Lettre n° 8324

Par la grâce de D.ieu,
7 Chevat 5722,
Brooklyn,

Aux ‘Hassidim de la ville de…, que D.ieu vous
accorde de longs jours et de bonnes années,

Je vous salue et vous bénis,

Cela fait particulièrement longtemps que je n’ai pas eu des nouvelles de vous-mêmes, de vos activités destinées à diffuser les sources(1) ou même ce qui concerne le Judaïsme, en général. Et, peut-être est-il possible de l’expliquer simplement : rien n’est fait. Il est aussi une explication basée sur une Injonction de nos Sages, qui est soulignée par l’enseignement de la ‘Hassidout : de nombreuses activités ont effectivement lieu, mais on ne les fait pas connaître(2). Le point commun à ces deux explications est le suivant : il n’y a pas lieu d’écrire d’ici(3), d’inviter à agir et encore moins de l’exiger. Bien plus, on peut penser qu’il y a un risque à le faire, ou même plus qu’un risque, puisque nos Sages disent(4) : “ Tout comme il est une Mitsva de dire… il est, tout autant, une Mitsva de ne pas dire… ”(5). Et, l’on consultera aussi le traité ‘Houlin 94a, qui précise : “ Il ne doit pas insister… alors qu’il sait… ”(6). C’est donc pour cela que l’on a cessé d’écrire et d’inviter à l’action. Il n’y a nullement lieu de chercher d’autres explications que celles-ci.

Toutes ces précisions sont données essentiellement afin que ne puisse venir à l’esprit l’interprétation suivante. On a cessé de vous inviter à l’action parce que quelqu’un(7) a donné son accord à une attitude consistant à dire : “ J’ai sauvé ma propre personne ” ou bien à être, selon l’expression courante chez les ‘Hassidim : “ un Juste avec un manteau de fourrure ”(8). En fait, il s’avère uniquement que je n’ai pas les moyens de protester ou encore, selon la seconde explication précédemment citée, dans la mesure où l’on doit accorder les circonstances atténuantes, qu’il y a effectivement eu de nombreuses activités.

Très prochainement, le dixième jour de Chevat, qui approche, ce sera la Hilloula de mon beau-père, le Rabbi, chef d’Israël. Puisse donc D.ieu faire que chacun tire la leçon de l’abnégation dont lui-même fit preuve. En effet, il fit don de lui-même pour son action envers les autres, car, à sa propre personne, s’appliquaient les propos du Ari Zal, expliqués(9) par l’Admour Hazaken, auteur du Tanya et Décisionnaire de la partie cachée de la Torah, auteur du Choul’han Arou’h et Décisionnaire de la partie révélée de la Torah, selon lesquels l’âme elle-même n’a besoin d’aucune élévation et doit uniquement dévoiler la Lumière afin de connaître l’élévation. En conséquence, que chacun fasse tout ce qui est en son pouvoir, et même au-delà de celui-ci, afin de mener des actions conformes à la volonté et à l’espoir de celui dont nous célébrons la Hilloula. Car, l’assurance nous a été donnée(10) que “ l’on vient en aide à celui qui désire se purifier ”. Avec mes respects et ma bénédiction,

M. Schneerson,

Bien entendu, ce qui vient d’être dit n’est en aucune façon une manifestation de rancune, ce qu’à D.ieu ne plaise, mais seulement, si la première explication est la bonne, que D.ieu nous en préserve, l’expression de la douleur qu’inspire ce manque d’activité, alors que le Roi suprême, le Saint béni soit-Il a extrait de Sa couronne le précieux joyau duquel dépend toute sa valeur afin de le dissoudre(11). Vous devez comprendre ce que je veux dire. Il n’y a donc nullement lieu d’écrire ici pour se justifier et pour s’expliquer. Car, c’est à D.ieu que l’on doit des comptes.

Notes

(1) De la ‘Hassidout.
(2) On n’en rend pas compte au Rabbi.
(3) Le Rabbi, ne recevant pas de lettres, ne peut pas répondre pour donner des directives.
(4) Dans le traité Yebamot 65b.
(5) Tout comme il est une Mitsva de dire ce que l’on peut entendre, il est une Mitsva de ne pas dire ce que l’on n’est pas en mesure d’entendre.
(6) Un homme ne doit pas insister pour déjeuner chez son ami, alors qu’il sait qu’il ne le fera pas. Il ne multipliera pas les cadeaux en sachant que celui-ci ne les acceptera pas. Il ne lui ouvrira pas des tonneaux vendus au commerçant sans le lui faire savoir. Il ne l’invitera pas à s’enduire d’huile provenant d’une fiole vide.
(7) En l’occurrence, le Rabbi.
(8) Cherchant à se réchauffer lui-même sans se préoccuper des autres.
(9) Dans le chapitre 37 du Tanya, à la page 48b.
(10) Dans le traité Yoma 38b.
(11) Voir, à ce propos, la lettre n°8290.