Par la grâce de D.ieu,
28 Tichri 5715,
Brooklyn,
Je vous bénis et vous salue(1),
J’ai bien reçu votre lettre, qui n’était pas datée et, conformément à votre demande, je vous réponds sans même respecter l’ordre d’arrivée des courriers, y compris les plus urgents. Je reprends votre lettre, point par point.
Vous commencez par me dire que la dernière étincelle vient de s’éteindre(2) et j’en suis surpris. Qui peut prétendre avoir connaissance de telles choses ? Il semble que vous vous basiez essentiellement sur votre âge, mais cela ne veut rien dire, comme le disent nos Sages et comme on peut le vérifier concrètement.
Des femmes plus âgées que vous ont des enfants. De plus, en observant le monde que D.ieu a créé, on peut s’écrier, selon les termes du verset : “ Comme sont nombreuses Tes actions ” et “ Comme sont grandes Tes actions ”. Nul ne peut tout comprendre et tout maîtriser, ni même saisir une partie importante ou la majorité de ce qui se trouve dans ses quatre coudées(3) et concerne sa vie personnelle.
C’est la raison pour laquelle les hommes se spécialisent dans différentes disciplines et un homme droit n’émet donc un avis que dans son propre domaine. Pour les autres sciences, il s’en remet à ceux qui sont experts.
Pour ce qui fait l’objet de notre propos, la Torah prend en compte les avis médicaux et, d’après le Choul’han Arou’h, certaines décisions sont même prises en fonction de cela. Dans la pratique, chacun et chacune doit se conformer aux prescriptions des médecins. Pour autant, on doit avoir, en son cœur, la ferme conviction que D.ieu “ guérit toute chair ”, qu’Il dirige le monde, au jour le jour, c’est-à-dire aussi la vie quotidienne de chacun et de chacune, jusque dans le moindre détail et, combien plus, dans les domaines les plus importants.
Votre lettre semble indiquer que vous n’avez pas encore consulté un médecin spécialiste, mais, même si c’était le cas, un nombre incalculable d’erreurs est commis par les médecins, en la matière. Tout dépend donc de l’intensité de votre confiance en D.ieu, de votre attachement au Créateur du monde, par un mode de vie qui soit, au quotidien, plein de foi et suscitant donc la joie.
On peut se réjouir également en constatant que l’on a le moyen de se mettre au service de son entourage, ce qui constitue un mérite inestimable. Vous connaissez le dicton du Baal Chem Tov(4) selon lequel une âme descend ici-bas, pendant soixante dix ou quatre vingt ans, afin de rendre, une fois, un service, matériel et a fortiori moral, à son prochain.
Qui, comme le Baal Chem Tov, savait à quel point la chute de l’âme, ici-bas, “ d’une cime élevée vers une fosse profonde ”, est vertigineuse? Malgré cela, il délivra cet enseignement et le transmit à toutes les générations, après lui, alors que l’exil devient de plus en plus intense.
Bien plus, il s’agit, en l’occurrence, d’une jeune femme, qui n’a pas encore pleinement utilisé les capacités qui sont les siennes pour guider son entourage, mettre en éveil et fortifier le bien qui est enfoui dans les âmes. Or, il n’est de bon que la Torah et ce n’est pas uniquement le cas pendant le Chabbat, les jours redoutables ou les occasions exceptionnelles, mais bien au quotidien, pendant les jours que certains commettent l’erreur de définir comme obscurs.
En réalité, il n’est nul besoin d’expliquer et de commenter ce qui doit être une idée évidente. Il suffit de se dire que chaque Juif, descendant d’Avraham, d’Its’hak et de Yaakov, contribue à maintenir la relation entre le Créateur et les créatures, par l’intermédiaire de sa vie, surtout en agissant de la manière définie ci-dessus. Or, cette relation est bien la finalité de toute la création.
Bien évidemment, tout ce que je viens de dire n’a pas pour objet de diminuer l’importance d’avoir un enfant, ce qu’à D.ieu ne plaise. Je veux, en fait, vous montrer quelle est la vérité absolue, vous dire qu’il n’y a pas lieu de s’attrister et, encore moins, de prononcer les termes de désespoir que vous m’écrivez, bien au contraire.
Vous me demandez si vous devez déménager et, seconde question qui est essentielle, si vous devez adopter un enfant et l’éduquer chez vous. Tout dépend, en fait, de l’effet que cela aura sur vous et sur votre mari. Si, de la sorte, vous vous emplissez de joie et de confiance en D.ieu, qui exaucera votre souhait et vous donnera un enfant, il est clair que c’est une bonne initiative.
Il me semble vous avoir déjà écrit(5), me basant sur les causeries de mon beau-père, le Rabbi, qu’un homme doit, certes, établir un bilan, dans le domaine moral. Pour autant, il ne convient de le faire qu’à certains moments. Si ce n’est pas le cas, celui-ci sera plus dommageable que bénéfique.
Cessez donc de faire un tel bilan chaque jour ou même chaque semaine. Il vaut mieux que vous vous serviez de vos capacités pour mener des actions positives et guider votre entourage. D.ieu agit “ mesure pour mesure ”(6), mais d’une manière beaucoup plus abondante(7).
Avec ma bénédiction pour que vous soyez joyeuse et donniez de bonnes nouvelles de tout cela,
Notes
(1) Cette lettre est adressée à une femme.
(2) Que cette femme a perdu tout espoir d’avoir un enfant.
(3) A proximité de lui.
(4) Voir, à ce propos, les lettres n°2641, 3019, 3176 et 3271.
(5) Voir la lettre n°2317.
(6) De la manière dont l’homme lui-même agit envers Lui.
(7) Bien au delà de l’effort investi par l’homme.