Editorial
A quand le dégel ?Il a neigé, neigera-t-il ? Combien de fois ? En quelle quantité ? Serons-nous bloqués ? Les rues et les routes seront-elles des pièges dont on cherche à s’échapper ? Etonnant comme ces questions ont pris, ces temps derniers, des proportions presque démesurées, presque autant que les précipitations qu’elles décrivent. Et, une fois de plus, c’est la profonde fragilité de notre mode de vie qui apparaît à chacun. Nous sommes membres d’une société dont la technologie avancée fait rêver. Beaucoup des objets de la vie courante n’existaient pas il y a à peine une génération. Si, remontant dans le temps, on entreprenait de dépeindre à nos grands ou arrière-grands-parents notre monde de relative abondance et les facilités qu’il offre, ils réagiraient sans doute en suggérant que c’est là une description des temps messianiques. Certes, nous savons hélas qu’il n’en est rien et que, en Europe et ailleurs, les problèmes restent nombreux. Pourtant, il y aurait eu quelque légitimité à cette interrogation. Quelle société a plus connu la richesse, la capacité d’agir, le progrès que la nôtre ? Et voici que quelques flocons l’immobilisent. Tout se passe comme si cette simple couverture blanche et froide nous ramenait si longtemps en arrière, à l’époque où l’homme pliait devant les éléments, ne sachant qu’allumer un feu et attendre que leur fureur soit passée. C’est ainsi une belle leçon de modestie que nous prenons. Nous avions pensé tout conquérir, nous voici revenus aux fondamentaux. Nous nous souvenons que nous avons besoin d’un abri, de chaleur, de nourriture et que, un jour, tout peut s’arrêter et mettre notre existence même en cause.
L’idée est connue : l’homme, disent nos Sages, est un «petit monde». C’est dire que nous pouvons observer en lui, au plan spirituel, moral, émotionnel ou intellectuel, des phénomènes similaires à ceux que le monde autour de nous présente. La vie quotidienne est, pour chacun, bien souvent productrice d’une forme particulière de «neige». Blanche, recouvrant tout, froide et engourdissante, elle parvient parfois à isoler chacun dans une sorte de cellule autonome. Recentrant l’homme sur lui-même, obstruant les voies du contact social, elle démontre ainsi que toute construction personnelle est fragile et que quelques «flocons» de trop suffisent à l’ébranler. C’est alors que le «froid» s’empare de l’espace. Toute action semble plus difficile, demandant plus d’efforts. Et toutes les revendications de progrès passé sont insuffisantes à nous protéger de ses effets. Qu’attendons-nous donc ? Au-dehors comme au dedans de nous-mêmes, nous aspirons profondément au dégel. Celui des routes ? Certainement mais surtout celui du cœur, de l’esprit et de l’âme. Et celui-ci, il nous appartient de le susciter.
Etincelles de Machiah
Les clés de la DélivranceOn a coutume de dire que chaque Juif peut, individuellement, hâter la venue de Machia’h. C’est ce qu’indique l’enseignement de Maïmonide (Michné Torah, Hil’hot Techouva 3: 4): “Il a accompli une Mitsva, il a fait pencher lui-même et le monde entier du côté du mérite et a causé pour lui et eux la délivrance et le salut”. Comment la simple action d’un Juif peut-elle avoir un tel effet?
C’est que l’étude de la Torah, la pratique des commandements réduisent l’impureté du monde. C’est cela qui hâte la venue du jour où la prophétie de Zacharie (13 :2) s’accomplira: “Je chasserai l’esprit d’impureté de la terre”. Ces actions révèlent aussi le bien et la sainteté dans le monde, précipitant ainsi la réalisation de la promesse (Isaïe 11 :9): “Et la terre sera pleine de la connaissance de Dieu”.
(D’après Likouteï Si’hot, vol. II, p. 594)
Vivre avec la Paracha
ChemotDans le livre de Chemot, nous voyons les racines plantées par nos Patriarches s’épanouir : leurs descendants sont transformés en une nation, reçoivent leur code de vie : la Torah et se préparent à accomplir leur mission dans la vie en construisant le Michkan, le Tabernacle, «résidence» de D.ieu sur terre.
Ainsi, le nom hébreu du Livre de l’Exode est Chemot, signifiant «les Noms» car c’est par les événements évoqués dans ce livre que la nation juive et chaque Juif en particulier purent recevoir leurs «noms», leurs identités nationales et personnelles en tant que Juifs.
