Par la grâce de D.ieu,
25 Tamouz 5709,
Au grand Rav, ‘Hassid érudit qui craint D.ieu,
le Rav A. Shtern(1),
Je vous salue et vous bénis,
J’ai bien reçu votre lettre et, semble-t-il, je n’ai pas précisé clairement mon intention au Rav M. Z. Halevi(1). Néanmoins, tout est conditionné par une influence astrale positive, en particulier celle qui véhicule la bonté, caractère d’Avraham. Ceci est également vrai pour les livres sacrés, comme le dit le Zohar et il doit donc réellement en être ainsi. En l’occurrence, j’ai bien reçu vos deux livres, Edout Beïsraël et Kevoutsat Kitveï Agada. Je vous remercie de me les avoir adressés et vous trouverez un chèque ci-joint.
Puisse D.ieu faire que s’accomplissent pleinement en vous les bénédictions accordées par mon beau-père, le Rabbi Chlita. Me basant sur l’enseignement de nos Sages selon lequel c’est uniquement en posant des questions que l’on parvient à une compréhension positive, j’introduirai ici quelques remarques:
A) Au début de votre livre Edout Beïsraël, page 1, vous dites que la consommation des prélèvements agricoles(3) repousse la nécessité de lire le Chema Israël en son temps et vous citez, à ce propos, l’exemple de ceux qui constituaient les factions, dans le Temple et le faisaient plus tôt ou plus tard, comme l’explique le traité Yoma 37b.
En fait, aucune preuve ne peut être tirée des membres des factions, car:
1. il n’y a pas à craindre que ceux-ci ne lisent pas du tout le Chema Israël, puisqu’ils ne peuvent être retardés que d’un temps limité,
2. il n’est pas d’autre moyen que de le faire plus tôt ou plus tard, faute de quoi le service de D.ieu, dans le Temple, ne commencerait jamais à l’heure. A l’opposé, les membres des factions, rentrés chez eux, liront de nouveau le Chema Israël à l’heure normale. Pareille affirmation ne peut être faite pour les prélèvements agricoles.
De plus, votre raisonnement ne peut être retenu, à mon humble avis. En effet, il n’y a pas, le soir, d’interdiction de manger avant le Chema Israël, comme c’est le cas le matin. Il s’agit uniquement d’une précaution, de peur que l’on ne dorme ensuite tout le reste de la nuit. De ce point de vue, aucune différence ne peut être faite entre un aliment permis et un aliment de Mitsva.
Cela ne signifie rien non plus de commencer à manger lorsqu’il est encore permis de le faire, car, selon votre raisonnement, les Sages ont instauré que, d’emblée, un Cohen qui s’est purifié puisse consommer les prélèvements agricoles pendant le moment du Chema Israël.
Ainsi, on ne peut consommer ces prélèvements de peur de s’endormir. Rien ne distingue donc un aliment permis d’un aliment de Mitsva. Il est donc possible d’anticiper cette consommation, y compris pendant un repas de Chabbat ou de fête, d’autant qu’on lit bien le Chema Israël plus tôt pour consommer la Matsa ou le pain du premier soir de Pessa’h ou de Soukkot. Or, le Chema est instauré par la Torah et il peut être lu toute la nuit, alors que cette Matsa ou ce pain, selon différents avis, doivent, d’après la Torah, être mangés seulement pendant la première moitié de la nuit, comme l’explique le traité Bera’hot 27a.
B) Vous dites aussi que ces prélèvements agricoles étaient disposés dans un endroit gardé. Or, il en était de même pour l’ensemble de la maison du Cohen, avec tout ce qu’elle contient, comme l’explique la fin du traité ‘Haguiga. Néanmoins, garder la Terouma est une Mitsva.
C) A la même référence, vous dites que la préparation d’une Mitsva est elle-même une Mitsva. Certains citent, à ce propos, le Midrach Me’hilta de Rabbi Chimeon Ben Yo’haï, sur le verset Chemot 12, 28: "Il allèrent et firent", qui dit: "Ils reçurent ainsi une récompense pour aller comme pour faire". Ce commentaire est différent de celui de Rachi, également basé sur le Midrach Me’hilta.
