Lettre n° 6490

Par la grâce de D.ieu,
22 Elloul 5718,
Brooklyn, New York,

Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu, assume une mission
sacrée, se consacre aux besoins communautaires, empli
d’empressement et aux multiples accomplissements,
le Rav Alexander Zissel(1),

Je vous salue et vous bénis

J’ai bien reçu votre lettre et vous voudrez bien m’excuser pour le retard de ma réponse, conséquence de mes nombreuses activités. A maintes reprises, j’ai clairement exprimé mon avis selon lequel l’éducation basée sur les valeurs sacrées qui, à tout moment et de tout temps, a été fondamentale pour notre peuple, les enfants d’Israël, l’est encore bien plus, en la présente époque et en notre Terre Sainte. Il est donc évident que celui ou celle qui s’y consacrent ont un sort heureux, surtout ceux qui le font depuis plusieurs années et qui ont ainsi acquis la certitude qu’il s’agit effectivement de la Mitsva qu’ils doivent accomplir plus scrupuleusement, comme l’expliquent plusieurs textes de ‘Hassidout, en particulier Iguéret Ha Kodech, de l’Admour Hazaken, au chapitre 7, le Séfer Ha Si’hot de l’été 5700(2), à la page 22. Combien plus en est-il ainsi quand on a pu observer que ses propres efforts ont été couronnés de succès. Il y a là, en quelque sorte, la récompense la plus haute, ainsi qu’il est dit : “ Tu verras le monde futur de ton vivant ”. Le conséquence immédiate de tout cela est la suivante. Toute pensée qui met en doute l’utilité d’une telle action, qui conduit à se demander s’il faut poursuivre dans cette direction, n’émane pas du côté droit(3). Vous consulterez également, à ce sujet, le Hayom Yom, à la date du 23 Sivan.

Bien entendu, ces propos n’ont nullement pour but d’occulter ou de minimiser les aspects négatifs dont vous faites état. Mais, il est clair que notre Torah, Torah de vie, nous a fait savoir que ce monde, avec tout ce qu’il contient, est bien celui des forces du mal et de “ l’autre côté ”, dans lequel les actions sont difficiles et mauvaises, où les impies sont puissants, comme le dit le Tanya, à la fin du chapitre 6, non pas pour susciter le découragement ou affaiblir l’empressement, ni même pour justifier le manque d’action de celui qui n’a pas agi comme il l’aurait dû. En effet, plusieurs textes expliquent déjà tout cela, y compris le chapitre 30 du Tanya et vous verrez également son chapitre 24. En fait, l’une des raisons pour lesquelles la Torah nous a révélé tout cela est la nécessité, pour un homme, de ne pas se décourager, quand il est confronté à des difficultés et à des voiles, parfois même à un combat intense, non seulement de la part de ceux dont le rôle est de s’opposer, mais aussi de ceux qui, en apparence, auraient dû lui venir en aide. Au final, le but de la création de l’homme est bien de servir son Créateur. Il doit donc faire tout ce qui est en son pouvoir et D.ieu fera ensuite ce que bon lui semble. Car, l’assurance nous a été donnée qu’au bout du compte, on sortirait vainqueur de ce combat, puisque “ aucun d’entre nous ne sera repoussé ” et “ celui qui dit avoir fait des efforts sans que ceux-ci soient couronnés de succès, ne le crois pas ”.

Mon intention n’est pas non plus de prétendre qu’en fonction de ce que vous observez, il est heureux que vous n’ayez pas été intégré à la structure dans laquelle vous convoitiez une place, comme vous l’expliquez au troisième paragraphe de votre lettre. Vous trouverez une réponse exhaustive à cela dans le récit merveilleux qui est relaté dans l’introduction de mon beau-père, le Rabbi, au Pokéa’h Ivrim, à propos de Rav Yossef, un guide spirituel. Le même récit, dans les termes de l’Admour Haémtsahi, y est reproduit à la page 34 et souligne : “ Mon père(4), pour le bien d’une seule personne, transforme un érudit de la Torah en cocher ”. Méditez donc ! Il s’agissait du bien d’un seul homme et c’était, en l’occurrence, un des ‘Hassidim de l’Admour Hazaken, quelqu’un qui se distinguait tout particulièrement. Or, cet homme fut envoyé à l’autre extrémité et il devint un cocher, au sens le plus littéral. Vous consulterez les détails de cette histoire qui se déroula pendant plusieurs années. Or, tout cela n’est nullement comparable à votre propre situation, puisque vous assurez l’éducation d’enfants juifs. Le Créateur du monde, par rapport Auquel tout est insignifiant, affirme que chacun d’entre eux est Son fils unique. Or, il vous appartient d’assurer leur éducation, avec amour. De ce fait, vous avez reçu la possibilité et la force de vous consacrer à cette activité. Bien plus, il s’agit, en l’occurrence de jeunes. L’influence qu’ils reçoivent se multipliera donc, de nombreuses fois, avec le temps. On sait que la plus petite amélioration d’une graine reçoit une immense importance, quand celle-ci devient un arbre portant des fruits.

