Par la grâce de D.ieu,
veille du saint Chabbat
15 Chevat 5722,
Brooklyn, New York,
Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu, aux
multiples accomplissements et aux bons comportements,
le Rav Lévi(1),
Je vous salue et vous bénis,
J’ai bien reçu votre lettre m’invitant et m’informant à propos du cours public de Torah, qui porte sur le traité Kiddouchin et de la fête de conclusion qui aura lieu à l’issue du Chabbat, veille du dimanche de la Paracha du don de la Torah. Une telle initiative vient effectivement en son temps et elle est donc positive. En effet, ce traité se conclut de la manière suivante : “ Il est dit dans une Boraïta : Rabbi Nehoraï enseigne… ”. Est ensuite décrite la grandeur de la Torah, non seulement dans le monde futur et pour ce qui le concerne, mais aussi en ce monde et pour ce qui le caractérise. Bien plus, il est souligné que la Torah est préférable à tout autre activité de ce monde, y compris par la récompense qu’elle permet d’y obtenir.
De fait, cette conclusion semble contredire un principe bien connu selon lequel une Boraïta précise une Michna, l’analyse et la développe, du fait des nombreuses persécutions et de la disparition de ceux qui sont en mesure de comprendre ces textes profondément. En effet, la Michna est concise, “ un propos court réunissant de nombreuses notions ”(2). Elle n’est donc pas suffisante, du fait de la chute des générations(3). Or, l’inverse est vrai pour la Boraïta de Rabbi Nehoraï. La Michna à laquelle elle se réfère est plus détaillée, parle d’un malade, d’une vieille femme, de souffrances, alors que la Boraïta traite seulement de la vieille femme. De même, la Michna explique l’importance de la Torah, en précisant qu’elle est récompensée dans ce monde et dans le monde futur, alors que toutes les autres activités ont une incidence uniquement sur ce monde. La Boraïta, en revanche, n’apporte pas toutes ces précisions. De fait, la référence de cette Boraïta est indiquée en marge : il s’agit du traité Sofrim, au chapitre 16. Or, celui-ci ne fait que reprendre les termes de la Michna. En effet, le traité Sofrim et, de même, la Tossefta, à la fin du chapitre 5, reproduisent uniquement la Michna.
Nous expliquerons brièvement tout cela en rappelant que la Michna et la Boraïta traitent, l’une et l’autre, de l’éducation que l’on donne à son fils. Il est dit, en effet : “ éduque l’enfant selon sa voie ”. De ce fait : “ le professeur devra lui insuffler l’empressement, en le conduisant à étudier ce qu’il apprécie, du fait de son jeune âge. Il lui demandera de lire ces passages, non pas pour cette lecture elle-même, puisqu’il n’en connaît pas la valeur… ”(4). Un enfant en âge de recevoir une éducation, une femme, un ignorant ne peuvent donc pas encore étudier la Torah pour elle-même, être comme les disciples qui servent leur maître d’une manière désintéressée, “ jusqu’à ce qu’il multiplie leurs connaissances et acquièrent une grande sagesse ”(5).
S’agissant de l’enfant lui-même, une autre distinction doit être faite. A l’époque de la Michna, dans les premières générations, comparées à des anges, un enfant pouvait rechercher la récompense du monde futur et cette motivation était donc bien un moyen de l’attirer vers l’étude de la Torah. Il n’en fut pas de même par la suite et, à notre époque, alors que nous sommes comparés à des ânes(6), l’enfant ne désire plus du tout le monde futur. C’est donc pour cela que cette rétribution n’est pas envisagée par la Boraïta.
Il en est de même pour la différence pouvant être faite, en ce monde, entre la Torah et une autre occupation. En ces dernières générations, chacun fait ce que bon lui semble et l’amour-propre masque toutes les fautes. On ne craint plus la maladie et les souffrances, car il n’est de souffrance que du fait de la faute, alors que chacun est persuadé qu’il ne trébuchera jamais. S’agissant de la maladie, on se rappellera de l’affirmation suivante(7) : “ je me porte garant, envers quiconque mettra en pratique les principes que nous avons enseignés, qu’il ne sera jamais malade, tout au long de sa vie ”.
Or, il n’en était pas de même au cours des premières générations, celles de la Michna. On craignait alors la maladie et les souffrances, conformément à l’injonction de la Michna : “ Ne t’en remets pas à toi-même, jusqu’au jour de ta mort ”. Les hommes ne se faisaient pas confiance non plus pour ce qui concerne la maladie. Ils craignaient d’avoir “ de mauvais comportements ”(8) et, de ce fait, d’être malades. C’est donc uniquement la Michna qui évoque la maladie et les souffrances.
