Lettre n° 503

Par la grâce de D.ieu,
15 Tamouz 5709,

Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav ...

Je vous salue et vous bénis,

Je réponds, dans l’ordre, aux questions posées dans votre lettre:

A) Le Likouteï Torah, tome 2, chapitre 7, indique que certains commirent l’erreur de penser qu’il faut interpréter le Tsimtsoum(1) au sens littéral. Ceux-là faisaient-ils allusion au premier Tsimtsoum?

Il est clair que c’est bien le cas. La discussion tendant à établir si le Tsimtsoum est à interpréter au sens littéral ou non figure au début du Ets ‘Haïm, où il est bien question du premier Tsimtsoum. Le Yocher Levav, du Rav ‘Haï Ricki, l’établit clairement, de même que d’autres textes. C’est aussi ce qu’indique le Likouteï Torah.

Il faut savoir que dans le texte que vous citez et dans Igueret Hakodech, cette erreur est exposée et il est établi que le Tsimtsoum ne doit pas être interprété au sens littéral. Mais, il est aussi une autre erreur. On a dit que le Tsimtsoum portait sur l’Essence de D.ieu, ce qui n’a pas de sens, comme l’indique le Torah Or, au début de la Parchat Vayéra, le Likouteï Torah, à cette même référence, le Séfer Hamitsvot du Tséma’h Tsédek et d’autres textes encore.

B) Si l’erreur porte sur le premier Tsimtsoum, qui intervint avant la création de tous les mondes, pourquoi l’Admour Hazaken(2) dit-il: "D.ieu aurait retiré Son Essence de ce monde"?

On peut répondre à cette question de deux manières:

1. Celui qui commit cette erreur pensa qu’il fallait interpréter le Tsimtsoum au sens littéral parce qu’il était, pour lui, une évidence que l’Essence de D.ieu s’est retirée de ce monde. S’il n’en était pas ainsi, "D.ieu se trouverait également parmi les créatures les plus inférieures et même les plus viles". La réponse de l’Admour Hazaken porte donc sur ce qui est à la base de cette conception.

2. Pour ce qui est des autres mondes, on peut penser qu’après le Tsimtsoum, la Lumière de D.ieu s’est révélée de nouveau. Les questions, que nous envisagerons plus loin, soulevées par le Tikouneï Zohar et le Raya Méhemna ne se posent donc plus. A l’opposé, l’Essence de D.ieu ne peut se révéler ici-bas, puisque, selon cette conception, Elle est incompatible avec la matière.

Dans le monde spirituel d’Atsilout, il est bien évident que la Lumière de l’Essence divine peut réapparaître. Mais, bien plus, il peut en être de même également dans les stades plus inférieurs de la création. De fait, un fil de cette Lumière éclaire bien les mondes de Brya, Yetsira et Assya.

C) Y a-t-il un rapport entre ce qui vient d’être dit et le chapitre 20 d’Igueret Hakodech, selon lequel le reflet de Lumière divine transperça le rideau(3)?

A ce propos, pourquoi n’est-il pas dit ici qu’il "transperce et éclaire", au féminin(4)? C’est pourtant ce qui figure dans toutes les éditions que j’ai pu voir.

A mon humble avis, cela n’a rien à voir avec ce qui a été expliqué. Pour l’Admour Hazaken, le Tsimtsoum n’est pas à interpréter au sens littéral et il n’est donc pas nécessaire de le compenser par ce reflet de Lumière. De plus, tous s’accordent pour dire que ce reflet ne supprime pas le Tsimtsoum et en modifie seulement quelques aspects, permettant de l’occulter par l’accomplissement de la Torah et des Mitsvot.

La ‘Hassidout énonce la définition du Tsimtsoum et du fil de Lumière. Cette rétractation créa un espace vide et rond, dans laquelle le fil s’introduisit. Or, il est bien clair qu’un fil ne peut combler un espace rond. Et, il en est de même ici. Ce fil éclaire le monde d’Atsilout et seuls ses lumières et ses réceptacles s’unifient à lui, ce qui n’est pas le cas des sanctuaires et des anges de ce monde, comme le dit le chapitre 20 d’Igueret Hakodech. Il n’en est pas de même avant le Tsimtsoum, c’est bien évident.

D) Peut-on dire que, d’après le Ets ‘Haïm, le fil de Lumière s’arrête dans le monde d’Atsilout, les stades ultérieurs de la création en étant donc séparés?

