Lettre n° 2689

Par la grâce de D.ieu,
29 Iyar 5714,
Brooklyn,

Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
grand érudit, le Rav Avraham Yaakov(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai eu de vos nouvelles, avec plaisir, par le Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu, Rav Leïb Zalmanov, qui m’a remis votre cadeau, le second tome de votre livre Echel Avraham, portant sur l’ordre Nachim(2). Que D.ieu vous accorde le mérite de parer et de grandir la Torah.

De fait, il est remarquable(3) que cette expression(4) soit employée à propos de l’étude des enfants. Celle-ci émane d’un “ souffle qui n’a pas commis de faute ”. Malgré cela, elle se limite, dans un premier temps, à un niveau très bas, comme le soulignent le Rambam, dans ses lois de l’étude de la Torah, chapitre 2, paragraphe 7 et le Yad Mala’hi, principes, chapitre 4. A l’autre extrême, on emploie la même expression pour une étude qui ne modifie pas la Hala’ha, mais apporte uniquement la beauté et l’harmonie, comme le dit le traité ‘Houlin 66b, ce qui est la forme la plus élevée de cette étude.

On sait, en effet, que chaque Juif possède sa propre part de la Torah. Un ignorant doit donc le faire également et il s’acquitte de son obligation en en récitant un seul verset. A l’opposé, le verset s’exprime sévèrement(5) de l’érudit le plus grand qui, pendant un court instant, aurait pu étudier la Torah et ne l’a pas fait, comme le dit le traité Sanhédrin 99a.

De fait, la Torah est bien la Sagesse et la Volonté du Saint béni soit-Il, mais, par un effet de Sa Bonté sans contrepartie, Il en a fait don ici-bas. Avant que ce ne soit le cas, Moché lui-même l’oubliait, bien qu’il l’ait reçue de la bouche de D.ieu, sur le mont Sinaï, alors qu’il était coupé de la grossièreté et même de la matérialité de ce monde. En effet, “ il ne mangea pas de pain et ne but pas d’eau ”.

De ce point de vue, le plus grand et le plus humble sont bien identiques. Ainsi, différents textes établissent que, par rapport à l’infini, un, un million et cent millions sont strictement identiques.

Avec ma bénédiction de réussite en tout cela et pour que vous ayez de longs jours et de bonnes années,

N. B. : Comme à mon habitude et par marque d’affection, je formulerai les quelques remarques suivantes, concernant votre livre.

A son début, puis à sa page 358, vous commentez le traité Kiddouchin 16a. Voici mes remarques:

A) Le Itour, mentionné par le Otsar Ha Gaonim, à cette référence, cite le texte de la Guemara et ne dit pas: “ Autre réponse: qu’il se rende au tribunal ”.

B) A propos de la conclusion de votre commentaire, il convient de citer le traité Nedarim 45a: “ L’un en fait l’acquisition et les deux autres témoignent ”, ce qui veut dire, en l’occurrence, qu’il parle en présence de deux personnes. Vous consulterez également le traité Guittin 33a et 40b.

C) Le Noda Bihouda se demande si un acte de divorce doit être fait devant un tribunal. Vous consulterez, à ce sujet, les responsa du Tséma’h Tsédek, au chapitre 162.

D) Les Tossafot sur le traité Sotta, à la page 78a(6), citent les Tossafot Yechenim et l’on peut distinguer, à ce sujet, deux points concernant la lecture de la Torah:

1. D’une part, la communauté est tenue de l’écouter, et non l’individu, comme l’explique le Mil’hamot Meguila, au chapitre 1. Vous consulterez également le Tsafnat Paanéa’h, du Gaon de Ragatchov, sur le Rambam, lois de la prière, chapitre 12, paragraphe 5.

En tant qu’obligation incombant à la communauté, la lecture de la Torah est comparable à la révélation du Sinaï, qui fut accordée à tout Israël. C’est la raison pour laquelle “ tu n’as pas le droit de citer oralement ce qui t’a été donné par écrit ”. Il faut conserver la référence de ce don(7). Vous consulterez, à ce sujet, les responsa du Radbaz, tome 4, chapitre 1205.