D) Concernant la page 280, au début de vos remarques sur le Choul’han Arou’h, à propos de la lecture du verset Chema Israël, vous consulterez le Chaareï Techouva, au chapitre 6 et le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, fin du chapitre 46, qui parlent de Paracha et non de verset.
E) A la page 350, au début de vos remarques sur les lois des fondements de la Torah du Rambam, au début du chapitre 5 et sur le Kessef Michné, vous expliquez la spécificité de l’ordination rabbinique, de laquelle plusieurs principes dépendent.
Or, on peut s’interroger sur votre explication, car:
1. s’il en est ainsi, pourquoi ne pas se laisser tuer plutôt que de la transgresser? Si des principes de la Torah en dépendent, il n’y a pas lieu de s’interroger sur la motivation de celui qui désire la faire disparaître. De plus,
2. pourquoi dire que, selon Rabbénou Nissim, on peut transgresser, en pareil cas, une Injonction, alors qu’il ne fait lui-même aucune distinction entre les Mitsvot? Le don de soi, en pareil cas, ne serait d’aucune utilité.
Et l’on peut en dire autant de l’étude de la Torah et de l’ordination rabbinique.
F) Au début de votre livre Kevoutsat Kitveï Agada, à la page 25, vous évoquez le nom du Machia’h cité dans le Midrach Zeroubavel, celui de Né’hémya, fils de ‘Houchyel et vous le commentez en vous basant sur le verset "en son temps, Je hâterai sa venue", comme pour Mena’hem fils de ‘Hizkya.
Pour prendre une précaution envers ceux qui feraient une lecture superficielle de votre livre, il faudrait préciser que Néhémya, fils de ‘Houchyel, dont il est également question dans le Midrach Tehilim, à la fin du chapitre 60 et dans le Midrach Otot Machia’h, reproduit dans le Midrach Talpyot, est, en fait, le Machia’h, descendant de Yossef, alors que le Machia’h, descendant de David, est appelé, dans le Midrach Zeroubavel, Mena’hem fils d’Amyel.
G) A la page 35, vous dites que la question posée(4) à propos du fait de s’accouder a été ajoutée après la destruction du Temple. C’est également l’avis du Gaon de Vilna. Vous consulterez, à ce propos, le Rambam, lois du ‘Hamets et de la Matsa, chapitre 8, paragraphe 2, selon lequel cette question était dite en même temps que celle qui portait sur le fait de manger de la viande grillée, à l’époque où l’on offrait encore le sacrifice de Pessa’h, dans le Temple.
H) A la page 42, vous découragez ceux qui souhaiteraient accéder à l’enseignement caché de la Torah(5)! Je ne l’aurais pas cru, si je ne l’avais vu de mes propres yeux! Comment imaginer pareille chose? Le descendant du Rabbi de Roughin, citant, à de nombreuses reprises, dans son livre, des explications et des miracles du Baal Chem Tov et de ses disciples, ne connaît-il pas la lettre que celui-ci écrivit, affirmant que le Machia’h viendrait lorsque ses enseignements se répandraient à l’extérieur? Après tout cela, comment pouvez-vous écrire et diffuser que "celui qui n’est pas saisi par l’esprit de D.ieu, ne se comporte pas avec sainteté, pureté et mesure n’apprendra que la partie révélée de la Torah"?
Pensez donc! Le Ari Zal, cité par l’Admour Hazaken dans Igueret Hakodech, dit que, dans ces dernières générations, "il est permis et nécessaire de révéler cette Sagesse". Moché, berger fidèle du peuple juif, dit, dans le Zohar, que "les Juifs goûteront de l’arbre de la vie, par l’intermédiaire du Zohar et ils quitteront l’exil dans la miséricorde".
Le Saint béni soit-Il révéla la face cachée de la Torah par l’intermédiaire du Baal Chem Tov, de ses disciples et des disciples de ses disciples, jusqu’à notre génération, pour permettre la délivrance, la libération du mauvais penchant et de l’assujettissement aux nations. Comme le dit le Zohar, tout ceci se passera dans la miséricorde.