La clé de ce processus est l’exil. L’exil fait surgir en chaque individu ses forces cachées, son désir de survivre envers et contre tout. En exil, un homme ne peut considérer la vie comme acquise : il doit constamment décider de succomber ou de surmonter. Le point essentiel d’auto détermination qui somnole durant les périodes de prospérité et de liberté est réveillé et testé durant l’exil. C’est la raison pour laquelle le Roi Chlomo dénommait l’exil égyptien : «les fournaises de fer» : elles brûlèrent les saletés recouvrant l’âme juive profonde.
L’exil égyptien était tout à la fois physique et spirituel. En fait, l’exil spirituel précéda et précipita l’exil physique puisque chaque phénomène matériel n’est qu’une expression d’un antécédant spirituel. L’exil physique des Juifs impliquait une perte d’autonomie et un esclavage écrasant : leur esclavage spirituel consistait à se plier à la culture de leurs hôtes ce qui les conduisit à la perte de leur conscience divine et de la présence de D.ieu dans la vie. Alors que nous observons la famille de Yaakov tomber dans un esclavage de plus en plus sévère, nous pouvons lire entre les lignes et y voir un exil spirituel qui va grandissant.
Alors que ces deux exils s’intensifiaient, les Juifs furent forcés de faire face à leur identité. Nombreux furent ceux qui succombèrent à l’assimilation et furent perdus. Mais d’autres luttèrent pour retenir leur identité juive : ils s’accrochèrent avec ténacité à leurs traditions, refusant d’abandonner des aspects secondaires de leur héritage comme leurs noms juifs et leur langue. Cela indique qu’ils nourrissaient toujours la graine intérieure de la foi en leur destinée, bien qu’ils adoptèrent certains aspects du mode de vie et de pensée égyptiens.
Cela explique la raison pour laquelle le Livre de Chemot s’ouvre sur une liste des fils de Yaakov, bien qu’une telle liste paraisse superficielle. Nous savons déjà les noms des fils de Yaakov : nous les avons vus naître et être listés à deux reprises, la seconde fois de façon encore plus détaillée qu’ici ! Et cette liste ne semble rien apporter au flot du récit de l’histoire biblique. Après que nous avons vu Yossef enterré en Egypte, à la fin du Livre de Beréchit, le récit aurait dû normalement continuer par la description de la façon dont «les Juifs étaient prolifiques et fertiles… et un nouveau roi qui ne connaissait pas Yossef se leva sur l’Egypte».
Les Sages nous donnent trois raisons pour expliquer cette nouvelle liste des fils de Yaakov :
Il s’agit tout d’abord de mettre l’accent sur le fait que les Juifs ne changèrent pas leurs noms en noms égyptiens, c'est-à-dire qu’ils refusèrent de s’assimiler totalement à la culture égyptienne.
De plus, cela vient nous informer que D.ieu considère les Juifs comme étant aussi précieux que les étoiles qu’Il compte aussi par leurs noms lorsqu’elles vont «en exil» (à l’aube) ou quand elles sortent d’ «exil » (au crépuscule).
Enfin, cela vient nous apprendre que les Juifs sont essentiellement bons car la Torah introduit les justes par la formule : «son nom était X» et les impies par : «X était son nom».
Toutes ces raisons soulignent le cœur insaisissable de l’essence juive implantée par Avraham et qui reste sommeillant durant l’exil. C’est cela qui explique que le Peuple Juif est intrinsèquement motivé pour accomplir sa Mission Divine. La conscience de cette qualité précieuse l’inspire à s’accrocher à son identité et à résister à la tentation de l’assimilation. Dans ce contexte, la liste des noms individuels des fils fait aussi allusion au fait que chaque Juif possède un but unique dans la rectification de la création.
Ainsi, voyons-nous que l’emphase mise sur les noms fait allusion aux deux conditions de l’exil (c’est-à-dire que l’assimilation a progressé au point où nous ne sommes juifs que par le nom) et cela signifie qu’il faut la surmonter (car au fond de nous, nous possédons l’essence de l’identité juive que rien ne peut éradiquer).
C’est la raison pour laquelle la première Paracha du livre qui décrit l’exil, la descente spirituelle du Peuple Juif et les horreurs de son esclavage est également appelée Chemot bien que la liste des noms qui marque son ouverture mette l’accent sur le fait que l’essence des Juifs reste au-delà de l’exil.
