Par la grâce de D.ieu,
15 Av 5720,
Brooklyn, New York,
A monsieur Its’hak Damyel(1),
Je vous salue et vous bénis,
Je n’ai pas reçu un courrier de votre part, depuis bien longtemps. Je ne sais pas qui est “ redevable ”(2) envers l’autre, mais l’essentiel est que ce laps de temps ait été utilisé de la meilleure façon, dans toute la mesure du possible. J’espère que cela a effectivement été le cas. Vous savez sûrement quelle est “ ma ” devise, cette année, mon espoir et ma demande que chacun redouble d’ardeur, de toutes les manières possibles, pour diffuser les sources(3) à l’extérieur(4). On m’a posé la question suivante : sur quelle base ai-je affirmé que cette année est propice ? Or, si l’on pouvait s’interroger, à ce propos, au début de l’année, plusieurs mois se sont écoulés depuis et la pratique concrète a fait la preuve que l’annonce du bicentenaire a eu un écho et une influence sur des milieux divers et variés. On aurait pu penser, logiquement, que cette question n’aurait pas été soulevée dans les milieux religieux ou, plus précisément, ‘hassidiques, lesquels vivent dans l’esprit de l’enseignement du Baal Chem Tov et le faisaient déjà, cent quatre vingt dix neuf ans ou cent quatre vingt dix huit ans après son décès. Or, il se trouve que la responsabilité, en la matière, n’incombe pas aux personnes auxquelles s’adressent cet appel et cette annonce, mais bien à ces milieux ‘hassidiques. Vous devez comprendre ce que cela veut dire.
Bien entendu, ce qui vient d’être dit a également pour but d’accroître l’empressement de chacun d’entre nous. Il est clair que vous-même pouvez intervenir de deux façons, en menant une campagne et en délivrant un enseignement dans votre milieu, d’une part, en exerçant une influence en tout endroit que vous pourrez atteindre et en y installant des personnes susceptibles de délivrer cet enseignement, d’autre part. Pour ma douleur, du fait du manque d’intérêt pour ce qui va suivre et pour cet appel, de la part des milieux religieux, on n’a pratiquement pas ressenti, jusqu’à maintenant le non-sens profond et l’absurdité de l’affirmation bien connue(5) de certains Juifs “ éclairés ”, selon laquelle le Baal Chem Tov, ses disciples et les élèves de ses disciples aurait fait des compromis avec la pratique concrète des Mitsvot, ce qu’à D.ieu ne plaise. De fait, cette erreur a fait de nombreuses victimes.
Je saisis cette opportunité pour accuser réception, avec mes remerciements, de votre livre Al Ha Saf(6). Bien entendu, je l’ai lu avec intérêt. Je formulerai une remarque, d’une portée générale, concernant votre livre. Il semble qu’en la matière, ma conception n’ait pas été suffisamment exposée dans mes lettres qui répondaient au groupe de vos disciples. En effet, la dimension profonde de ma réponse aux questions que vous m’aviez alors posées, de même qu’aux questions énoncées dans votre livre, est la suivante : il est absolument faux de dire que ces personnes ne sont pas croyantes. Une image permettra d’illustrer cette idée, celle d’un homme qui prétend ne pas croire à la nourriture et à la boisson, alors qu’il mange et boit trois fois par jour. La preuve en est la suivante. L’homme, par nature, accepte pleinement des conclusions dont la fiabilité est bien plus réduite que celle de différentes théories philosophiques et, bien évidemment, celle de la foi d’Israël. Or, il base sa vie sur ces conclusions, quitte, parfois, à mettre sa vie en danger, par exemple en empruntant un avion pour voyager. Plus encore, il considère celui qui n’adopte pas la même attitude comme un anormal, comme quelqu’un qui n’appartient pas au monde civilisé. Il en résulte que les conclusions dont les preuves sont beaucoup plus tranchées que celles-ci doivent, à n’en pas douter, être acceptées et s’imposer à tous. Pour autant, il n’est pas surprenant que telle personne puisse s’abuser elle-même et se présenter comme incroyante. Il suffit d’observer les résultats d’une telle illusion qui, bien souvent, a pour effet de supprimer les limites, s’agissant de “ écarte-toi du mal ” comme de “ fais le bien ”. Cela veut bien dire que la raison d’une telle illusion est un désir de se simplifier la vie, de se “ débarrasser ” de la pratique d’Injonctions et d’Interdits, d’avoir une existence sans bride.
Bien entendu, ce qui vient d’être dit s’applique quand on commence à s’écarter du droit chemin. Par la suite, quand on a adopté ce comportement pendant quelques temps, l’habitude devient une nature, comme le veut la personnalité humaine, dans la manière d’agir comme dans l’illusion. A force de se répéter que l’on n’est pas croyant, on parvient à se convaincre que telle est la réalité. Et, l’on peut trouver la preuve qu’il en est bien ainsi quand survient un événement tragique, transperçant les couches externes de sa personnalité et en atteignant le point profond. Dès lors, on s’aperçoit que l’on a effectivement la foi. De fait, il faut voir en cela l’application de ce qui est expliqué au chapitre 19 du Tanya, dans le discours ‘hassidique du jour de la Hilloula(7) de mon beau-père, le Rabbi, intitulé : “ Je suis venu dans Mon jardin ” et dans d’autres textes encore. Je suis un peu surpris que, dans votre livre, vous n’envisagiez même pas une telle conception. Je ne l’ai pas trouvée non plus dans les lettres que vous m’avez adressées jusqu’à maintenant. Je conclus donc la présente comme je l’introduisais, en exprimant le souhait que vous publiez à propos du Baal Chem Tov, de sa personnalité, de son enseignement et que vous le fassiez encore. Je vous remercie d’avance de bien vouloir m’en adresser une copie ici. Bien évidemment, ce qui vient d’être dit peut aussi être transmis à vos disciples. Avec ma bénédiction pour donner de bonnes nouvelles de tout cela, de même que de tous les autres domaines, ainsi que de chacun des membres de votre famille, auxquels D.ieu accordera longue vie,
M. Schneerson,
Notes
(1) Voir, à son sujet, la lettre n°7053.
(2) D’un courrier, devant répondre à l’autre.
(3) De la ‘Hassidout.
(4) A l’occasion du bicentenaire de la Hilloula du Baal Chem Tov.
(5) Voir, à ce sujet, la lettre n°7052.
(6) “ Sur le seuil ”.
(7) Le 10 Chevat.