Quiconque exerce une l’influence aurait donc dû s’écrier, du fond de lui-même: "Mes frères, enfants d’Israël, ayez pitié de vous-même et de tout le peuple juif. Assurez la diffusion de la partie profonde de la Torah. Sachez que Rabbi ‘Haïm Vital, dans son introduction au Chaar Haakdamot, dit qu’en ne le faisant pas, on retarde la délivrance, autrement dit, on se maintient soi-même en exil, on y maintient tout le peuple juif et l’on y maintient même la Présence divine, si l’on peut s’exprimer ainsi."
Au lieu de tout cela, vous faites imprimer que l’on peut encore attendre, qu’il suffit d’apprendre l’enseignement révélé de la Torah, que, quand on en aura le temps et que l’on sera saisi par l’esprit de D.ieu, adoptant une conduite de sainteté, de pureté et de mesure, on commencera à en étudier la dimension profonde!
Tous les malheurs qu’a connu le peuple juif jusqu’à maintenant ne sont-ils pas suffisants? L’exil n’est-il pas assez long? Met-on en doute, ce qu’à D.ieu ne plaise, les paroles du Machia’h, dernier libérateur, selon lesquelles il viendra lorsque les sources de l’enseignement du Baal Chem Tov se répandront à l’extérieur? Et Moché, le premier libérateur, ne fait-il pas la même affirmation en disant que l’on quittera l’exil grâce au Zohar?
J’ai détaillé mon propos, car tout cela fait mal. Si la conséquence de ma lettre est que vous corrigiez tout cela au plus vite, j’en serais satisfait. Bien évidemment, nul ne doit savoir que quelqu’un vous a suggéré de le faire.
Seul un grand homme peut avoir suffisamment de détermination pour revenir sur ce qu’il a dit, comme l’explique le traité Erouvin 104a.
I) A la page 69, vous citez l’affirmation de nos Sages selon laquelle "Pin’has, c’est Elyahou". Vous demandez pourquoi l’on ne dit pas "Elyahou, c’est Pin’has", puisque ce dernier vécut le premier. Le Kedouchat Lévi, à la Parachat Pin’has, formule la même question et l’on peut s’interroger, à ce propos, car on trouve tantôt l’une, tantôt l’autre de ces deux formulations.
On peut donc en conclure simplement que l’on dit "Pin’has, c’est Elyahou", lorsque l’on parle de Pin’has et "Elyahou, c’est Pin’has", lorsque l’on parle d’Elyahou.
D’après la Kabballa, les deux formulations existent car chacun d’eux, dans une certaine mesure, possède l’antériorité.
J) A propos du Edout Beïsraël, page 108, commentant le traité Sanhédrin 105b, vous consulterez le Likouteï Hachass du Ari Zal, qui est bien expliqué dans le Likouteï Torah de l’Admour Hazaken, à la fin de la Parachat Chela’h et à la Parachat Kora’h.
Ma lettre a été longue, mais tout cela n’est que discussion.
En vous souhaitant tout le bien,
Rav Mena’hem Schneerson,
A propos d’Elyahou, vous trouverez un long commentaire au début du Yalkout Avraham et dans le Ora’h ‘Haïm, chapitre 189.
Vous verrez également, à ce propos, le Nitsoutseï Zohar, tome 1, page 245b.
De plus, le Nitsoutseï Zohar, tome 3, page 252a dit de remplacer le Hé par un Kouf.
Notes
(1) Le Rav Avraham Shtern. Voir la lettre n°614.
(2) Le Rav Mena’hem Zeev Gringlass, de Montréal. Voir la lettre n°419.
(3) Par le Cohen à qui ils sont offerts.
(4) Par l’enfant, le soir du Séder, dans le Ma Nichtana.
(5) Le Rav Shtern répondit, à ce propos: "Lorsque l’on est soupçonné pour ce que l’on n’a pas fait, on doit le faire savoir. A qui ai-je écrit tout cela et jusqu’à quel point y a-t-il lieu de suspecter les destinataires de ces écrits? De tels suspects sont accusés injustement. Mon propos n’était nullement d’interdire aux vieux et aux jeunes l’étude de la sagesse profonde de la Torah. De nos jours, l’enseignement du Baal Chem Tov selon lequel la divine Providence porte sur le moindre détail de la création s’est, D.ieu merci, largement répandu et aucune étude ne suscite la crainte de D.ieu autant que celle de la Kabballa".