Cette dichotomie fait partie de la nature des noms en général. D’une part, les noms sont arbitraires et ne révèlent rien de l’essence de la personne : deux personnes totalement différentes peuvent posséder le même nom, mais par ailleurs, le nom d’un homme est lié à son essence et peut la réveiller. Leur attention est totalement captée quand les gens sont appelés par leur nom (c’est d’ailleurs pour cela que, lorsque quelqu’un veut nous influencer ou nous déstabiliser, il nous interpelle par notre nom). On peut réveiller quelqu’un d’un évanouissement en l’appelant par son nom et, selon le mysticisme juif, le nom est le moyen par lequel l’existence et la vie spirituelle s’écoulent dans le corps.
Les noms montrent cette dualité parce que notre essence est habituellement cachée derrière les couches nombreuses des conventions sociales et les masques de notre personnalité que nous avons accumulés pendant notre vie. En temps normal, le seul moment où cette véritable essence fait surface est quand toutes ces contingences n’ont plus d’importance, quand nous nous trouvons confrontés à un défi qui menace notre vie ou pénètre profondément dans l’essence de notre être. En d’autres termes, nous avons accès à notre véritable essence par la partie de nous qui semble le moins en relation avec la personnalité que nous avons développée par rapport au monde extérieur : notre nom !
Une fois que l’exil eut réussi à révéler l’essence profonde du Peuple Juif, ils purent passer à l’étape suivante : le Don de la Torah. L’exil en constituait le pré requis parce que le but de la Torah est de nous enseigner comment révéler la conscience de D.ieu dans les aspects les plus matériels de la réalité, même dans ceux qui paraissent les plus contraires. Le Peuple Juif actualisa son aptitude innée à surmonter les forces s’opposant à la Divinité, en exil. Avec la Torah, ils purent se mettre à actualiser son message dans le monde, c’était là l’essence du Michkan.
La leçon générale du Livre de Chemot est donc qu’aussi difficile que cela puisse paraître, il ne nous faut pas abandonner le combat pour révéler la conscience de D.ieu. Les forces opposantes sont puissantes mais nous avons la force de les surmonter. Le sacrifice de soi révèle l’essence de notre âme et lui permet de remplir sa mission unique. Et c’est ainsi que nous pouvons aider à faire venir la Rédemption.
Le Coin de la Halacha
Quelques lois concernant «Bikour ‘Holim», la visite aux maladesMaïmonide écrit : «On doit renforcer la vitalité physique du malade avec une alimentation nourrissante et son état moral avec de bonnes odeurs, de la musique, des histoires agréables avec une fin heureuse et en l’inspirant avec une conversation joyeuse».
Rabbi Na’hman de Breslev insiste : «La Mitsva de Bikour ‘Holim consiste à montrer au malade un visage souriant de bonté. Plutôt que de rester enfermés dans nos maisons, nous devons rendre visite aux malades, nous occuper de leurs besoins et parler à leur cœur».
On peut «rendre visite à un malade» avec un coup de téléphone : on s’assurera au préalable qu’on ne le dérange pas s’il a justement la visite d’un docteur ou d’un infirmier ou s’il a besoin de repos.
Quand on rend visite au malade, on doit aussi prier pour sa guérison (dans la langue qu’on souhaite) car la Présence Divine se trouve près du malade.
On ne rend visite ni à celui qui souffre de problèmes digestifs (qui peut se sentir gêné) ni à celui pour qui la visite présente un stress supplémentaire ; néanmoins on se renseigne sur son état de santé et on veille à tous ses besoins, matériels et spirituels.
F. L. (d’après Alan Magille – The Jewish Press et le Kitsour)
De Recit de la Semaine
Une visite crucialeQuand Rav Ezriel Chaikin et son épouse se proposèrent pour partir en «Chli’hout» comme envoyés du Rabbi de Loubavitch, celui-ci leur indiqua leur prochaine destination : Copenhague. Bien vite, le couple s’installa donc au Danemark et se mit à contacter les Juifs de l’endroit.
Lors d’une Ye’hidout (entretien privé), le Rabbi leur conseilla à la fin de la conversation : «Vous devez élargir le domaine de vos activités au-delà de Copenhague et même au-delà des frontières du Danemark ! Recherchez les Juifs dans toute la péninsule scandinave !»
«Dès que je suis retourné chez-moi, déclare Rav Chaikin, je me suis mis à voyager tout autour de notre région. J’ai découvert en Norvège de nombreux villages dans lesquels résident seulement une ou deux familles juives. Très souvent, leur solitude était telle qu’elles en oubliaient même le fait qu’elles étaient juives.
Un jour, la Providence Divine m’a fait rencontrer un Juif du nom de Chmouel David Popovitch qui habitait la bourgade de Halden. Il s’engagea à m’aider par tous les moyens possibles afin de repérer et de rassembler encore d’autres juifs. Lui-même était originaire de Roumanie et il avait eu le mérite, dans son enfance, de se rendre avec son père chez des Rabbis ‘hassidiques.
