Par la grâce de D.ieu,
2 Sivan 5719,
Brooklyn,
A l’attention de monsieur Eliézer Livna(1),
Je vous salue et vous bénis,
J’ai bien reçu votre lettre du 21 Iyar et j’y ai lu, avec intérêt, les quelques détails que vous me communiquez à propos de la nouvelle organisation. Vous me dites que certains envisagent la séparation de la religion et de l’état. Et, vous constatez que les membres respectueux des Mitsvot ont, en la matière, une position beaucoup plus extrême que les autres. En soulignant ce fait, vous faites la preuve que votre surprise est à la mesure de la mienne. De fait, une telle réaction est bien compréhensible, car la religion d’Israël réconcilie les deux extrêmes(2), dont l’opposition n’est, du reste, qu’apparente. D’une part, elle inclut en elle les principes les plus simples, comme l’unité du Créateur et celle de la création, réalisée à partir du néant. D’autre part, elle régit aussi le comportement quotidien de l’homme, jusque dans le moindre détail, même le plus banal. Le contenu des dix Commandements en apporte la preuve. La signification profonde du premier Commandement, “ Je suis l’Eternel ton D.ieu ”, est la négation de toute autre existence que celle de D.ieu, alors que le dernier, “ Tu ne tueras pas ”, fait référence aux instincts les plus bas de l’homme. Ceci permet d’établir que, dans la vie des enfants d’Israël, aucune dichotomie ne saurait exister entre la religion et la vie matérielle. Bien au contraire, l’unité et la paix doivent régner dans le macrocosme, au même titre que dans le microcosme qu’est l’homme. Pour cela, ces deux éléments doivent être conjugués. En d’autres termes, il faut introduire la spiritualité au sein de la matière et, de la sorte, parvenir à la raffiner.
Ce qui vient d’être dit justifie le dicton, de portée globale, de nos Sages, selon lequel : “ Ce n’est pas la théorie, mais bien la pratique qui est essentielle ”. En effet, ces Sages avaient connaissance des secrets de la Torah et de ses concepts les plus abstraits, mais, simultanément, ils prônaient la pratique la plus scrupuleuse d’actes matériels, en apparence secondaire, y compris quand ils concernent la nourriture, la boisson et tous les domaines mineurs. Et, c’est bien là le critère à retenir, pour chaque personne et en toute activité. Il en est de même également pour la séparation de la religion et de l’état. La première étape, la plus essentielle, consiste à évaluer ce qui en résultera concrètement. Or, il est aisé d’imaginer ce que sera, demain, la conséquence que l’on peut attendre d’une telle séparation, puisqu’elle aurait pour effet de supprimer les subventions versées à toutes les institutions religieuses de notre Terre Sainte. Peut-on imaginer qu’après une telle séparation, on puisse ouvrir un plus grand nombre d’écoles basées sur les valeurs sacrées et de Yechivot, multiplier les Rabbanim et les Cho’hatim, obtenir la satisfaction des besoins religieux à un moindre coût ? Tout cela est tellement évident qu’il est sûrement inutile d’expliquer plus longuement pourquoi quiconque est religieux et anticipe l’événement a le devoir de s’opposer, de la manière la plus ferme, à l’idée de séparer la religion et l’état. Et, pour cela, il est inutile d’imaginer ce qui se passera dans plusieurs années, une telle prévision ne pouvant être qu’incertaine(3). Il suffit de se demander ce qui se passera demain ou après-demain.
A l’occasion de la fête de Chavouot, qui approche, et conformément à la formulation adoptée par les membres de la Grande Assemblée, à l’époque d’Ezra le scribe, qui la définissent comme “ le temps du don de notre Torah ”, je me permets de vous souhaiter, à vous-même et à tous ceux qui reçoivent votre influence, que ce soit effectivement le temps à la fois du don et de la réception de la Torah. Selon la formule consacrée, vous recevrez la Torah joyeusement et d’une manière profonde. Avec mes respects et ma bénédiction,
Notes
(1) Voir, à son sujet, la lettre n°6765.
(2) Voir, à ce sujet, la lettre n°6885.
(3) Parce qu’à trop long terme.