Par la grâce de D.ieu,
1er Elloul 5723
Brooklyn,
Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu et se consacre
aux besoins communautaires, le Rav Chlomo(1),
Je vous salue et vous bénis,
Je fais réponse à votre lettre de ce dimanche. Je vous remercie beaucoup pour vos bonnes nouvelles, relatives aux actions qui ont été menées afin de renforcer le Judaïsme et de le diffuser, à Minneapolis et dans la région, dans le cadre d’une branche du Merkaz Le Inyaneï ‘Hinou’h, qui est dirigée par votre beau-frère, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu, empli d’empressement, le Rav Moché(2). Bien entendu, j’ai été satisfait de lire, à la conclusion de vos propos, que votre épouse a apporté son aide également, qu’elle a fait des efforts et qu’elle a connu le succès.
Bien plus, dans le domaine de l’éducation, le moyen est accordé aux filles d’Israël, chacune étant la descendante de Sarah, de Rivka, de Ra’hel et de Léa, d’agir bien au-delà de ce que font les hommes, comme la pratique concrète permet de l’établir.
Puisse donc D.ieu faire que ce succès éveille en vous des forces nouvelles afin de continuer l’action, par la suite, dans la même direction, sans se limiter à ceux qui se trouvent d’ores et déjà dans les quatre coudées de la Torah et des Mitsvot, mais en s’efforçant de séparer le bon grain de l’ivraie, comme nos Sages en soulignent l’importance, dans le traité Baba Metsya 85a.
Le temps ne me permet pas du tout une longue analyse de la seconde partie de votre lettre, d’autant que ma position est bien connue, en la matière. Elle est exprimée dans différents textes et même imprimée. Toutefois, en signe de reconnaissance pour la satisfaction que vous m’avez procurée par la première partie de votre lettre, je ne me contenterai pas d’une simple remarque, mais j’introduirai quelques éléments sur ce sujet.
S’agissant du port de la barbe(3), il est clair, selon tous(4) les avis, qu’il s’agit d’une pratique importante(4). La controverse porte donc uniquement sur le point suivant : peut-on permettre de la couper lorsque cela est indispensable ou semble l’être et y a-t-il, en cela, une interdiction des Sages ou bien de la Torah ? En revanche, il est bien clair, comme je l’ai dit, d’après la partie révélée de la Torah et encore plus selon son enseignement caché, que “ les éléments de réparation de la barbe ”, pour reprendre l’expression du Zohar et des ouvrages de Kabbala, considérés comme partie intégrante de la Loi orale par tous(4) les Juifs, possèdent une sainteté particulièrement grande. Or, “ le Saint béni soit-Il agit mesure pour mesure ”(5) et la mesure de D.ieu correspond à ces éléments de réparation chez l’homme, ici-bas, qui lui permettent la révélation céleste. Il y a là un fait incontestable, admis par tous, au point que la barbe soit appelée : “ image de D.ieu ”.
Selon le Tséma’h Tsédek et plusieurs Décisionnaires antérieurs et ultérieurs, il s’agit d’une interdiction clairement prononcée par la Torah, comme il l’explique dans ses responsa et, d’une manière plus précise, dans ses décisions hala’hiques. Vous consulterez également le Darkeï Techouva sur le Yoré Déa et les responsa Mena’hem Eléazar, tome 2, au chapitre 48. Une compilation et une longue analyse des différents avis émis, en la matière, aussi bien selon la partie révélée de la Torah que d’après sa dimension profonde, figure dans le Amoudeï Arazim du Rav Margolis, paru dans la ville sainte de Jérusalem, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie. Cette ouvrage reproduit des propos merveilleux et également effrayants sur le port de la barbe et sur le fait de la couper. Il reproduit, en outre, une lettre du Gaon de Ragatchov, le Rav Y. Rosen, d’après lequel il s’agit d’une interdiction absolue.
