Par la grâce de D.ieu,
22 Chevat 5709,
A mon parent, le grand Rav, érudit qui craint D.ieu,
le Rav B. C.(1),
Je vous salue et vous bénis,
J’ai reçu avec retard votre lettre et ce qui y était joint, votre article paru dans le périodique Hayoman et sa partie qui n’a pas été publiée(2). Ma réponse a également été retardée, du fait de mes nombreuses occupations et vous voudrez bien m’en excuser.
Le Rav H. H.(3) vous a sûrement transmis ce que je lui ai écrit, de même que les publications que je lui ai envoyé à votre intention. Vous les avez sans doute reçues. Si vous écrivez un article à leur propos ou, de façon générale, sur les activités des éditions Kehot et du Merkaz Leïnyaneï ‘Hinou’h, vous voudrez bien nous en adresser une copie. Je vous en remercie par avance.
D.ieu merci, tout a maintenant été fait pour permettre la parution des Pisskeï Dinim du Tséma’h Tsédek, qui sont sous presse.
Je voudrais maintenant répondre aux remarques que vous formulez sur quelques références du Tséma’h Tsédek, après vous avoir remercié pour les éloges et les compliments que vous adressez aux éditions Kehot, dans votre article. Je reprendrai ces remarques dans l’ordre:
A) J’ai déjà précisé, au début de mes notes, qui sont imprimées à la fin du Chaar Hamilouïm, que je me limitais à citer les manuscrits ou les livres présentant une idée nouvelle ou une réponse donnée par le Tséma’h Tsédek et à indiquer si la question à laquelle il répond est également citée dans les livres de ceux qui étaient proches du Tséma’h Tsédek et ont donc pu échanger avec lui, sur ce point.
A l’opposé, mon propos n’était nullement de rappeler la position de tous les derniers Sages sur ces questions, évoquées par le Tséma’h Tsédek et ce, pour différentes raisons, en particulier parce que les recueils de responsa et d’analyses hala’hiques se sont multipliés, dernièrement. Ils constituent donc un domaine à part entière.
B) Vous dites que, dans le Chaar Hamilouïm, page 33b, seconde ligne, la négation doit être supprimée. Vous avez raison.
Cette erreur d’imprimerie s’explique par le fait que l’on ne possédait de ce texte qu’un manuscrit, qui se trouvait lui-même être une copie, comme je le signalais dans mes notes. Et, je viens de vérifier que ce manuscrit porte effectivement une négation.
C) Vous faites référence à ce point, qui figure, d’une manière plus détaillée, dans les responsa du Tséma’h Tsédek et constatez que, par erreur, l’explication qui est donnée pour le traité Mikvaot, à la page 33c, n’est pas reproduite à propos du traité Taharot.
Concernant Mikvaot, ce texte doit être comparé à ce qui est imprimé dans les responsa et les commentaires sur le Talmud.
C*) A la page 16b, le Tséma’h Tsédek justifie la coutume de ceux qui disent le Psaume Mizmor Letoda, à la veille de Pessa’h(4). En effet, il est dit que "celui qui étudie les lois du sacrifice de Ola est considéré comme s’il en avait offert un", même la nuit(5). En pareil cas, il est bien considéré comme si son sacrifice avait été offert le jour.
Vous soulevez une objection à partir des propos du Rif, selon lequel il est interdit de dire deux fois la prière de Moussaf, parce que l’on ne pouvait offrir deux sacrifices de Moussaf consécutifs.
Je ne vois ici aucune difficulté, puisque le Tséma’h Tsédek parle bien de l’étude des lois du sacrifice de Ola, ce qui n’a rien à voir avec la prière de Moussaf et la remarque du Rif. Du reste, on sait que la description du sacrifice de Moussaf n’est pas essentielle, dans la prière de Moussaf. Il n’est donc nul besoin de dire, comme vous le faites dans votre lettre, que le Mizmor Letoda ne fait pas partie du texte de la prière instauré par les membres de la grande Assemblée.
