Lettre n° 6293

Par la grâce de D.ieu,
3 Sivan 5718,
Brooklyn,

Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu et se
consacre aux besoins communautaires, le Rav Morde’haï(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre de la fin d’Iyar, dans laquelle vous soulevez les points suivants :

A) On a rapporté, en mon nom, que les Tefilin envoyées de Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, même si elles y ont été écrites par un scribe craignant D.ieu, même si leurs boîtiers ont été faits par des hommes dignes de confiance, doivent être vérifiées ici, à réception. Je peux le justifier de la façon suivante. A différentes reprises, les autorités douanières ont fait ouvrir ces boîtiers, de peur qu’ils contiennent des pierres précieuses ou des perles. Bien entendu, plusieurs erreurs peuvent intervenir quand ceux-ci sont recousus et certaines sont de véritables invalidations(2).

B) Selon la coutume de Habad, on se sert uniquement d’un Ethrog de Calabre. J’ai écrit à quelqu’un ce que j’ai entendu, à ce sujet et ce qu’en dit, à mon humble avis, la partie révélée de la Torah. Je vous joins une copie de cette lettre(3), de même que les notes sur le Kountrass Soukkot de 5712(4), à la page 59, faisant référence à une causerie de mon beau-père, le Rabbi, qui traite de ce point.

Vous citez le commentaire de nos Sages sur le verset : “ Tu n’y manqueras de rien ”, qui dit : “ pas même de poivre ”. Il est clair que la Terre d’Israël est en mesure de produire un “ fruit de splendeur ”(5), qui n’est pas moins que du poivre. Cela ne veut pas dire que l’on trouve effectivement en Terre Sainte, à l’heure actuelle, des “ fruits de splendeur ” répondant aux critères les plus élevés. Le verset envisage ici uniquement une potentialité, une possibilité, qui n’est pas nécessairement suivie d’effet. En effet, n’est-il pas dit : “ Le souffre et le sel brûleront toute la terre. Tu ne planteras pas, tu ne récolteras pas, tu n’y feras pas pousser d’herbe ”(6) ? Combien plus est-ce le cas en l’occurrence. Bien plus, la Mitsva proprement dite de l’Ethrog implique que celui-ci soit le plus beau possible, ce qui veut bien dire que l’on doit rechercher la qualité la plus élevée. Rechercher le plus beau fruit dans “ les régions grasses de la terre ”, c’est-à-dire en “ Calabre de la Grèce ”, ne remet donc pas en cause le fait que : “ tu n’y manqueras de rien ”. Avec mes respects et ma bénédiction, conformément à l’expression de mon beau-père, le Rabbi, pour recevoir la Torah avec joie et de manière profonde,

N. B. : Vous m’interrogez sur la “ Calabre de la Grèce ” et vous citez le Yerouchalmi. J’ai déjà dit au préalable que ceci justifie le commentaire de nos Sages selon lequel : “ les régions grasses de la terre, c’est la Calabre de la Grèce ”. On peut, en effet, s’interroger, puisque Its’hak bénit Yaakov en lui promettant “ la rosée des cieux et les régions grasses de la terre ” et qu’il dit, précisément à cause de cela : “ que ferais-je pour toi, mon fils(7) ? ”. Il n’y avait donc pas le choix. Cet Ethrog devait venir de la Calabre de la Grèce. Or, à l’époque, cette contrée n’existait pas encore(8) et elle ne pouvait donc pas figurer dans la bénédiction que reçut Yaakov.

D’après le Yerouchalmi, ce lopin de terre fut, en effet, emporté et “ quand le Pharaon épousa la fille du Pharaon, Gabriel descendit, planta un piquet dans la mer et en fit sortir un monticule, sur lequel fut bâtie une ville, l’Italie de la Grèce ”, selon le traité Chabbat 56b. Par la suite, j’ai également découvert la même affirmation dans le Damessek Eliézer, au nom de Rabbi Heschel de Craco. J’ai été satisfait de voir que mon interprétation était la bonne. Vous avancez que la Calabre est, en fait, l’une des contrées des Kini, Knizi et Kadmoni(9). A ce propos, vous consulterez, en particulier, le traité Baba Batra 56a et le Rambam, lois du crime, chapitre 8, au paragraphe 4.

Notes

(1) Le Rav M. Harlig, de Brooklyn.
(2) Disqualifiant ces Tefillin.
(3) Il s’agit de la lettre n°3056.
(4) 1951.
(5) Un Ethrog. Dès lors, pourquoi le chercher en Calabre plutôt qu’en Erets Israël ?
(6) De façon générale, la terre a le pouvoir de faire germer, mais, en l’occurrence, celui-ci lui fut ôté.
(7) Essav, après que tout ait été donné à Yaakov.
(8) N’avait pas encore émergé de l’eau.
(9) Trois peuples résidant à Canaan, dont nous recevrons les territoires, dans le monde futur.