[Elloul 5708]
Je(1) suis satisfait, à tout moment(2), lorsque je peux apporter une réponse sur des idées de la Torah, en fonction de ce que je peux avancer, à mon humble avis. Vous pouvez donc continuer à m’interroger, à l’avenir et je vous répondrai, bien entendu si j’en ai la possibilité.
Le commentaire de Rachi sur le début de la Parchat Ekev(3) est basé sur le Midrash Tan’houma, à cette référence. Il y a aussi, en particulier, le Yalkout Chimeoni, au début de la Parchat Ekev, le Tehilim 49, 6 et le Midrash Tehilim, au paragraphe 758. Et, il n’y a là aucune contradiction, seulement une évidence, puisqu’il est précisé : “ David dit : Maître du monde, je ne crains pas les Mitsvot importantes de la Torah, précisément parce qu’elles sont importantes. En revanche, je crains celles qui sont légères, car peut-être les ai-je transgressées du fait de cette légèreté. Or, Tu as enseigné : ‘Sois scrupuleux pour une Mitsva légère comme pour une Mitsva importante’. Et, c’est pour cela qu’il est dit : ‘Et, ce sera si vous écoutez’. ‘Comme Ta bonté est grande’ (Tehilim 32) ! Telle est la récompense des Mitsvot légères ”.
Seconde question : A) Vous pensez, semble-t-il, que les Sages n’ont pas reconnu toute la valeur de Rabbi Yo’hanan Ben Zakaï(4). Or, ce n’est nullement le cas et deux ou trois citations suffiront pour l’établir.
1. Le traité Sofrim, au chapitre 16, fait référence à ses connaissances de la Torah et des sciences en ces termes : “ Si tous les cieux étaient des tentures, tous les arbres des plumes et toutes les mers de l’encre, cela ne suffirait pas pour décrire la sagesse qu’il reçut de ses maîtres ”.
2. La fin du traité Sotta traite de sa relation avec les considérations du monde et celles de l’état, de la manière suivante : “ Depuis la mort de Rabbi Yo’hanan Ben Zakaï, l’éclat de la sagesse a disparu ” et le Maharcha précise : “ la sagesse du monde ”.
3. Le Sifri, à la fin de la Parchat Bera’ha, le décrit en temps que chef d’Israël et dit : “ Moché passa quarante ans en Egypte, quarante ans à Midyan et il dirigea Israël pendant quarante ans. Rabbi Yo’hanan Ben Zakaï fit du commerce pendant quarante ans, servit les Sages pendant quarante ans et il dirigea Israël pendant quarante ans ”.
B) Si l’on considère la suite des événements, à l’époque de la destruction du Temple, la situation politique, l’état d’esprit des Romains, y avait-il alors un espoir de paix ? Comment pouvons-nous, mille huit cents ans plus tard, en l’absence quasi totale de documents fiables sur cette période, hormis le Talmud, formuler un avis qui s’écarterait, fut-ce même sur un seul point, d’ordre secondaire, de celui des personnes ayant vécu en cette génération ou bien au siècle(5) suivant ?
Bien plus, ceci serait vrai également si cette analyse figurait dans un simple ouvrage historique, mais, en l’occurrence, elle a été introduite dans le Talmud et, par un effet de la divine Providence, elle est ainsi devenue une partie de la Loi orale. Sa sainteté est donc la même que celle de toute la Loi orale et l’on n’a pas le droit de se demander si elle est vraie. On ne peut que s’efforcer de la saisir et de la comprendre à notre tour.
C) Une preuve tranchée du fait que Rabbi Yo’hanan Ben Zakaï n’a pas considéré la destruction du Temple comme un fait inéluctable et qu’il s’est efforcé de l’empêcher, de sauver le Temple peut être trouvée dans le fait qu’avant même de se rendre auprès de Vespasien, il intervint auprès des dirigeants de Jérusalem, à l’époque, pour les convaincre de faire la paix avec les Romains. Par la suite, voyant qu’il n’y parvenait pas, il entreprit une démarche auprès de Vespasien, “ afin d’obtenir un salut partiel ”, selon sa propre expression.
D) Mais, il est un autre point que vous écrivez contre lequel j’entends protester et vous voudrez bien m’en excuser : vous dites que si ce que vous avancez, selon votre humble avis, ne convient pas, je dois vous signifier la nécessité de retourner à vos affaires et de ne plus vous préoccuper de ces explications de la Torah. Or, je ne peux pas accepter une telle affirmation ! Réfléchissez donc ! Votre âme, qui est la partie essentielle de votre personnalité juive, a étudié la Torah pendant plusieurs milliers d’années. Et, à l’issue de sa vie dans ce monde physique, cette âme se consacrera encore à la Torah. Elle approfondira sa sagesse qui n’a pas de fin, pour l’éternité. Néanmoins, entre-temps, pendant quelques dizaines d’années, le Saint béni soit-Il lui donne la possibilité d’exercer une activité commerciale. Comment est-il possible de considérer celle-ci comme essentielle et l’étude de la Torah comme accessoire ?
Chacun d’entre nous doit donc étudier la Torah scrupuleusement, conformément à la vérité, comme nos Sages nous l’ont enseignée. Je vous souhaite tout le bien et je serai disposé, encore à l’avenir, à clarifier ce qui est difficile à comprendre pour des personnes comme nous.
Notes
(1) Cette lettre est adressée au Rav Binyamin M. Horowitz et elle est rédigée à même sa propre lettre, qui est datée du 6 septembre 1948, soit le 2 Elloul 5708, vraisemblablement pour que le secrétaire du Rabbi la traduise en anglais et qu’il puisse la signer par la suite. Il s’agit d’une réponse à des remarques formulées par le Rav Horowitz à propos de l’édition américaine des “ Conversations avec les jeunes ”, de Mena’hem Av 5708.
(2) Le Rav Horowitz s’excusait de prendre le temps précieux du Rabbi.
(3) Ceci est la référence de ce qu’expliquent les conversations avec les jeunes, à la page 4, à propos du verset : “ Et, ce sera si vous écoutez ”. Il y est précisé, en effet, qu’une récompense spécifique est accordée pour la pratique des “ Mitsvot légères que l’homme foule au talon ”, ce qui ne vas pas dans le sens de la Michna, au traité Avot, chapitre 2, Michna 1, affirmant : “ Sois scrupuleux pour une Mitsva légère comme pour celle qui est importante, car tu ne connais pas la récompense des Mitsvot ”.
(4) Les mêmes conversations avec les jeunes, à la page 7, rapportaient le récit du traité Guittin 56b, selon lequel Rabbi Yo’hanan Ben Zakaï demanda : “ Donne-moi Yavné et ses Sages ”, pactisant ainsi avec les Romains, bien que ceux-ci aient été les destructeurs du Temple, dans le but de préserver au moins une partie des institutions juives. Le Rav Horowitz s’étonnait du commentaire que fait la Guemara, à son propos : “ Il fit reculer les Sages et il rendit sot leur avis ”, alors que Rabbi Yo’hanan Ben Zakaï considérait la destruction du Temple comme inéluctable et qu’il voulait uniquement sauver Yavné et ses Sages.
(5) En anglais dans le texte, “ century ”, le reste de la lettre étant en Hébreu.