Lettre n° 1989

Par la grâce de D.ieu,
26 Tévet 5713,
Brooklyn,

Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
le Rav Mena’hem Man(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai reçu avec plaisir votre lettre dans laquelle vous m’annoncez une réjouissante nouvelle, le fait que les ‘Hassidim se sont réunis, à l’issue du Chabbat Parchat Vaychla’h, afin de célébrer la fête de la libération du 19 Kislev. A cette occasion, on a chanté la mélodie de l’Admour Hazaken et l’on a lu le récit de son emprisonnement et de sa libération.

Nos Sages disent que la joie brise toutes les limites. Puisse donc D.ieu faire que cette joie fasse disparaître toutes les difficultés et les barrières, dans l’endroit où vous vous trouvez. Ainsi, ceux qui semblent être des opposants découvriront la vérité incontestable, le fait que chaque Juif est un ‘Hassid.

Mon beau-père, le Rabbi, avait coutume de dire que les Juifs sont comparés à “ la source des jardins, le puits des eaux vives ” et aussi à “ une terre de convoitise ”. De fait, en n’importe quel endroit où l’on creuse, on découvre tôt ou tard, une source ou un puits d’eaux vives. La différence est uniquement la suivante. En un certain lieu, il suffit de retirer une mince couche de sable et de boue ou de pierres, alors qu’en un autre, celle-ci sera plus large et plus épaisse. Mais, en tout état de cause, on peut trouver de l’eau partout.

Il en est de même pour le point profond de la Judéité que chacun possède et qui s’exprime par l’amour du prochain, l’amour de la Torah et l’amour de D.ieu. Tout cela ne constitue qu’une seule et même entité, se trouvant en chacun. La différence, comme on l’a dit, est le fait que ces caractères apparaissent à l’évidence chez l’un, alors que, chez l’autre, un plus grand effort sera nécessaire pour les mettre en évidence.

Vous écrivez, dans votre lettre, que le Rav de la synagogue vous a demandé pourquoi l’on ne dit pas le Ta’hanoun, le 19 Kislev. En effet,
1. Le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken ne précise pas qu’il faille omettre le Ta’hanoun, à cette date.
2. De plus, pourquoi ne pas laisser ceux qui le souhaitent dire ce Ta’hanoun ?

Vous apportez vous-même la réponse à la première question, dans votre lettre. L’Admour Hazaken a écrit le Choul’han Arou’h avant l’épisode du 19 Kislev, après Mézéritch(2). Vous consulterez, à ce sujet, l’introduction de son fils au Choul’han Arou’h.

Pour ce qui est de la seconde question, le fait de laisser ceux qui le désirent dire le Ta’hanoun, on peut formuler deux réponses :

A) Ceux qui omettent de dire le Ta’hanoun, le 19 Kislev, proclament, de la sorte, que l’Admour Hazaken n’était pas coupable et que la ‘Hassidout, qu’ils l’étudient ou non, est bien la Torah de D.ieu. Lorsqu’un Juif a été arrêté parce qu’il diffusait la Torah, celle-ci se réjouit de sa libération.

En effet, pourquoi les opposants à la ‘Hassidout, ceux qui souhaitent dire le Ta’hanoun en ce jour du 19 Kislev, n’auraient-ils pas la réflexion suivante ? Que diront ceux qui observeront à quel point la libération de l’Admour Hazaken et de la ‘Hassidout, une partie de la Torah de D.ieu, qu’il a révélée, les laisse indifférents ? Comment peuvent-ils être d’accord avec les accusations portées contre lui, en se désintéressant de sa libération, en refusant de la considérer comme une fête ?

B) Des centaines de milliers de Juifs, ayant la crainte de D.ieu, ont accepté le 19 Kislev et en ont fait un jour de fête. Or, tout est effet de la divine Providence et l’on peut en conclure que D.ieu donna Son accord pour qu’il en soit ainsi.

Il faut en déduire que D.ieu accorde, en ce jour, une lumière supplémentaire, “ la Lumière émanant de la Face du Roi de la vie ”. Dès lors, la rigueur et l’accusation sont affaiblies. Certes, cette révélation ne peut être comparée à celle du Chabbat, qui fait disparaître toute trace de sévérité. Néanmoins, cet Attribut de sévérité est considérablement diminué, le 19 Kislev. Ce jour est donc propice pour prendre de bonnes décisions, concernant la Torah, les Mitsvot et les bons comportements.

A l’opposé, dire le Ta’hanoun(3) est un moyen de mettre en éveil l’Attribut de sévérité, comme le disent le Levouch, Ora’h ‘Haïm, chapitre 131 et le Atéret Zekenim, au même chapitre, paragraphe 3. Le Michna Beroura le cite également, à ce même chapitre, paragraphe 20.

En conséquence, si quelqu’un désire mettre en éveil la sévérité en un jour où des centaines de milliers de personnes ne le font pas, il cause du tort non seulement à sa propre personne, mais également à toute la communauté au sein de laquelle il prie. Il est sûrement inutile d’en dire plus.

Par envoi séparé, vous ont été adressés deux exemplaires du Beth Rabbi, édité dernièrement en Yiddish. Je vous prie de transmettre le second à monsieur Aharon Hacohen, Harry Kats, avec le reçu ci-joint, correspondant au montant qu’il a adressé par votre intermédiaire.

Je vous prie de transmettre également à monsieur Aharon Hacohen Kats mes salutations et mes vœux pour tout le bien et la prospérité matérielle.

Avec ma bénédiction,

Notes

(1) Le Rav M. M. Swet. Voir, à son propos, les lettres n°1227 et 1313.
(2) Où il se trouvait près de son maître, le Maguid, qui lui demanda de rédiger ce Choul’han Arou’h.
(3) Le 19 Kislev.