En fait, s’il est ici une question qui se pose, elle doit porter sur les sacrifices, dont nous lisons la description pour être considérés comme si nous les avions offerts, alors qu’il s’agit de lire ce Psaume durant le jour(6). Bien plus, vous auriez pu poser une question portant sur le même sujet en demandant pourquoi le Mizmor Letoda n’est pas lu pendant ‘Hol Hamoéd Pessa’h.
Mais, il est clair que la remarque du Tséma’h Tsédek, selon laquelle on est considéré comme ayant offert ce sacrifice même si l’on en a étudié les lois pendant la nuit n’a qu’une valeur accessoire et permet de supprimer la différence entre l’action considérée a priori et la manière de la juger, a posteriori et ce, uniquement pour justifier une pratique qui existe(7).
D) Vous avancez que l’on pourrait offrir un sacrifice de Toda à la veille de Yom Kippour, bien que de tels sacrifices ne peuvent être conduits en un lieu qui leur est impropre, dès lors qu’il reste possible d’en nourrir les enfants.
Il est impossible d’avancer une telle explication, car conduire ce sacrifice en un lieu impropre ne fait pas que réduire l’endroit où il est possible de le consommer et le temps pendant lequel on peut le faire, mais également la quantité pouvant en être consommée, selon le traité Be’horot 60b et le Rambam, lois des sacrifices impropres 6, 6. Or, la formulation de la Michna, au traité Maasser Chéni 3, 2, établit que la diminution de la quantité pouvant être consommée est plus grave que celle du temps de consommation.
De même, vous avancez qu’il est une Mitsva de manger plus que de coutume, à la veille de Yom Kippour(8). Il est difficile de considérer que c’est là ce que veut dire le Tséma’h Tsédek, car, si c’était le cas, il aurait dû le spécifier clairement. Bien plus, il conclut par ces mots: "C’est différent(9) pour ce qui concerne la veille de Pessa’h, puisque l’on peut en manger(10) uniquement jusqu’à la fin de la quatrième heure du jour".
E) Vous écrivez qu’il faut se garder également de diminuer le temps de la nuit pendant lequel il est possible de consommer ce sacrifice. Vous avez raison, c’est bien ce que dit le Rambam, dans ses lois de ce qui est consacré, 10, 12, se basant sur la Tossefta du traité Zeva’him.
F) A mon humble avis, il est possible d’interpréter les propos du Tséma’h Tsédek de la manière suivante. Il s’agit pour lui, ici, de trouver une explication et non de soulever une objection.
Le Tséma’h Tsédek se demande pourquoi on offre un sacrifice de Toda à la veille de Yom Kippour. En effet, aucune source ne permet d’affirmer que ce ne soit pas le cas. Il souligne donc que ce sacrifice n’a pas été supprimé du fait de la diminution du temps de la nuit(11). A la veille de Pessa’h, en revanche, c’est pendant le jour que le temps a été diminué.
Le Tséma’h Tsédek s’en est remis au lecteur pour approfondir cette différence(12). On peut considérer qu’elle est double:
1. La logique indique que le temps de la nuit ne change rien, pour ce qui est d’offrir le sacrifice(13), comme l’établit le traité Kritout 7b. A l’opposé, c’est bien le temps du jour qui est réduit, selon le traité Zeva’him 75b. Combien plus est-ce le cas pour ce qui fait l’objet de notre propos, en l’occurrence le sacrifice de Toda, à la veille de Pessa’h.
2. Il est clair que les règles s’appliquant au sacrifice sont modifiées lorsque le temps de la journée est diminué. En effet, ce sacrifice ne peut être offert, durant le jour, aux heures interdites. Ce n’est pas le cas lorsque le temps de la nuit est diminué. Alors, il est, de toute façon, impossible d’offrir ce sacrifice.
Le Tséma’h Tsédek souligne donc que l’on n’empêchait pas d’offrir ce sacrifice pendant le jour(14), ce qui permet de répondre à la question posée par la Tossefta.
