Lettre n° 2079

Par la grâce de D.ieu,
13 Nissan 5713,
Brooklyn, New York,

Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires, plein
d’entrain et multipliant les accomplissements positifs,
le Rav Zéev(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai reçu, en son temps, votre lettre, de même que votre livre, le Niveï Zahav, que vous m’avez offert. Je vous remercie beaucoup pour cette attention. Je lis, de temps à autre, des articles sur vos voyages. Je reçois également de vos nouvelles par les personnes résidant dans les pays que vous visitez. Que D.ieu vous permette de saisir chaque occasion de grandir et d’orner la Torah de D.ieu.

Vous commentez différentes explications de nos Sages, relatives à un Rav et vos explications sont très agréables. En relation avec celles-ci, de même qu’avec le contenu de votre lettre, je voudrais faire une citation complémentaire et, de fait, je suis surpris que vous ne mentionniez pas l’affirmation suivante de nos Sages, relatives à un Rav et décrivant, de la manière la plus fidèle, sa vie et son action, délivrant un enseignement évident et fondamental pour la présente époque.

Dans le traité Erouvin 6a(2), nos Sages disent que “ Rav trouva une clairière et l’entoura d’une clôture ”. Il est expliqué, à ce sujet, que Rav revenait alors d’Erets Israël et nos Sages soulignent, dans le Midrach Béréchit Rabba: “ Pourquoi fut-elle appelée Erets(3)? Parce qu’elle voulut accomplir la Volonté de son Créateur ”. De même, Israël évoque le verset: “ Tu as combattu les anges et les hommes, tu les as vaincus ”, malgré l’obscurité de la nuit, bien qu’il(4) ait été seul.

Venant d’Erets Israël, Rav se rendit à Babel(5), lieu du mélange de la lumière et de l’obscurité, du bien et du mal, du sacré et du profane, endroit qui fait disparaître les frontières(6). Se trouvant en Babel, il s’éloigna jusqu’en un endroit duquel la Torah était absente, selon l’explication du Igueret Rachag. Rachi explique: “ Il trouva une clairière dans laquelle on négligeait les Mitsvot ”.

Une telle situation est surprenante. Comment un Juif peut-il négliger les Mitsvot de son Père Qui se trouve dans les cieux, lesquelles sont à l’origine de son existence? N’est-il pas alors comme un poisson qui quitterait l’eau? L’Admour Hazaken affirme lui-même que “ un Juif ne veut pas et ne peut pas se séparer de la Divinité ”. Rachi explique donc l’origine de cette négligence. Ces hommes ignoraient la Torah.

En pareil cas, on est victime des vents qui soufflent dans le monde et qui prônent une attitude moins rigoriste envers la Torah et les Mitsvot, une situation de compromis, au moins momentanément, afin d’attirer ces ignorants, de les rapprocher de la Torah et des Mitsvot, qu’ils accompliront, de la sorte, plus aisément. Leur soumission à D.ieu sera moins grande. Leur corps et leur âme animale auront une meilleure part. Mais, l’on saura justifier une telle attitude en affirmant qu’il est légitime d’abandonner ce qui est accessoire afin de préserver l’essentiel.

Rav, maître d’Israël en exil, apporta l’enseignement de Rabbi Yehouda le Prince à Babel et il en fixa les principes. Lorsque l’on rencontre une telle situation, il ne s’agit pas de faire des compromis pour alléger le fardeau et, selon les termes du prophète, de “ tirer la faute par des cordes vaines ”, cette attirance étant à la mesure de la faute commise.

Mon beau-père, le Rabbi, énonça une image, à ce sujet. Un homme avance sur la grande route puis, le temps passant, il se trouve dans une forêt obscure, parmi les bêtes sauvages. Or, il est bien clair qu’il n’est pas arrivé là de but en blanc, qu’il n’est pas passé, sans transition, du milieu de la route au profond de la forêt. Dans un premier temps, cet homme s’est détourné d’un cheveu, puis d’un autre s’ajoutant à encore un autre et il a ainsi parcouru une grande distance.

L’apport d’un Rav, pour son époque et pour toutes les générations, en particulier à l’heure actuelle, alors que les limites sont remises en cause et les valeurs sont bafouées au delà de toute limite, consiste, quand il aperçoit un endroit qui n’a pas été clôturé, à y placer une barrière, à prendre une précaution supplémentaire. C’est uniquement de cette manière que l’on peut protéger cette clairière et les personnes qui s’y trouvent.

En consultant votre livre, j’ai pu apprécier l’éloquence que D.ieu vous a accordée. C’est également ce que me disent les personnes qui ont assisté à vos conférences. Puisse D.ieu vous permettre d’en faire usage pour vous diriger sur la voie qui vient d’être décrite et qui nous a été transmise par nos maîtres se trouvant en exil, selon l’expression des Sages, au traité Sanhédrin 17b.

Chaque fois que vous trouverez une clairière, à l’extérieur d’Erets Israël et, a fortiori, dans le pays vers lequel sont tournés en permanence les yeux de D.ieu, le palais du Roi, Roi des rois, le Saint béni soit-Il, vous y placerez une clôture. Et vous connaissez la promesse suivante de D.ieu: “ Ouvrez, pour Moi, un orifice comme la pointe d’une aiguille et Je pratiquerai, pour vous, une ouverture comme le portique du Sanctuaire ”.

Il est remarquable que les trois passages du Talmud mentionnant le fait que Rav trouva une clairière et la clôtura, décrivent l’édification d’une telle barrière, afin de préciser les limites, dans les domaines minéral, végétal et animal.

Le traité Erouvin 6a parle d’une barrière minérale, entre le domaine privé(7), celui de l’Unique du monde et le domaine public. Le traité Erouvin 100b évoque “ l’arbre du champ ”(8), comparé à un homme, quand il est humide et vivant, ainsi qu’il est dit “ vous êtes attachés à l’Eternel votre D.ieu, vivants ”, ou bien quand il est sec et mort. Enfin, le traité ‘Houlin 110a parle du mélange entre la viande et le lait, qui introduit une confusion au sein du règne animal, selon les Tikouneï Zohar, Tikoun 14, le Rikanti, le Chneï Lou’hot Haberit et d’autres commentateurs encore.

Avec mes respects et ma bénédiction pour une fête de Pessa’h cachère et joyeuse,

Je vous joins une copie de ma lettre, adressée à tous(9), qui vous intéressera sûrement.

Notes

(1) Le Rav Z. Gold.
(2) Voir, à ce sujet, la lettre n°2083.
(3) De la même étymologie que Ratson, la volonté.
(4) Yaakov.
(5) De la même étymologie que Baloul, mélangé.
(6) Entre toutes ces notions.
(7) Ya’hid signifie à la fois privé et unique.
(8) Le végétal.
(9) Il s’agit de la lettre n°2067.