Par la grâce de D.ieu,
5 Iyar 5719,
Brooklyn, New York,
A l’attention du docteur Israël Eldad Sheib, de Jérusalem,
puisse D.ieu la restaurer et la rebâtir,
Je vous salue et vous bénis,
Je fais réponse à votre lettre du 19 Nissan, dans laquelle vous m’interrogez sur ma lettre, adressée à tous à l’occasion de la fête de Pessa’h 5717 ou 5718(1). Vous craignez, en effet, qu’on en fasse une interprétation qui ne serait pas exacte. Je me permets de vous communiquer une preuve évidente, permettant d’établir qu’une telle erreur serait inconcevable. En effet, un certain temps s’est écoulé depuis la publication de cette lettre et c’est pourtant bien la première fois que l’on me signale un tel risque d’erreur. Bien entendu, vous ne devez pas vous excuser de me préciser ce qui, selon vous, doit être corrigé. Pour ma part, je suis toujours satisfait d’avoir connaissance de telles remarques, surtout quand elles portent sur une lettre qui fait l’objet d’une large diffusion. C’est à ce propos qu’il est dit : “ Prenez garde à vos paroles de peur que vous soyez exilés…(2) ”. Je vous joins également une copie de ma lettre adressée à tous à l’occasion de ce Pessa’h(3). Vous y trouverez ma conception à propos du point que vous soulevez.
Je voudrais également faire référence à l’idée que vous avancez dans votre lettre. Vous dites que le danger est peut-être plus grand aux Etats-Unis qu’en Union soviétique. Il semble que vous fassiez allusion à l’assimilation. En effet, en Union soviétique, les restrictions physiques(4) mettent en éveil le désir de l’âme. Aux Etats-Unis, par contre, la liberté est accordée à la fois au corps et au mauvais penchant. A mon sens, et précisément pour cette raison, il faut poursuivre cette comparaison et constater qu’en Erets Israël, le danger est encore plus grand. En effet, on y a trouvé des substituts et des succédanés. On peut donc commettre l’erreur de penser que ceux-ci libèrent l’âme, alors qu’en réalité, ils constituent le stade le plus inférieur de l’exil. Je fais allusion à l’effort investi pour imiter les non Juifs, à la poursuite de tout ce qui permet de s’identifier aux nations. Or, tout ceci se passe en Terre Sainte et dans la Langue sacrée. Le risque est donc bien plus important d’obturer le désir que l’âme peut éprouver de la seule liberté véritable(5). De fait, vous écrivez vous-même dans votre lettre, comme une évidence : “ Il va sans dire que le chemin de la délivrance conduit de l’Egypte au mont Sinaï, car Israël ne fut réellement libéré de l’Egypte qu’après avoir détruit ses dieux ”. Pourtant, nos Sages précisent que tous les exils, en d’autres termes, toutes les nations, sont appelés Egypte, Mitsraïm, du fait de la souffrance, Metsar, qu’ils imposent à Israël. Et, il en est bien ainsi, à notre époque, puisqu’il est bien évident que la délivrance de chaque Juif et, a fortiori, celle du peuple d’Israël, ne peuvent que passer par le mont Sinaï. Là, précisent nos Sages, “ les nations du monde reçurent la haine(6) ”. Elles haïrent leurs valeurs et leur culture. De fait, les enfants d’Israël ne furent réellement libérés qu’après avoir détruit leurs dieux, c’est-à-dire l’idéologie et le système de valeurs devant lesquels les nations se prosternent.
Il est difficile d’en dire plus, car cela est particulièrement douloureux, mais, pour quelqu’un comme vous, je suis sûr que cela est totalement inutile. Puisse D.ieu faire que nous observions bientôt, comme vous le précisez dans la suite de votre lettre, l’accomplissement de la promesse morale selon laquelle ce sera : “ un peuple saint en Terre Sainte ”. Et, comme c’est toujours le cas dans notre langue, la Langue sacrée, un mot a plusieurs significations. En l’occurrence, Kadoch, saint, veut dire séparé, différencié. Et, selon les termes de l’Admour Hazaken dans le Tanya, à la page 66a : “ Il nous a sanctifiés par Ses Mitsvot ” veut dire que : “ Il nous a élevés à la hauteur de Sa sainteté suprême, béni soit-Il, la sainteté du Saint béni soit-Il, en toute Son Essence. Or, la sainteté est synonyme de séparation ”.
De temps à autre, je vois vos articles, publiés dans différents périodiques. Puisse D.ieu faire que vous vous serviez de cette influence pour diffuser le Judaïsme traditionnel, pour inspirer à vos lecteurs le désir de réaliser cette promesse, d’être “ un peuple sacré ” en tout endroit où ils se trouvent, jusqu’à la venue de notre juste Machia’h, qui rassemblera nos exilés et nos conduira, la tête haute, en notre Terre Sainte. Avec mes respects et ma bénédiction,
Notes
(1) 1957 ou 1958.
(2) “ Dans l’endroit des eaux mauvaises. Puis, les disciples viendront et la boiront ”, selon le traité Avot.
(3) Il s’agit de la lettre n°6794.
(4) Les atteintes à la liberté.
(5) La venue du Machia’h.
(6) D’Israël, Sinaï étant phonétiquement proche de Sina, la haine.