S’agissant de tous les problèmes pour lesquels vous proposez une solution, il est bien clair que l’on ne peut pas émettre des règles définitives. Le critère décisif, en la matière est la recherche du plus grand intérêt. De façon général, en pareil cas, on peut constater qu’en évitant l’affrontement déclaré et en introduisant ces idées d’une manière indirecte, on fait en sorte que le camp adverse se fatigue, qu’il oublie tout cela et qu’il se consacre à d’autres préoccupations. Bien entendu, si une confrontation directe s’avère nécessaire, il n’y a pas lieu de s’en affecter, dès lors que l’on assume la mission du Maître du monde. Mais, comme je l’ai dit, on arrivera à cette extrême seulement après avoir essayé toutes le autres.

Selon l’expression courante, “ une douleur partagée est une demie consolation ” même s’il est douloureux de devoir se suffire d’une telle consolation. Sachez donc que je reçois des lettres ayant un même contenu que la vôtre de la part de nombreux responsables, dans l’éducation comme dans d’autres domaines communautaires. En lisant et en examinant les livres d’Ethique des générations précédentes, y compris sur une longue période, on y trouvera, de manière large, l’exposé de telles plaintes, similaires à celle que vous formulez dans votre lettre. Il est pourtant dit : “ Si les anciens étaient comme des anges…(5) ”. Et, le verset Kohélet 7, 10, précise clairement : “ Ne dis pas : ‘pourquoi les premiers jours étaient-ils meilleurs que ceux-ci ?’ car une telle question n’est pas formulée avec sagesse ”.

Bien entendu, après tout cela, certains posent encore une question qui semble très forte : pourquoi D.ieu fit-Il qu’il en soit ainsi ? Mais, à quoi bon poser des questions, alors que ce que l’on attend de l’homme est exprimé par le verset : “ Tu seras intègre envers l’Eternel ton D.ieu ” ? De fait, cette même question a déjà été posée par le Rambam, dans le Guide des Egarés, dans son introduction au commentaire de la Michna, à la conclusion de ce texte, à propos de l’affirmation de nos Sages selon laquelle “ le monde a été créé précisément pour ordonner qu’il en soit ainsi ”.

Il découle de tout cela que vous devez multiplier des actions comme celles que vous avez menées jusqu’à maintenant. Et, que votre cœur soit assuré que c’est bien là la Mitsva que vous devez respecter plus scrupuleusement et également briller par elle(6). Vous multiplierez donc ces accomplissements, quantitativement et qualitativement, dans toute la mesure du possible et même au-delà du possible. En effet, les capacités de l’homme sont modifiées par sa motivation et, comme le tranche notre sainte Torah, “ quand un homme se sanctifie quelque peu ici-bas, il est largement sanctifié d’en haut ”. Vous le ferez avec joie et inspiration. L’assurance nous a été donnée que la joie brise les limites, y compris celles du domaine de la sainteté et, a fortiori, celles de “ l’autre côté ”. J’attends donc de bonnes nouvelles de tout cela. Avec ma bénédiction afin que vous soyez inscrit et scellé pour une bonne et douce année, matériellement et spirituellement,

Notes

(1) Le Rav A. Z. Bunin. Voir, à son sujet, la lettre n°5355.
(2) 1940, du précédent Rabbi.
(3) Celui du bien.
(4) L’Admour Hazaken.
(5) Nous sommes comme des hommes et si les anciens étaient comme des hommes, nous sommes comme des ânes.
(6) Zahir signifie à la fois respecter scrupuleusement et briller.