* * *
Sur ce point et sur son commentaire, on peut établir un lien, comme le veut la coutume juive, entre la conclusion du traité et son début : “ Une femme est acquise… par de l’argent, par un acte écrit et par une relation conjugale ”. Il convient, en effet, d’étudier la Torah comme si celle-ci avait été donnée, en ce jour, sur le mont Sinaï. C’est pour cela qu’il est dit, de cette révélation du Sinaï : “ tout comme à l’époque, on se pénétra de crainte et d’effroi, ici encore, on peut éprouver cette même crainte et cet effroi ”(9). Cette étude est donc la “ femme qui a été choisie ”, selon l’expression des Tossafot, l’assemblée d’Israël. Elle est acquise à Son mari, au Saint béni soit-Il puisque, comme le précisent nos Sages : “ le jour de Son mariage, c’est le don de la Torah ”.
Ainsi, il est trois moyens d’obtenir un tel résultat, d’étudier la Torah et de se pénétrer de l’empressement qui est insufflé par le professeur. L’argent, tout d’abord, est une récompense matérielle. L’acte écrit, en revanche, n’a pas de valeur intrinsèque. Néanmoins, l’homme écrit à la femme : “ Tu m’es consacrée ”. Elle lui est alors sanctifiée et il l’interdit, de la sorte, à tous les autres hommes, au même titre que ce qui est consacré au Temple. Dès lors, elle-même n’a plus honte(10), ce qui constitue bien une récompense morale. Pour autant, cette femme ne s’unit pas encore à son mari, car “ son action n’est pas pour Lui, mais bien pour obtenir une récompense ”(11). Enfin, de la relation conjugale, le verset dit : “ Il s’attachera à son épouse et ils ne formeront qu’une seule chair ”. La perfection de l’étude, totalement désintéressée, fait en sorte que : “ Israël (grâce à), la Torah et le Saint béni soit-Il ne font qu’un ”(12). Avec mes respects et ma bénédiction,
Nos Sages disent que ce que l’on a ressenti lors du don de la Torah, “ Son mariage ”(13), se manifeste encore pendant l’étude, à tout moment. Et, nos Sages précisent aussi que : “ quand on l’étudie, elle protège. Elle ne le fait pas, en revanche, quand on ne l’étudie pas ”(14). Il est pourtant expliqué que l’acquisition des fiançailles ne se renouvelle pas chaque jour, à la différence de celle du mariage(15), mais ce point ne sera pas développé ici.
Notes
(1) Le Rav L. Bilitski. Voir, à son sujet, les lettres n°6271 et 6516.
(2) Le Rabbi note, en bas de page : “ Selon l’introduction du Rambam au commentaire de la Michna ”.
(3) Le Rabbi note, en bas de page : “ La Boraïta, à cette référence, est plus explicite et elle cite également la fin des versets : ‘Ceux qui placent leur espoir en D.ieu’ et : ‘Ils se bonifieront encore’, à la différence de la Michna ”.
(4) Le Rabbi note, en bas de page : “ Selon le commentaire du Rambam, sur le dernier chapitre du traité Sanhédrin, qui développe une longue analyse, à ce sujet ”.
(5) Le Rabbi note, en bas de page : “ Rambam, lois de la Techouva, à la fin du chapitre 10. Le Rambam, dans sa précision, n’a pas mentionné le mot Bina, entendement, caractère qui a été plus largement accordé à la femme, alors que sa connaissance, Daat, est plus réduite. De même, un enfant n’a pas de Daat. Et, l’on vérifie s’il est devenu adulte en cherchant à établir s’il sait envers Qui il prononce un vœu ”.
(6) Le Rabbi note, en bas de page : “ Traité Shekalim, au début du chapitre 5 ”.
(7) Formulée par le Rambam, mais n’ayant plus cours de nos jours.
(8) Le Rabbi note, en bas de page : “ Rambam, lois des opinions, chapitre 4, au paragraphe 2 ”.
(9) Le Rabbi note, en bas de page : “ Traité Bera’hot 22a. On verra ce que dit, à ce sujet, l’Admour Hazaken, auteur du Tanya et du Choul’han Arou’h, dans le Torah Or, à la page 22b ”.
(10) Le Rabbi note, en bas de page : “ Ichaya 4, 1. On verra le commentaire du Radak sur ce verset et le début de ce traité, 7a, dit : ‘Il est préférable de vivre à deux’ ”.
(11) Le Rabbi note, en bas de page : “ Rabbénou Yona sur le traité Avot, chapitre 3, au paragraphe 3 ”.
(12) Zohar, tome 3, à la page 73a.
(13) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le Midrash Rabba, chapitre 21, à la fin du paragraphe 15, qui dit : ‘Ce monde est celui des fiançailles et le mariage sera célébré après la venue du Machia’h’ ”.
(14) Le Rabbi note, en bas de page : “ Traité Sotta 21a ”.
(15) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le Rambam, lois de la famille, chapitre 3, au paragraphe 23 et chapitre 10, au paragraphe 6. On consultera, à ce propos, le Tsafnat Paanéa’h du Gaon de Ragatchov, sur le Rambam, lois des bénédictions, chapitre 11, au paragraphe 5 ”.