Vous consulterez, dans le discours ‘hassidique intitulé "sonnez", qui a été prononcé en 5650(5), une note qui est proche de son début. Celle-ci, citant le Ets ‘Haïm et le Chaar Hahakdamot, précise que l’essence des Sefirot du monde d’Atsilout est à l’origine de celles de Brya. On peut considérer que c’est là ce que dit Igueret Hakodech, évoquant le reflet de Lumière qui traverse le rideau.

Il n’y a donc nulle idée nouvelle introduite par l’Admour Hazaken en cela. Peut-être ses propos peuvent-ils être considérés comme une interprétation du Ets ‘Haïm, puisque l’on peut en envisager d’autres.

En tout état de cause, même si l’on fait abstraction de ce rayon de lumière qui traverse le rideau, il est difficile de considérer les mondes de Brya, Yetsira et Assya comme séparés. Car, ce reflet traverse tout l’enchaînement des mondes, comme le dit Igueret Hakodech, à la même référence.

Le reflet parvient donc jusqu’à l’Attribut de royauté du monde d’Assya, comme le précisent le Ets ‘Haïm et d’autres références. Igueret Hakodech renvoie également au Séfer Haguilgoulim, qui en décrit la révélation. Tout cela est précisé par le discours intitulé "tu te réjouiras", qui fut prononcé en 5657(6), indiquant que le reflet est évident en Atsilout, puis caché dans les stades ultérieurs de la création.

E) Un orphelin doit-il commencer à mettre les Tefilin à douze ans?

J’ai vu que les tous derniers Sages mentionnaient cette coutume. Le Pinot Habayt, du Rav T. Y. Michaelsohn dit que c’est l’usage courant et qu’il y a, en cela, un mérite pour le défunt. De fait, on peut se demander en quoi il y a un mérite à adopter une pratique à laquelle on n’est pas astreint et qui ne fait même pas partie de l’éducation que l’enfant doit recevoir, à la différence du Kaddich. Bien plus, des adultes entendent le Kaddich, y répondent Amen, constatent que l’enfant s’en remet au verdict divin. Il est difficile de répondre à toutes ces interrogations.

Il est également avancé que peu de personnes se préoccupent d’un tel enfant, qu’en tout état de cause, l’un de ceux qui auraient dû le faire n’est plus là et qu’il est donc nécessaire de lui apprendre plus tôt de quelle manière on doit mettre les Tefilin. Néanmoins, on ne peut considérer qu’un tel apprentissage est difficile, justifiant un grand effort.

En fait, on met les Tefilin à douze ans, dans ce cas, en se basant sur l’avis du Peri Megadim. Et le Pinot Habayt y voit une allusion dans le traité Guitin 52a, selon lequel "le tuteur procure des Tefilin à l’orphelin", alors que, s’il a treize ans, il est lui-même considéré comme adulte et il faut prendre en compte la volonté de celui qui le fait hériter. Il en déduit que l’on parle ici d’un enfant de moins de treize ans. Il est clair que cette preuve est bien faible. Car, qui dit ici qu’il a douze ans?

Mais, le Pinot Habayt, citant le commentaire du Kapot Temarim sur le traité Soukka 42a, dit aussi que l’orphelin doit commencer à mettre les Tefilin à treize ans.

Le Arou’h Hachoul’han considère que cette pratique n’est pas bonne, car elle contrevient à la sainteté des Tefilin. De plus, le Ot ‘Haïm, du Rabbi de Munkatch, de même que le Darkeï ‘Haïm Vechalom, qui énumère toutes les coutumes qu’il respectait, demandent de ne pas mettre les Tefilin, fut-ce même un seul jour, avant l’âge de treize ans.

La coutume s’est répandue d’habituer les garçons à mettre les Tefilin deux ou trois mois avant l’âge de treize ans, comme le cite l’Admour Hazaken, dans son Choul’han Arou’h. A mon humble avis et compte tenu de tous ces éléments, en l’absence d’une raison claire et dans une situation exceptionnelle, il n’y a pas lieu de faire porter les Tefilin aux orphelins avant les autres enfants. Au lieu de leur montrer comment mettre les Tefilin, il est préférable de leur enseigner la Torah et les Mitsvot.

