Lettre n° 2497

[Adar Richon 5714]

J’ai vu environ trois centaines de ces lettres(1), chez mon beau-père, le Rabbi, qui n’a pas autorisé la publication d’une partie d’entre elles(2) et il ne fait pas l’ombre d’un doute que leur contenu est authentique, sauf pour ceux qui considèrent que la manière la plus évidente d’interpréter cet événement est un miracle tout à fait surnaturel. Ceux-là peuvent imaginer qu’il y avait à Odessa, de façon miraculeuse, un homme capable de falsifier et d’inventer ces trois cent lettres, puis de disparaître.

Avec l’aide de D.ieu, lorsque j’en aurai le temps, j’ai l’intention d’éditer encore une fois toutes les lettres imprimées dans Hatamim, avec les lettres dont mon beau-père, le Rabbi, avait permis la publication, mais qui n’ont pas été éditées parce que le Hatamim, entre temps, a cessé de paraître. Comme introduction à ce recueil, j’exposerai ce qui me permet d’aboutir à la conclusion que je viens de donner(3). J’en citerai ici uniquement deux points :

A) Tous ceux qui se trouvaient dans le sud de la Russie, c’est-à-dire à proximité de Odessa et de Herson, lorsque ces lettres firent leur apparition, étaient des hommes de renom, en particulier ceux qui connaissaient l’histoire et l’enseignement de la ‘Hassidout.

Or, aucune de ces personnalités n’avait la capacité ou la possibilité de rédiger ces lettres en en inventant purement et simplement le contenu.

B) Une grande confusion régnait alors. Les relations entre les états étaient difficiles. En une telle période, il était pratiquement impossible de se procurer le parchemin sur lequel ces lettres ont été écrites.

Ceux qui contestent l’authenticité de ces lettres se basent essentiellement sur le fait que certaines de leurs dates semblent contradictoires. Ils mettent donc en avant des erreurs liées à un seul mot ou même une seule lettre. Parfois, il s’agit d’une omission de mots. Or, celui qui a, une fois, recopié des lettres(4), surtout s’il a dû le faire rapidement, sait qu’un copieur, même compétent, fera des erreurs dans au moins 5% des lignes, malgré une seconde et une troisième relecture. Et, je répète qu’il s’agit là du copieur le plus compétent.

Je sais malheureusement de quoi je parle car je fais moi-même la relecture d’une part importante des discours ‘hassidiques et des livres qui sont publiés par notre maison d’édition.

A l’opposé, un falsificateur qui cherche à faire un faux pour le revendre à la famille d’un Rabbi, c’est-à-dire à des personnes connaissant l’histoire ‘hassidique et son enseignement, saura qu’il doit être prudent et relire son texte de nombreuses fois. Il craindra que l’on découvre des erreurs, qu’il soit publiquement déconsidéré et subisse des pertes.

De ce point de vue, les erreurs, si l’on fait abstraction de celles de l’imprimeur du Hatamim, font la preuve que ces lettres ne sont pas le fait d’un faussaire, conscient qu’il devait faire attention, car il était désireux de les revendre, au meilleur prix, à ceux qui en comprenaient parfaitement le contenu, mais, bien au contraire, qu’elles s’adressaient à ceux qui ne possédaient qu’une connaissance sommaire de leur contenu.

Il y a là une preuve supplémentaire des conclusions auxquelles aboutit mon beau-père, le Rabbi, qu’il tenait vraisemblablement de son père et selon lesquelles :
A) il ne fait pas de doute que le contenu de ces lettres est authentique.
B) elles sont la recopie d’écrits dont les auteurs possédaient une profonde connaissance de la ‘Hassidout et même de la Kabbala.