2. D’autre part, la lecture de la Torah est également une partie de la prière, de laquelle il est dit: “ Nous compléterons(8) par les bœufs de nos lèvres ” ou bien un ajout au sacrifice qui est offert. En ce sens, disent les Tossafot Yechenim, la lecture de la Torah est bien “ à l’usage du service de D.ieu(9) ”. C’est ce qu’affirme le Yerouchalmi.

Cet aspect, en revanche, n’est pas comparé au don de la Torah à tout Israël. A ce propos, on ne peut donc pas dire, “ tu n’as pas le droit de citer oralement ce qui t’a été donné par écrit ”(10). Il en est de même pour la lecture de la Torah relatant les sacrifices, pendant les fêtes, à Roch Hachana et à Yom Kippour, qui est différente des autres lectures.

Vous consulterez, à ce sujet, les Tossafot, au traité Meguila 30b et le Rambam, lois de la prière, qui définit deux principes, à propos de la lecture de la Torah. Pour quelqu’un comme vous, ce bref exposé sera suffisant.

A la fin de votre livre, vous commentez l’expression de nos Sages: “ A l’heure actuelle, nombreux sont ceux qui ont adopté cette pratique(11) ”. Vous demandez, à juste titre, à partir de quand l’on peut considérer que nombreux sont ceux qui ont adopté cette pratique. Vous expliquez que ce fut lorsqu’un décret(12) interdisait la circoncision. A l’époque, on ne pouvait attendre un jour lumineux pour le faire, car il était alors plus aisé d’être pris. On la pratiquait donc en un jour nuageux, lorsqu’il est inhabituel de fixer une circoncision.

Il est difficile d’accepter cette explication. Comment pratiquer une circoncision à un moment où il est dangereux de le faire? Et, le récit rapporté ici fait la preuve du contraire. En effet, la génération du désert apprit qu’elle y resterait pendant quarante ans, qu’elle disposerait donc, pendant tout ce laps de temps, des colonnes de nuée, empêchant le vent du nord de souffler. Malgré cela, les enfants ne furent pas circoncis.

Combien plus en est-il ainsi lorsqu’il s’agit d’un décret, qui peut toujours être annulé. Il ne fallait donc pas circoncire les enfants et, de la sorte, mettre leur vie en danger.

Il me semble que l’explication peut être trouvée dans les Tossafot qui s’expriment sur un cas similaire ou peut-être même encore plus surprenant. En effet, le traité Meguila 2b dit que l’on avait oublié les lettres Mêm, Noun, Tsaddik, Pé et Kaf, après que Amon ait brûlé la Torah. On peut en dire de même ici. En effet, “ nombreux étaient ceux qui avaient adopté cette pratique ” à Babel, qui était une plaine(13), de différents points de vue. Puis, vinrent Rav et les autres Sages de la Guemara, qui entérinèrent cet usage.

La même expression est utilisée à propos d’une saignée pratiquée le vendredi(14), selon le traité Chabbat 129b. Vous consulterez également la lettre de Rav Cherira Gaon, qui décrit la situation de Babel avant que Rav n’y parvienne.

Notes

(1) Le Rav A. Y. Neymark. Voir, à son sujet, les lettres n°2190 et 2806.
(2) De la Michna.
(3) Voir, à ce sujet, la lettre n°2769.
(4) Le fait de parer et de grandir la Torah.
(5) “ Il a fait honte à la Parole de D.ieu ”.
(6) Du livre du Rav Neymark, commentant le traité Sotta 40b.
(7) Etudier la Torah telle qu’elle a été donnée.
(8) Notre impossibilité d’offrir des sacrifices.
(9) Dans le Temple, qui est remplacé par la prière.
(10) Voir, à ce sujet, la lettre n°2502.
(11) Bien qu’à l’origine, elle ait été interdite. Il s’agit, en l’occurrence, de pratiquer la circoncision en un jour sombre, lorsque la luminosité ne permet pas de le faire.
(12) Romain.
(13) Un endroit isolé.
(14) Elle devrait être interdite, car elle est dangereuse. Néanmoins, elle est permise, car “ nombreux sont ceux qui ont adopté cette pratique ”.