En plus de tout ce qui vient d’être dit, il y a lieu de craindre qu’un tel enfant soit compté dans le Minyan. On peut dire également qu’il n’est pas bon d’avancer cet âge, chez un orphelin, dès lors que l’Admour Hazaken n’en parle pas dans son Choul’han Arou’h. Certes, cette raison n’est pas absolue car, me semble-t-il, l’Admour Hazaken évite de citer les lois présentant un aspect réellement nouveau, n’ayant pas été mentionnées par les Décisionnaires qui l’ont précédé. On sait que le Rif et le Rambam avaient adopté le même usage.

Concernant la coutume de la famille du Rabbi, mon beau-père, le Rabbi Chlita, a commencé à mettre les Tefilin, en cachette, en 5651(7), alors qu’il avait onze ans.

F) La phrase Beri’h Ra’hamana(8) permet-elle de s’acquitter de l’obligation, faite par la Torah, de réciter une bénédiction après le repas?

Les trois bénédictions(9) sont instaurées par la Torah et cette phrase ne remplace que la première, dans l’impossibilité de faire autrement, selon le traité Bera’hot 40b. On peut le déduire de la question posée par la Guemara, "peut-être les femmes sont-elles dispensées de cette bénédiction après le repas, puisqu’elles n’ont pas reçu une part d’Erets Israël, n’ont pas conclu d’alliance(10) et ne sont pas astreintes à l’étude de la Torah", tous ces éléments étant mentionnés dans la seconde bénédiction.

Il faut savoir que, selon la décision de l’Admour Hazaken, on dit, dans cette phrase, Ra’hamana Elakana Malka Dealma, Eternel notre D.ieu, Roi du monde, selon l’avis de Rabbi Yehouda, au début du neuvième chapitre du traité Bera’hot. Les lois des bénédictions figurant dans son Sidour ont été rédigées après son Choul’han Arou’h(11), dans lequel il n’est pas dit Elakana, notre D.ieu et Malka, Roi. Bien évidemment, il n’y a pas lieu de distinguer les bénédictions entre elles.

G) Faut-il répondre Amen aux bénédictions que prononcent les enfants durant leur étude?

Le traité Bera’hot 53b établit clairement que l’on n’y répond pas. Le Tour Choul’han Arou’h en retient le principe, sans aucune ambiguïté. Je ne comprends pas que vous puissiez avoir un doute, à ce sujet.

H) Lorsque l’on enseigne les bénédictions aux enfants tenus de les dire(12), est-il permis de prononcer le Nom de D.ieu, pendant l’étude, même lorsqu’aucune bénédiction ne doit être récitée?

La Guemara et le Tour Choul’han Arou’h disent que l’on a le droit de prononcer le Nom de D.ieu, lorsque l’on enseigne aux enfants. Aucune interdiction n’est faite au professeur, puisque cela fait partie de son enseignement. Bien au contraire, il accomplit ainsi une Mitsva, puisqu’il est écrit: "Et tu les enseigneras à tes enfants"(13). Combien plus est-ce le cas pour l’élève, puisqu’il s’agit de sa propre étude. Le traité Kiddouchin 29b enseigne, en effet, que l’étude personnelle d’un homme passe avant celle de son fils.

L’Admour Hazaken modifie les termes du Maguen Avraham et du Choul’han Arou’h. En effet, tandis que le Maguen Avraham parle d’un "adulte qui apprend les bénédictions dans la Guemara", l’Admour Hazaken dit: "un adulte qui s’entraîne". On peut, du reste, s’interroger sur la formulation du Maguen Avraham, qui distingue l’adulte de l’enfant, mais ce n’est pas ici l’occasion de le faire.

En tout état de cause, on peut considérer que l’Admour Hazaken se base sur le fait que la Guemara parle d’enfants et non d’élèves. On peut l’expliquer de la manière suivante. Il est possible d’enseigner à quelqu’un qui est déjà astreint à dire les bénédictions. On ne doit donc pas le faire avant cela, au moins pour l’avis des Sages.

L’enfant, en revanche, est, à tout moment, dispensé de dire les bénédictions, bien que l’on réponde Amen s’il en prononce une, ce que l’on ne fait pas s’il la dit pendant son étude. On peut le justifier par la nécessité de lui donner une éducation, qui incombe au père, de même que l’enfant se doit de la recevoir.

Cela ne justifie donc pas qu’une tierce personne, qui n’est pas tenue de donner une éducation à cet enfant, puisse prononcer le Nom de D.ieu pour lui, lorsque cela n’est pas nécessaire. Sur cette base, aucune distinction ne peut être faite entre le moment où l’enfant reçoit une éducation et le reste du temps. Dès lors qu’une permission de prononcer ce Nom a été donnée, elle est accordée également au père.

