Par la grâce de D.ieu,
4 Kislev 5715,
Brooklyn,
Je vous salue et vous bénis,
Je fais réponse à votre lettre du 23 Mar’hechvan, dans laquelle vous accusez réception de la mienne et vous m’écrivez aussitôt pour me dire qu’elle vous a fait une terrible impression(1). J’en suis très surpris. Vous connaissez sûrement l’affirmation de nos Sages selon laquelle les opinions des hommes divergent. Dans mon courrier, je ne prenais pas de décisions. Je ne faisais qu’émettre des alternatives, dans le but de clarifier votre situation.
Même si vous considérez que votre position, exprimée dans votre lettre, est bien claire, je ne devais pas pour autant vous définir la mienne de manière tranchée, afin de vous montrer une autre vision des choses, de manière plus fine. Il me fallait, bien au contraire, mettre en parallèle les deux conceptions, pour vous montrer les craintes que soulève la seconde, que l’on ne retrouve pas dans la première. En tout état de cause, je ne vois pas ce qu’il y a de terrible à cela.
Ma position est essentiellement la suivante. Lorsque l’on se trouve, à l’heure actuelle, en Terre Sainte, dont la situation est bien connue, on a la possibilité, à tout instant, de sauver, moralement, de nombreuses âmes et donc également de leur apporter le bonheur dans ce monde, comme le soulignent nos Sages. Cette obligation incombe donc à chaque Juif. Néanmoins, ceux qui craignent la Parole de D.ieu, au quotidien, doivent la ressentir encore plus clairement.
Combien plus en est-il ainsi pour les ‘Hassidim, anciens élèves de la Yechiva Loubavitch, auxquels on a maintes fois souligné l’importance d’aimer son prochain, ce qui est “ un grand principe de la Torah ”, comme le dit Rabbi Akiva. Et, l’Admour Hazaken explique(2) que ce Précepte est le réceptacle de l’Injonction “ Tu aimeras l’Eternel ton D.ieu ”, principe fondamental de toute la Torah.
Chacun doit donc prendre une part active à tout cela, y compris ceux qui se trouvent à l’extérieur d’Erets Israël et, a fortiori, ceux qui se trouvent dans le palais du Roi, Roi des rois, le Saint béni soit-Il(3).
Bien évidemment, il y a, en l’occurrence, comme c’est systématiquement le cas, deux manières d’agir. On peut rechercher un objectif que l’on obtiendra seulement à terme ou bien vouloir en observer les fruits tout de suite. En l’occurrence, une autre distinction peut également être faite entre l’action que les hommes considèrent comme étant de moindre importance ou bien, pour employer un euphémisme, qui reste dissimulée et celle qui est grandiose et prestigieuse.
Il est bien évident que chacun souhaite prendre part à la seconde, mais non à l’activité quotidienne, de moindre importance, que l’on assume, pour une large part, par soumission. Et l’on peut vérifier, dans la pratique, que c’est uniquement dans ce cas que l’on a une chance de faire preuve de l’enthousiasme qui convient.
Pour ce qui vous concerne, je n’ai malheureusement pas entendu grand chose de ce que vous accomplissez au quotidien, alors que ceux qui sont capables d’assumer cette tâche sont peu nombreux. Nul n’a donc le droit de s’en dispenser, en particulier ceux qui connaissent l’enseignement de la ‘Hassidout, de ses pratiques et de ses voies. Ceci vous explique ce que je disais dans mon précédent courrier, ma conception et ma réaction, quant à votre activité, en général et à celle qui est faite dans le domaine de ‘Habad, en particulier.
Bien évidemment, l’explication que vous donnez n’est nullement suffisante. Vous me dites que vous avez des difficultés de relation avec les autres personnes. Or, pendant ce temps, des dizaines de jeunes se dirigent vers la gauche et ceux qui peuvent les rapprocher de la pratique juive, en général, de la ‘Hassidout, en particulier, ne le font pas. A quoi bon toutes ces justifications ? Même si l’on dit que celui qui se trouve en situation de force majeure est dispensé d’agir, on ne le considère pas pour autant comme s’il l’avait fait effectivement. Et, en tout état de cause, celui qui devait profiter de l’action n’en reçoit rien.
Bien entendu, je ne veux rien minimiser, mais votre action et ses fruits apparaîtront par la suite. Entre temps, vous devez agir sur votre entourage, dans les actions quotidiennes, même si celles-ci restent cachées et secondaires. C’est ce qui est dit à propos de la Tsédaka que chacun et chacune est tenu de donner. Et, il en est de même pour la Tsédaka spirituelle. Il n’est pas un Juif qui ne puisse en donner, ici et maintenant.
Il est clair que mon but n’est pas de vous faire de la morale. Je me base sur l’affirmation de nos Sages selon laquelle “ nous sommes des travailleurs du jour ”(4), c’est-à-dire que nous devons apporter la clarté. Il est donc de mon devoir de vous exprimer ma conception et d’émettre le vœu que vous fassiez le bon choix, c’est-à-dire que vous preniez une part active aux actions dont les fruits se manifesteront à court terme, que vous ne vous contentiez pas de vous préparer à une action grandiose.
Je souligne encore une fois que cela ne vous dispense pas de mener de telles actions. Comme vous le savez, nos Sages disent : “ Ne soupèse pas les Mitsvot de la Torah, de la plus légère à la plus grave ”, c’est-à-dire même lorsque la Torah porte témoignage que l’une est la plus légère et l’autre, la plus grave. Combien plus en est-il ainsi pour ce qui reste livré au jugement de l’homme.
Après ce qui est dit au début de ma lettre, j’espère qu’il est inutile de répéter encore une fois qu’il n’est nullement dans mon intention de vous inspirer le désespoir, de tenir des propos terribles ou même de refroidir votre ardeur pour ce qui vous paraît si important. Mon but est uniquement d’aider à construire et surtout de vous rappeler votre obligation envers votre environnement immédiat, celle d’y diffuser le luminaire de la Torah, qui est l’enseignement de la ‘Hassidout, ses pratiques et ses voies. Et, rien ne résiste à la volonté.
Je vous remercie de m’avoir adressé l’article relatif à mon père, qui a été publié.
Avec ma bénédiction pour que vous donniez de bonnes nouvelles de tout cela,
Notes
(1) Voir, à ce sujet, la lettre n°3267.
(2) Voir, à ce sujet, la lettre n°2658.
(3) En Terre Sainte.
(4) Voir, à ce sujet, la lettre n°3041.