Par la grâce de D.ieu,
12 Mar’hechvan 5715,
Brooklyn,
A tous les professeurs,
Je vous salue et vous bénis,
Je fais réponse à votre lettre du 2 ‘Hechvan, que je viens de recevoir et, saisi par la douleur, je m’empresse de vous écrire, sans tenir compte de l’ordre d’arrivée des courriers. La raison de ma douleur est le contenu de votre lettre. Vous me dites que la direction de l’école doit de l’argent aux professeurs et qu’en conséquence, ceux-ci ont fait savoir qu’ils réduiraient les heures d’enseignement, jusqu’à ce qu’on leur donne ce qui leur est dû. Vous comprenez donc la raison de ma peine:
A) Ceux qui souffrent de cette diminution du temps d’enseignement sont les élèves, des enfants d’Israël intègres. Or, même si la direction de l’école a été injuste, il n’y a aucune raison de les punir, surtout d’une manière irréparable, car on ne rattrapera jamais le temps perdu, en particulier celui qui est consacré à l’éducation des enfants, dont une seule heure correspond à un temps beaucoup plus long, lorsque l’homme est déjà adulte.
B) Vous observez vous-mêmes, j’en suis persuadé, qu’il n’y a eu aucune mauvaise intention de la part de la direction de l’école. Il est clair que s’il y avait des disponibilités dans la caisse, ou bien s’il était possible de s’en procurer aisément, les membres de la direction auraient été satisfaits de s’acquitter de leurs dettes. Et, si l’on peut envisager(1) de punir “ mesure pour mesure ”(2), il est, en revanche, inconcevable de punir délibérément celui qui a agi par inadvertance ou même sous la contrainte.
C) Ce qui découle de tout cela est la ruine des conceptions de vos élèves. Ceux-ci observent que, du fait d’une exigence matérielle envers tel Rav ou tel responsable communautaire, on commet une injustice envers des dizaines d’entre eux. Or, ce comportement est adopté par leur professeur, celui qui est chargé de les former à la pratique juive et aux bons comportements. Dès lors, rien ne fera obstacle à ce que ces élèves adoptent eux-mêmes une attitude telle que “ Touvya a fauté et Zigoud est fouetté ”(3).
Vous savez également que “ Chaoul fit une faute et elle fut retenue contre lui, David en fit deux, mais elles ne furent pas retenues contre lui ”(4). En effet, la faute de Chaoul porta sur ce qui participait de sa mission et de sa fonction, la royauté. Les fautes de David, en revanche, bien que plus graves, étaient indépendantes de sa mission, de ce que la ‘Hassidout appelle la raison essentielle pour laquelle l’âme se trouve ici-bas.
En conséquence, le fait d’avoir réduit également l’enseignement profane ne change rien au tort qui est causé(5). De plus, pendant ces heures, les élèves restent inactifs.
J’espère que ces quelques lignes suffiront. Vous me réjouirez en m’annonçant une bonne nouvelle, par retour du courrier. Vous me direz que vous offrez, à titre gracieux, des heures supplémentaires, que vous le faites avec bienveillance et de votre plein gré. De cela, dépend la réussite de l’influence que vous exercerez sur vos élèves.
Dans l’attente de ces bonnes nouvelles et en vous remerciant chaleureusement de me les donner au plus vite,
N. B. Je n’ai pas abordé, dans mon propos, l’angle de la Hala’ha, en ce qui concerne la grève des professeurs d’un Talmud Torah ou d’un ‘Héder, car cela n’est pas notre sujet. Mais, avant tout, je suis convaincu qu’il n’y a nullement lieu d’évoquer cette question(6).