Je reprends, dans l’ordre, les raisons justifiant votre attitude négative :
A) Vous craignez que le port de la barbe vous donne le sentiment que vous pouvez vous dispenser d’autres pratiques de la Torah et des Mitsvot. Il est clair que cet argument n’est pas recevable, faute de quoi il n’y aurait pas de limite. Il faudrait donc supprimer toute manière de mieux accomplir la Mitsva, encore plus le recherche de la meilleure façon et peut-être même les dispositions des Sages. Or, bien au contraire, nos Sages nous font savoir et nous donnent l’assurance qu’une Mitsva en attire une autre. Tout ajout, même s’il ne porte que sur une meilleure façon d’accomplir la Loi, renforcera, au final, la Mitsva elle-même, c’est bien évident.
Mais, peut-être voulez-vous dire que le port de la barbe est ostentatoire. D.ieu merci, ce n’est nullement le cas, dernièrement. Bien plus, différentes pratiques, par exemple le port des Tsitsit à l’extérieur(6), se sont répandues également dans les Yechivot lituaniennes. Or, il est évident, y compris pour ceux qui permettent de cacher les Tsitsit, que cela n’est nullement comparable au fait de les porter en évidence.
B) Vous me dites que celui qui s’approfondie dans la Hala’ha a les moyens de lutter contre le monde ambiant, comme cela a été le cas jusqu’à maintenant. Je suis très surpris que vous m’écriviez cela. En effet, à proximité du don de la Torah, se produisit ce qui allait à l’encontre de : “ Je suis l’Eternel ton D.ieu ”(7). Or, certaines des personnes impliquées avaient personnellement observé le Char céleste et elles n’avaient pas fait que l’apprendre, comme le dit le Midrash. Puis, le premier veau d’or conduisit à ce qui se passa lors de l’édification du premier Temple, par des hommes dont on a souligné l’immense connaissance de la Torah, au point de rendre chaque érudit inconsistant devant eux, comme le précise le traité Sanhédrin 102a. De même à l’époque du second Temple, il y eut Tsadok et Baïtus. Et, il en est de même de nos jours, y compris dans cette ville, dont les dirigeants appartiennent à différentes organisations qui s’opposent au Judaïsme traditionnel. Or, ces personnes ont étudié, au préalable et elles ont acquis une connaissance profonde de la Hala’ha.
C) Vous envisagez que la décision de porter la barbe ne soit pas inspirée par un sentiment de sainteté, mais par la recherche d’un intérêt. Pour autant, la Hala’ha tranche(8) que : “ un homme mettra en pratique la Torah et les Mitsvot, le cas échéant d’une manière intéressée car c’est ainsi qu’à terme, il le fera en étant désintéressé ”.
D) Vous faites, en outre, référence à telle personne. Or, je connais plusieurs membres de sa famille et j’ai donc bon espoir qu’au final, non seulement il n’y aura aucune opposition de sa part, mais, bien au contraire, qu’elle vous viendra en aide. Bien plus, votre valeur s’en trouvera accrue, à ses yeux et, à l’avenir, elle accordera plus de crédits à vos propos concernant la crainte de D.ieu, la Torah et les Mitsvot. En effet, on peut penser qu’à l’heure actuelle, lorsque vous formulez une exigence, en la matière, elle se dit, pour reprendre une formulation de nos Sages(9), que celui qui est humide au point d’humecter les autres doit largement dépasser, à titre personnel, le degré d’humidité qu’il entend conférer aux autres.
Bien entendu, je n’ignore pas que dans différents pays, y compris celui-ci, ceux qui craignaient réellement D.ieu ont permis une telle pratique, en se basant sur différentes explications. En conséquence, dans la génération suivante, ceux qui craignaient D.ieu ont mis cette permission en application. Mais, sans doute n’ignorez-vous pas le changement qui est intervenu entre temps. A l’époque, dans certains pays et à différents moments, ceux qui ont accordé ces permissions ont pensé que c’était le seul moyen de sauver des Juifs qui allaient partir à l’autre extrême. Ils ont donc fait beaucoup d’effort pour mettre en forme une telle permission et vous devez comprendre ce que je veux dire. De fait, une même démarche existe pour des interdictions tranchées et importantes de la Torah, y compris dans la Loi écrite. C’est le cas, par exemple, de la femme captive de guerre, que la Torah permet clairement. Or, nos Sages en donnent la raison(10) et il est bien dit : “ Ne juge pas ton prochain ”(11) ! Et, peut-être, dans ces pays-là, à ces époques-là, qui sait ?
