Par la grâce de D.ieu,
20 ‘Hechvan 5721,
Brooklyn, New York,
Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
le Rav Nissan(1) Chlita,
Je vous salue et vous bénis,
1. Je fais réponse à votre lettre du 13 ‘Hechvan, dans laquelle vous m’interrogez sur ma conception du rabbinat central de Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie(2). En effet, une opinion a été publiée, en mon nom, dans un périodique. Je préciserai tout d’abord que cette publication a été faite à mon insu et donc contre ma volonté. En effet, il n’y a pas lieu de faire participer tout le peuple à une telle discussion, des jeunes aux vieux, avec les enfants et les femmes, encore moins d’en rechercher la parution dans les périodiques destinés aux oisifs, ce qui est, en tout état de cause, une honte pour l’honneur du rabbinat et pour l’honneur de la Torah. Quand j’exprime mon avis, sur un tel sujet, je le fais là où cela peut avoir une incidence concrète. C’est, du reste, une des raisons pour lesquelles j’ai évité de m’exprimer, en la matière. En effet, la date des élections est encore éloignée et je me suis dit que différentes évolutions pouvaient encore intervenir, jusqu’à ces élections.
Cette personne(3) m’avait rendu visite quelques jours avant la date officielle des élections. Au cours de notre discussion, il m’avait demandé ce que je pensais du rabbinat central. Cet homme entretient des relations avec ceux dont l’avis est déterminant, en la matière. J’ai donc pensé qu’il était de mon devoir de lui exprimer clairement ma position, puisqu’il était concerné. En rédigeant tout cela maintenant, je dois tout d’abord préciser un autre point. Tout ce qui suit est dit sur la base de la situation actuelle. Je veux dire que ma manière de considérer le rabbinat central en tant qu’institution est fondée sur l’opinion des Grands d’Israël de la génération précédente. Car, celle-ci est systématiquement négative. En effet, tous les responsables communautaires de Russie savent que les Rabbanim et les dirigeants véritables se sont opposés à la création d’une telle institution, dans ce pays et autour de lui. Ils s’y sont opposés de toutes leurs forces, allant jusqu’à se battre contre le gouvernement tsariste, bien entendu en fonction des moyens dont ils disposaient alors, jusqu’à ce que le projet a été supprimé.
Et, les raisons en sont bien connues. Or, s’il y avait alors un doute sur ce qu’ils craignaient, de loin ou de près, les années d’existence du rabbinat central, en Terre Sainte, ont fait la preuve qu’ils avaient eu tout à fait raison et même encore plus que cela. Néanmoins, du fait de nos nombreuses fautes, en fonction de la situation actuelle, la suppression de ce rabbinat central, même si elle est positive, n’est, pour l’heure, pas possible. Les hommes de gauche ne l’accepteront pas, pas plus que ceux qui se trouvent à leur droite, bien que tous aient pu constater, ces dernières années, le tort qui a été causé à la religion et à tout ce qui la concerne par cette institution. Vous devez comprendre ce que je veux dire, même si ceux qui ont assumé cette fonction avaient une bonne intention et auraient peut-être même accompli de bonnes actions, s’ils avaient pu agir comme ils le désiraient. Néanmoins, leurs possibilités et leurs moyens étaient de plus en plus restreints et, entre nous, ils n’ont pas toujours résisté à l’épreuve. Toutefois, nos Sages disent : “ Ne juge pas ton prochain…(4) ”.
Comme je l’ai dit, il n’est pas possible de supprimer cette institution. Il faut donc, tout au moins, réduire le tort qui est causé à notre religion, à l’honneur de la Torah et à ce qui la concerne. Chaque jour de retard que prennent les élections est utilisé par différents organes pour abaisser encore plus la situation des religieux, l’honneur de la Torah et de ceux qui la soutiennent. Il est difficile de croire que des Juifs, en Terre Sainte, puissent avoir de telles réactions, dans leurs lettres et dans leurs discussions, du fait de tout ce qui se passe autour de ces élections pour le rabbinat central.
2. Il est clair qu’il ne suffit pas de fixer les élections au plus vite. Il faut, en outre, qu’il y ait un candidat et que celui-ci ait des chances d’être élu. Sur la base de tout ce qui vient d’être dit, j’ai donc clairement exprimé mon avis à cette personne, en trois points, qui dépendent l’un de l’autre :
A) Il est nécessaire que ces élections soient fixées au plus vite. Quiconque agit pour les retarder prend la responsabilité d’une humiliation supplémentaire de la religion et de ce qui la concerne, en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, de même que dans le reste du monde, comme l’expérience des derniers mois a permis de l’établir.
B) En fonction de la situation actuelle, le candidat qui a le plus de chances d’être élu est le Rav Goren Chlita(5). Ceux qui mènent des négociations à propos d’autres personnes savent parfaitement que certains candidats, parmi ceux qu’ils envisagent, n’accèderont pas à cette fonction. Les uns n’y sont pas aptes et les autres n’ont aucune chance d’être élus. Ces négociations poursuivent uniquement des objectifs accessoires, lesquels doivent, bien évidemment, être écartés devant l’offense de la Torah, comme je l’ai dit.
C) Il est indispensable que le Rav Nissim(6) conserve ses fonctions actuelles. On n’a jamais vu que des Juifs non pratiquants ou même de simples chefs de famille, qui font pourtant partie de la commission électorale, démettent un Rav de ses fonctions. Bien sûr, je sais que cette fonction lui avait, d’emblée, été confiée pour un temps limité. Mais, cela ne remet pas en cause l’honneur dû à la Torah et à un Rav, de même que la valeur d’un fait établi. Pour quelqu’un comme vous, il est sûrement inutile d’en dire plus.
J’ai dit plus haut qu’à mon sens, ces points sont liés, car ils reposent sur un même fondement, le respect de la religion, dans la situation actuelle, en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie. En contredisant l’un d’eux, on cause une humiliation supplémentaire, de la manière la plus douloureuse. Comme je l’ai dit au début de ma lettre, ces propos s’adressent également à ceux qui peuvent exercer une influence sur ce processus, pour les raisons que j’évoquais plus haut. Discuter toutes ces idées dans le cadre d’un journal est un moyen de rabaisser la situation du rabbinat, en tout endroit et particulièrement en notre Terre Sainte. Il n’en est pas de même, en revanche quand il s’agit d’exprimer une position, au moment et dans le lieu qui conviennent. Tout cela est bien évident. J’ai également le devoir agréable de vous exprimer ma satisfaction, concernant votre article sur le Baal Chem Tov. Sans doute en préparez-vous d’autres. Avec mes respects et ma bénédiction,
Notes
(1) Le Rav N. Telushkin, de Brooklyn. Voir, à son sujet, la lettre n°6774.
(2) Voir, à ce sujet, les lettres n°7476, 7515, 7545, 7558 et 7626.
(3) L’auteur de l’article.
(4) “ Avant de te trouver à sa place ”.
(5) Qui fut, par la suite, le grand Rabbin ashkénaze d’Israël.
(6) Le grand Rabbin séfarade d’Israël.