Chmouel David réussit à localiser une vingtaine de Juifs dans les villes et villages autour de sa demeure. Une fois par semaine, ceux-ci se réunissaient dans sa maison et j’y allais moi aussi afin de donner un cours de Torah pour leur enseigner les connaissances de base du judaïsme. Petit à petit, ils se mirent à pratiquer davantage et à être plus conscients et fiers de leur appartenance au peuple juif.
A un moment donné, je décidai que le cours n’était plus suffisant. Je me mis à visiter les villages les plus perdus afin de découvrir des Juifs que même Chmouel David n’avait pas réussi à rencontrer. Chaque fois que je trouvais un Juif, je lui rendais visite dans sa maison et tentais de l’intéresser à tout ce qui avait trait au judaïsme.
Un soir, j’arrivai dans un village proche de Halden. Je savais qu’il s’y trouvait une seule famille juive. Il était déjà relativement tard et j’hésitais : après tout, il n’est pas recommandé de frapper à la porte d’inconnus alors qu’ils sont peut-être déjà prêts à aller se coucher. Mais j’ai décidé que je n’avais pas le choix : qui sait, en effet, quand j’aurais la possibilité de retourner dans cet endroit pour y rencontrer cette famille ?
A ma grande joie, je fus accueillis chaleureusement par le couple. Je me suis assis autour de la table avec le mari et la femme et je compris rapidement que le mari était en proie à un gros souci. Il ne parlait pas beaucoup et se contentait d’écouter. La femme aussi réagissait très peu.
A un moment donné, elle s’est levée et s’est rendue dans une autre pièce. Soudain, le visage de l’homme devint rouge d’émotion, il se pencha vers moi et murmura : «Vous ne pouvez pas savoir ce que votre visite implique pour nous ! En un instant, vous avez dissipé toutes nos idées de conversion au christianisme ambiant pour au moins vingt ans !»
J’étais stupéfait et j’attendis l’explication. Il continua son histoire. Lui et son épouse étaient arrivés dans ce village perdu immédiatement après la Seconde guerre mondiale. Ils étaient les seuls Juifs ; de fait, ils menaient exactement le même genre de vie que leurs voisins chrétiens sauf qu’ils ne fréquentaient pas l’église.
Ceci gênait considérablement leurs relations avec les autres habitants du village qui auraient voulu les voir se mêler davantage à eux.
Très souvent, ils avaient essayé de les convaincre de se joindre à eux : «De toute manière, proclamaient ces voisins bien pensants, votre judaïsme ne signifie plus rien !»
Ces derniers temps, toute cette affaire était devenue encore plus pressante à cause du dynamisme du curé local. C’était un prêtre qui rendait visite à ses ouailles dans tous les villages avoisinants. Il passait de maison en maison, il parlait avec chacun, il se rendait même chez cette famille juive, il n’évoquait pas la religion et se contentait de paroles aimables et agréables.
Ces derniers temps, il revenait encore et encore ; bien qu’il n’exerçât aucune pression, son amitié semblait tellement sincère que la maîtresse de maison commençait à réfléchir sérieusement à la conversion, ce qui lui faciliterait grandement les relations avec ses voisins. Entre autres, sa femme avait présenté l’argument suivant : «Regarde depuis combien de temps nous habitons ici ! Jamais un Juif n’est venu nous rendre visite ! Et encore moins un rabbin pour prendre de nos nouvelles ! Notre judaïsme n’a plus aucun sens puisque les Juifs ne s’intéressent plus à nous ! Par contre le curé ! Comme il est amical ! Il passe toujours nous voir et bavarde gentiment avec nous !»
Les pressions augmentaient de son côté et l’homme se sentait de plus en plus affaibli. Il n’y avait plus de raison sérieuse de refuser de franchir le pas même si, au fond de lui, il ressentait que la décision était cruciale.
«Et soudain vous avez sonné à la porte ! Comme un ange du ciel ! Vous comprenez maintenant pourquoi je suis si ému ?»
J’ai immédiatement compris l’importance de ma mission, conclut Rav Chaikin. J’ai gardé des relations régulières avec ce couple et ai encouragé cette famille à pratiquer davantage de Mitsvot, de commandements. Par la suite, ils ont décidé de déménager et de s’installer dans une ville où existait une communauté juive organisée.
Encore une famille juive réunie à son peuple !
Sichat Hachavoua n°1244
traduit par Feiga Lubecki