G) On peut effectivement se demander pourquoi le Tséma’h Tsédek n’introduit pas ici le fait qu’il soit une Mitsva de manger plus que d’ordinaire à la veille de Yom Kippour. Et l’on peut donner, à ce propos, les explications suivantes:
1. Si le principe de ne pas apporter des sacrifices en un lieu qui lui est impropre est bien instauré par la Torah, le fait de manger plus que d’ordinaire, à la veille de Yom Kippour, est uniquement introduit par nos Sages, comme le dit le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, Ora’h ‘Haïm, chapitre 604.
En effet, lorsqu’un principe est instauré par la Torah, on peut faire une distinction entre la situation telle qu’elle se présente a priori et celle qui survient, a posteriori, en particulier pour ce qui concerne les sacrifices. Plusieurs références, à ce propos, sont données par le Darkeï Chalom, du Maharcham de Brezan, au chapitre 71. Mais ce n’est pas ici le lieu de cette discussion.
2. Si l’on accepte que ce principe est instauré par nos Sages, on peut dire que la Mitsva de la veille de Yom Kippour est de manger et non de multiplier la nourriture. Bien plus, dans la province de Yehouda, qui comprend également Jérusalem, on consommait, en ce jour, de la volaille et du poisson, mais non de la viande rouge, selon les Tossafot, au traité ‘Houlin 83a.
H) Il reste à comprendre pourquoi le Tséma’h Tsédek n’introduit pas une distinction simple, en l’occurrence la suivante. Si l’on n’apporte pas de sacrifice de Toda à la veille de Yom Kippour, l’autel restera inactif. En effet, si l’on n’offre pas les sacrifices consommés pendant un jour et une nuit, on n’apportera pas non plus, à plus forte raison, ceux qui sont consommés pendant deux jours et une nuit. A l’opposé, à la veille de Pessa’h, seuls les pains ‘Hamets sont écartés(15).
Mais, ceci nous conduit à une question se posant en sens inverse. On pourrait déduire la possibilité d’offrir le sacrifice de Toda à la veille de Pessa’h de celle des sacrifices qui sont offerts à la veille de Yom Kippour, malgré la réduction du temps pendant lequel ils peuvent être consommés.
Le Tséma’h Tsédek souligne donc qu’une telle différence peut effectivement être faite lorsque le temps du jour est diminué.
Je conclus en vous souhaitant tout le bien,
Rav Mena’hem Schneerson,
Ne connaissant pas votre adresse, après les modifications intervenues cette année, je vous fais parvenir cette lettre par l’intermédiaire du Rav H. H.(3). Vous voudrez bien me confirmer avoir reçu ce courrier.
Notes
(1) Le Rav Barou’h Chimeon Schneersohn, recteur de la Yechiva Ko’hav Méyaakov.
(2) Voir, à ce propos, la lettre n°397, au paragraphe I et la lettre suivante.
(3) Le Rav ‘Hano’h Hendel Havlin, de Jérusalem.
(4) Que nous ne récitons pas, car le sacrifice d’action de grâce, Toda, comportait du ‘Hamets et n’était donc pas offert, en ce jour.
(5) Alors que l’on n’offre pas de sacrifice pendant la nuit.
(6) Exigence qui ne s’explique pas, puisque l’étude n’y est pas soumise.
(7) Celle de lire ce Psaume.
(8) Ce qui explique que l’on puisse offrir le sacrifice de Toda en ce jour.
(9) De la veille de Yom Kippour.
(10) Du ‘Hamets.
(11) Pendant lequel il pourra être consommé.
(12) Entre la veille de Yom Kippour, lorsque le laps de temps de la nuit est réduit et la veille de Pessa’h, lorsque le laps de temps du jour est réduit.
(13) Ce que l’on peut faire uniquement pendant le jour.
(14) De la veille de Yom Kippour.
(15) Ce qui n’exclut pas tous les sacrifices qui n’en comportent pas.