) Dans le traité Bera’hot, chapitre 1, au paragraphe 1.
(19) 98a.
(20) Monsieur Chnéor Zalman Chazar, président d’Erets Israël.
(21) Que ce lien est réciproque, selon le verset Michlé 27, 19.
(22) Celui d’Edom.
(23) Selon le verset Ichaya 5, 20.
(24) Voir, notamment, le commentaire de la Michna du Rambam, dans l’introduction du traité Avot et l’introduction du Me’hir Yaïn, du Rama.
(25) Selon le traité Chabbat 33b.
(26) Tous sont dans la même situation que Rabbi Chimeon Ben Yo’haï.
(27) Ce paragraphe est en yiddish, alors que le reste de cette lettre est en Hébreu.
(28) Le Rav Barou’h Morde’haï Attinger, l’un des grands disciples de l’Admour Hazaken. Voir, à ce sujet, les lettres n°9551 et 9650.
(29) Dans la vieille ville de Jérusalem.
(30) Voir, à ce sujet, la lettre n°9515.