Mais, comme je l’ai dit, il n’en est nullement de même à notre époque, D.ieu merci. Quiconque le désire sincèrement a les moyens de diffuser le Judaïsme, sans compromis, en tout endroit où s’exerce son influence. Puisse D.ieu faire que l’on se serve pleinement de ces moyens et il en est de même pour ce qui fait l’objet de notre propos.
Je me suis entretenu avec quelqu’un qui m’a rendu visite et qui développait les mêmes arguments. Cet homme voulait me montrer sa grande sagacité et ses immenses connaissances, lui permettant d’établir cette permission. Après lui avoir demandé, tout d’abord, de me répondre directement, sans arrière-pensée, je lui ai posé la question suivante : pourquoi lorsqu’ils dessinent Moché, notre maître ou Aharon, le Cohen, les Juifs et les non Juifs les représentent-ils avec une longue barbe ? S’agissant d’Aharon, on peut se baser sur un verset des Tehilim(12), “ la barbe d’Aharon qui descend sur ses vêtements ”. En revanche, pourquoi dessine-t-on Moché notre maître de cette façon ? N’est-ce pas lui qui a reçu la Torah sur le mont Sinaï ? Et, n’est-il pas dit(13) que ce que les érudits révèlent, en chaque génération, a déjà été transmis à Moché sur le mont Sinaï et que “ la force de la permission est plus grande ”(14) ?
Etant un homme droit, il m’a répondu que lui-même, se représentant, dans son esprit, non seulement Moché notre maître, mais aussi quelqu’un qui respectait la Torah et les Mitsvot, dans une génération ultérieure, tenait pour évident qu’il avait une longue barbe, descendant sur ses vêtements, qu’il ne coupait absolument pas.
Je conclurai par ce qui est d’actualité, puisque le mois d’Elloul commence. Les livres de Kabbala, cités par le Likouteï Torah, de l’Admour Hazaken, cette année étant la cent cinquantième depuis son décès Hilloula, Parchat Devarim, à la page 32b, expliquent que les treize Attributs de miséricorde divine, les “ Eléments de réparation célestes ” éclairent alors. Puisse donc D.ieu faire que vous ne gâchiez pas le réceptacle permettant de les recevoir, les treize éléments de réparation de la barbe des hommes, ici-bas. Avec ma bénédiction pour donner de bonnes nouvelles de même qu’afin d’être inscrit et scellé pour une bonne année,
M. Schneerson,
Notes
(1) Le Rav C. Mendelssohn. Voir le Likouteï Si’hot, tome 12, à la page 206.
(2) Le Rav M. Feller. Voir, à ce sujet, la lettre n°8300.
(3) Voir, à ce sujet, la lettre n°8297.
(4) Le Rabbi souligne les mots : “ tous ”, “ pratique importante ” et “ tous ”.
(5) De la manière, la “ mesure ”, dont on agit envers Lui, selon la Pessikta Zouta sur le verset Chemot 3, 6.
(6) Voir, à ce sujet, le Likouteï Si’hot, tome 33, à partir de la page 95.
(7) La faute du veau d’or.
(8) Voir les lois de l’étude de la Torah de l’Admour Hazaken, chapitre 4, au paragraphe 3.
(9) Dans le traité Bera’hot 28b.
(10) Et, soulignent que, si une telle permission n’avait pas été donnée, les hommes n’auraient pas hésité à transgresser l’interdit de la Torah.
(11) Tant que tu n’es pas à sa place.
(12) 133, 2.
(13) Voir, en particulier, le traité Meguila 19b, le Yerouchalmi, traité Péa, chapitre 1, au paragraphe 4 et le Midrash Chemot Rabba, au début du chapitre 47.
(14) Voir le traité Bera’hot 60b.