Lettre n° 5534

Par la grâce de D.ieu,
21 Sivan 5717,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

C’est avec une grande surprise que j’ai lu votre lettre du 10 Sivan(1). Vous me dites qu’en voyageant dans un bateau israélien pendant le saint Chabbat(2), votre frère a été confronté à une terrible épreuve. Ma surprise a été provoquée par le sang-froid avec lequel vous décrivez une situation aussi effroyable que, bien plus, vous qualifiez de “ terrible épreuve ”. En effet, il s’agit, en l’occurrence, d’une transgression publique du Chabbat, considéré, à lui seul, comme l’ensemble des Mitsvot, au point que son vin…(3). Or, quelle est la “ récompense ” d’une telle transgression du Chabbat ? La possibilité de participer au mariage de votre sœur ! Et, je n’ai pas ressenti que le désir profond d’y être présent était motivé par la seule volonté de mettre en pratique la Mitsva de la participation à un mariage. Du reste, je suis certain qu’il ne s’abuse pas lui-même en s’imaginant que la motivation de son voyage était la participation au mariage. Il a voulu se rendre en Terre Sainte précisément de cette façon.

En ce domaine comme en tous les autres, s’est donc accompli le principe selon lequel “ une transgression en attire une autre ”. Tout d’abord, par manque de courage, conformément à l’expression que vous utilisez dans votre lettre, et vous comprendrez à quel point celle-ci est étrange, quand elle fait référence à une faute, surtout à la transgression publique du Chabbat, il a entrepris un voyage et il profané publiquement le Chabbat, alors que je l’avais clairement prévenu de ce qui l’attendait. Il a récité le Kiddouch avec du vin appartenant aux propriétaires de ce bateau profanant le Chabbat et qu’il est donc interdit de boire. En effet, la surveillance rabbinique, en la matière, n’est qu’un leurre, car le vin de celui qui transgresse publiquement le Chabbat n’est pas interdit parce qu’il a été touché par un non Juif(4). C’est une évidence.

Bien plus, selon l’avis de plusieurs Sages, ce vin, même cacheté deux fois, reste interdit, car, d’emblée, on n’est pas autorisé à le boire. Il en a découlé un autre doute. Fallait-il réciter une bénédiction en le buvant ? On sait qu’il existe des avis divergents, concernant de telles interdictions. En tout état de cause, il y a bien une interdiction, en la matière, ainsi qu’il est dit : “ Celui qui bénit défie D.ieu ”. Et, il en a résulté un autre doute. A-t-il pris son repas, ce soir-là, sans avoir dit le Kiddouch au préalable ?

De même, il a sûrement lu ou a utilisé, d’une manière quelconque, la lumière électrique, alors qu’il se trouvait à bord d’un bateau dont les passagers et l’équipage sont des Juifs. La lumière produite pour eux est donc également interdite pour les autres, y compris dans les cas où l’on dit que “ la bougie allumée par une personne peut en éclairer cent ”. De même, il a bu de l’eau et il s’est lavé les mains , à bord. Or, à notre époque, on prélève de l’eau de mer, pendant la traversée et on la fait bouillir, afin de l’adoucir, ce qui veut dire que l’eau utilisée au cours de la nuit a été bouillie pendant la journée précédente. En d’autres termes, l’eau douce se trouvant dans le bateau, pendant la journée, est celle qui a été bouillie pendant la nuit ou le matin du Chabbat. En l’occurrence, on ne peut pas dire que “  la bougie qui éclaire une personne peut en éclairer cent ”. Il a également transgressé de nombreuses autres interdictions. Et, si l’on peut envisager que tout cela soit fait par inadvertance, il est clair que de telles circonstances atténuantes ne peuvent pas être accordées à un élève de Yechiva.

En tant que frère et que proche, vous pouvez penser, à première vue, que les expressions employées ici sont très incisives. Toutefois, si vous méditez sincèrement à tout cela, vous verrez qu’elles sont sans aucune commune mesure avec la gravité effroyable de ce qui s’est passé, de l’obscurité dans laquelle nous nous trouvons. On qualifie cette situation de “ terrible épreuve ”, alors qu’il aurait pu étudier la Torah dans la tranquillité et peut-être même dans la pureté, ici même, à la Yechiva. A la place de cela, il s’est rendu dans le pays “ vers lequel toujours sont tournés les yeux de D.ieu, du début de l’année à la fin de l’année ” en allant à l’encontre de la Mitsva du Chabbat, considérée comme l’ensemble des Mitsvot. S’il lui reste un semblant de crainte de D.ieu, il recherchera un Rav, qui lui indiquera comment réparer sa faute. Peut-être y parviendra-t-il.

Avec ma bénédiction,

Pour le Rabbi Chlita,
le secrétaire,

Notes

(1) Comparer avec la lettre n°4584.
(2) Voir, à ce sujet, les lettres n°4796, 5569, 5607, 5641, 5665 et 5775.
(3) Celui de l’homme qui a transgressé le Chabbat en conscience, est considéré comme celui d’un idolâtre.
(4) Mais bien du fait de la transgression du Chabbat.