C’est là l’explication qui peut être donnée, mais elle reste, néanmoins, un peu difficile.

I) Peut-on charger un enfant de tenir le Séfer Torah après qu’il ait été présenté à la communauté?

J’ai pu vérifier qu’une telle pratique était effectivement en usage, sans que nul ne cherche à s’y opposer.

J) Celui qui prie seul doit-il prononcer, de manière différente, les treize Attributs de Miséricorde divine, selon qu’il s’agisse de la prière de Cha’harit, de celle de Min’ha ou des Seli’hot?

Je n’ai jamais vu et jamais entendu qu’une telle différence puisse être faite. Le Choul’han Arou’h ne donne aucune précision, à ce sujet. Le Sidour Tehilat Hachem, édition complète, est la photographie de l’édition précédente et le temps n’a pas permis de le corriger, comme il l’aurait fallu.

K) Quand commencer à dire le Kaddich qui suit la lecture de la Torah, pendant la prière de Min’ha du Chabbat?

Vous consulterez le chapitre 29 du Chaar Hacollel. Notre coutume, d’après les enseignements de mon beau-père, le Rabbi Chlita, est de le dire peu avant que l’ont ait achevé de recouvrir le Séfer Torah. On termine ensuite de le faire, au plus vite, on dit le verset Yehalelou, de sorte que ce Kaddich soit achevé lorsque le Séfer Torah est déjà rentré et, dans la mesure du possible, soit le plus proche possible de la prière.

L) Je viens de recevoir la photographie que vous m’avez adressée pour l’album qui évoquera le souvenir des ‘Hassidim et sera déposé dans le bureau de mon beau-père, le Rabbi Chlita. Vous savez ce que l’Admour Hazaken dit de l’empressement, dans Igueret Hakodech: "Avec un formidable empressement, afin de faire la preuve de sa joie et de son bon vouloir".

L’empressement fait allusion à Avraham qui "se leva tôt le matin". Le terme "formidable" rappelle qu’il sangla lui-même son âne. Il montra ainsi aux autres qu’il possédait cette qualité, afin qu’ils le voient et l’imitent.

Le discours ‘hassidique édité à l’occasion du 12 Tamouz dit que l’effort de celui qui accède à la Techouva est orienté vers les autres personnes. Avraham lui-même, partant sacrifier son fils, allait contre sa nature et apporta ainsi la preuve qu’il craignait réellement D.ieu. Telle est la différence entre celui qui s’élève vers la Techouva et le Juste parfait.

Avraham manifesta donc "sa joie et son bon vouloir", l’aspect profond de sa volonté et de son plaisir. Vous consulterez la fin de la séquence de discours ‘hassidiques de Pessa’h 5709, qui précise la différence entre la joie et le plaisir.

M) Vous savez sans doute que mon beau-père, le Rabbi Chlita, désire recevoir et noter les récits des ‘Hassidim âgés et leur biographie. Il serait donc judicieux que vous rédigiez les souvenirs de votre père. Vous les adresserez aux éditions Otsar Ha’hassidim(15), à l’attention de la section de la mémoire. Vous engagerez également vos élèves à en faire de même.

Vous me confirmerez sûrement avoir reçu la présente lettre.

En saluant toute votre communauté,

Notes

(1) La rétractation divine qui est à l’origine du processus créatif. Voir, à ce propos, les lettres n°11 et 527.
(2) Exposant cette erreur.
(3) Parsa, qui sépare les mondes spirituels d’Atsilout et de Brya.
(4) Le mot Héara, reflet, est féminin, en Hébreu. Les verbes auraient donc dû s’accorder.
(5) 1890, du Rabbi Rachab.
(6) 1897, du Rabbi Rachab.
(7) 1891.
(8) "Béni soit l’Eternel notre D.ieu, Roi du monde et Maître de cette nourriture", qui est dite par les enfants.
(9) "Qui nourrit chacun", "pour la terre et pour la nourriture", "Qui, dans Sa miséricorde, rebâtit Jérusalem".
(10) De la circoncision.
(11) Et doivent donc être retenues.
(12) Aux garçons de plus de treize ans et aux filles de plus de douze ans.
(13) Et nos Sages expliquent: "Tes enfants: ce sont tes élèves".
(14) Voir la lettre n°499.
(15) Voir la lettre n°516.