Il est un autre point, qui conduit également à adopter la conclusion de mon beau-père, le Rabbi. Tous ceux qui ont vu ces centaines de lettres, toutes réunies pour être vendues à un représentant de Loubavitch, n’ont pas imaginé qu’il s’agisse d’originaux. En effet, toutes les lettres sont rédigées, d’une même écriture, sur un parchemin identique. Un falsificateur qui aurait commis son méfait de la sorte n’aurait pu espérer trouver un client que parmi ceux qui sont dépourvus de tout sens critique ou même du bon sens le plus élémentaire.

En plus de tout cela, il y avait, parmi les lettres non publiées, des Kaméot(5), des lettres portant des ornements(6) et ponctuées(7), comme me l’a dit mon beau-père, le Rabbi. Il y a donc, dans ces textes, et même dans ceux qui ont été publiés, des explications qui ne sont pas connues de tous, mais ont été transmises oralement, d’un Rabbi à l’autre, depuis l’Admour Hazaken jusqu’au père de mon beau-père, le Rabbi.

Je n’ai exposé ici que des considérations générales, mais, à mon sens, celles-ci sont suffisantes non seulement pour écarter les arguments qui figurent dans cet article(8) et dans les précédents, mais aussi pour adopter complètement la conclusion inverse, paraissant la plus logique.

Il est établi que le Rabbi de Rughin subit une sévère incarcération. Pour l’heure, aucun “ chercheur ” scientifique ne le conteste, même si l’un d’eux, en Pologne, est parvenu à la “ conclusion scientifique et définitive ” que le Baal Chem Tov n’a jamais existé. Lorsque l’on emprisonnait quelqu’un, on confisquait tous ses biens. Or, il est certain que le Rabbi de Rughin possédait, en quantité plus ou moins importante, des lettres manuscrites de ses contemporains ou des générations qui le précédaient immédiatement, des livres et des objets qui lui étaient précieux, par exemple parce qu’ils les avaient reçus en héritage.

On peut être certain que le Rabbi, lorsqu’il se trouva dans un lieu sûr, chercha, par différents moyens, à se faire restituer ce qui lui appartenait. Bien évidemment, il ne pouvait pas intervenir directement auprès des autorités, puisqu’il s’était échappé de prison. Il devait agir en cachette.

Si ceux qui s’efforçaient de le faire pour le compte du Rabbi sont parvenus à soudoyer les personnes pouvant intervenir, en la matière, que devaient faire ces personnes pour trouver une solution et diminuer le risque que l’on puisse découvrir la restitution de ces écrits à leur propriétaire ? En toute logique, il fallait les remplacer par d’autres, de même apparence, de même nombre que ceux qui ont été rendus.

Bien évidemment, tout cela n’a pas pu être fait dans le calme, avec tout le temps nécessaire. Il a donc été impossible de faire une relecture sérieuse de ces textes. Il était, en outre, inutile de le faire puisque ceux qui effectuaient la substitution et ceux qui mèneraient, par la suite, une éventuelle enquête, comprenaient mieux le russe que la ‘Hassidout.

De même, il est clair que la recopie a été faite sur le parchemin ou le papier en usage lors de la substitution et non lors de la rédaction. Bien plus, à l’époque, on ne savait pas qu’il est possible d’analyser un parchemin pour déterminer quand il a été fabriqué.

M. Schneerson,

Notes

(1) Qui ont été trouvées dans la Gueniza de la ville de Herson, en Russie. Il s’agit, pour la plupart, de lettres du Baal Chem Tov et de ses disciples, dont le précédent Rabbi de Loubavitch atteste de l’authenticité. Elles ont été imprimées dans le recueil Hatamim. Cette lettre est une réponse à quelqu’un qui prétend que ces lettres sont des faux.
(2) Dans Hatamim.
(3) Celle de l’authenticité de ces textes.
(4) Ces lettres sont, pour la plupart, des recopies des originaux.
(5) Lettres portant des formules kabbalistiques, destinées, par exemple, à guérir les malades.
(6) Comme dans le Séfer Torah.
(7) Comme dans la Kabbala.
(8) Contestant l’authenticité de ces lettres.