Par la grâce de D.ieu,
5 Adar Chéni 5722,
Brooklyn, New York,
A l’attention de monsieur Moché Maizlich(1),
Je vous salue et vous bénis,
J’ai reçu votre lettre avec beaucoup de retard. Celle-ci m’est parvenue dans les mains et je reprendrai donc la manière dont elle est formulée. Je vous demande de m’excuser pour ce qui va suivre. Me basant sur ce que j’ai entendu à votre propos, lorsque vous résidiez à New York, sur vos capacités, votre qualité et vos possibilités d’influencer votre entourage, je pense ne pas être en droit de ne pas formuler une remarque, de ne pas vous révéler la surprise qui a toujours été la mienne : comment se fait-il que vous ne vous serviez pas de toutes ces forces, comme il le faudrait et dans toute la mesure du possible ? En la présente époque, les forces créatives, actives et inductrices sont réduites, parmi les enfants d’Israël. Il est donc bien clair que la responsabilité de quiconque possède des aptitudes et des possibilités d’agir s’en trouve largement accrue.
J’ai pris la précaution d’écrire que : “ vous ne vous servez pas… comme il le faudrait ”, mais, en fait, une objection beaucoup plus importante aurait pu être soulevée. Je dois ajouter que, lorsque vous résidiez à New York, j’ai demandé pourquoi l’on vous laissait tranquille, au moins pour ce qui est de l’action auprès de votre entourage, alors que le besoin du moment veut que l’on mobilise toutes les forces positives. On m’a répondu que, par nature, vous êtes un homme discret. Vous vous éloignez donc du premier rang(2) et vous vous en tenez à l’affirmation de la Michna(3) selon laquelle : “ je n’ai rien trouvé de meilleur pour le corps que le silence ”. Sans se demander si ces explications, en l’occurrence, sont justes et exactes, il n’en est pas moins évident que l’entourage ne tire absolument rien du fait que telle personne a un moyen satisfaisant de se justifier.
Je sais que, lorsque vous vous trouviez ici, vous étiez rédacteur à la poste. En Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, on dit que vous occupez un poste important à l’institut Bialik. Or, y compris de votre propre avis, est-ce bien là le rôle qui doit être le vôtre(4) ? Nos Sages définissent ce qu’ils appellent un service de D.ieu “ conforme à ce qu’il doit être ”. Ils précisent tout cela de façon merveilleuse et vous consulterez, à ce sujet, le traité Ketouvot 67a. La promesse a été donnée(5) que le bienfait est plus abondant que le malheur. On peut en déduire l’importance de la récompense, quand on utilise ses forces de la manière qui convient pour soi-même(6), comme si l’on était une personne enthousiaste, ayant reçu une récompense et une rétribution.
On m’a dit aussi que, par vos origines et par vos conceptions, vous vous rattachez à Bratslav et à sa vision du monde. Je mentionne ce point en particulier ici parce que l’une des explications habituelles que l’on donne au manque d’action est l’absence de tout espoir de réussite, l’inutilité de toute tentative, dès lors que : “ vous êtes la minorité d’entre les nations ”. Or, ceci est en opposition totale avec le dicton de Bratslav, qui dit : “ Ne te décourage pas ”.
Nous sommes dans le mois d’Adar et peut-être ceci est-il également lié à ce qui vient d’être dit. En effet, le miracle de Pourim se produisit alors que, d’une manière naturelle, il n’y avait aucune possibilité de salut. Or, il réalisa une véritable transformation, d’un extrême à l’autre. Avec mes respects et ma bénédiction afin de multiplier la joie au sein du peuple d’Israël,
Notes
(1) Voir, à son sujet, la lettre n°8475.
(2) Textuellement “ du mur occidental ”.
(3) Dans le traité Avot, chapitre 1, à la Michna 13.
(4) Textuellement : “ la pierre contre laquelle vous devez vous frotter ”, selon le Yalkout Chimeoni sur les Tehilim, au paragraphe 673.
(5) Dans le traité Sotta 11a.
(6) Le Rabbi souligne : “ pour soi-même ”.