Par la grâce de D.ieu,
18 Iyar 5724,
Brooklyn,
Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
aux multiples connaissances, le Rav C. Y.(1),
Je vous salue et vous bénis,
Je fais réponse à votre lettre de l’issue du Chabbat et je me réfère à vos questions dans l’ordre où vous les avez posées :
A) Pour ce qui est rabbins “ conservative ”, à mon humble avis, il est difficile de comprendre comment on peut avoir un doute à propos de ce qui est pourtant bien évident. Je veux dire que les raisonnements ou, pour les appeler par leur nom, les compromis que vous mentionnez n’ont nullement lieu d’être. De fait, il ne s’agit pas de compromis, mais plutôt d’abrogation des principes. En effet, ils exigent clairement d’être reconnus comme étant équivalents aux autres, faute de quoi il y aurait une ségrégation. En conséquence, un compromis dans un domaine en entraînera nécessairement(2) d’autres, dans d’autres domaines, par exemple celui du divorce et, avant tout, pour ce qui est des synagogues, des rabbins, des mariages. Bien entendu, ils exigent qu’il en soit ainsi dans le monde entier et, tout particulièrement, en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie. Mais, ils ajoutent que la présence d’un spécialiste est nécessaire dans chaque domaine, quelqu’un qui connaît bien les actes de divorce, en cas de besoin et de même pour le mariage ou bien pour les synagogues.
Le compromis selon lequel quelqu’un choisira l’un d’entre eux(2) en qui l’on peut avoir confiance, à l’exception de tout autre sera, bien évidemment(2), interprété comme une preuve(2) qu’il n’y a pas lieu d’écarter le mouvement “ conservative ”, qu’il suffit de s’adresser à l’un de leurs spécialistes et que la même exigence incombe aux orthodoxes également. En outre, on versera de l’huile sur le feu en disant qu’il appartient aux orthodoxes de choisir les spécialistes des conservatives. Il n’y a donc pas là un compromis mais, bien au contraire, une manière d’agir qui renforcera le clivage. En outre, on ne sera pas sauvé pour autant, car même si l’on choisit quelqu’un, aujourd’hui, en le déclarant digne de foi, ils n’en ont pas moins besoin de rabbins et ils délivreront donc eux-mêmes des ordinations rabbiniques. Tout cela est bien clair et il est donc inutile d’en dire plus. J’ajouterai uniquement deux points, qui sont essentiels :
1) Quelle que soit l’interprétation qui sera adoptée par votre comité et dans votre entourage, l’élément déterminant, en la matière restera ce qu’en déduiront l’opinion publique et la presse, en particulier là où se trouve leur bastion, c’est-à-dire à New York. De fait, ici, ils ont la main mise sur toutes les formes de publicité. Vous devez comprendre ce que je veux dire.
2) Vous avez sûrement connaissance de la guerre qui est menée, à Londres, contre le grand rabbin Braudo, de même que la lettre express bien connue prêtant “ serment ” contre la coercition religieuse. Dernièrement, il y a eu les décisions de la convention des conservatives et l’on peut réellement se demander si la simultanéité de tous ces événements est fortuite. Il est à peu près certain qu’il y a là un stratagème concerté. Si, ce qu’à D.ieu ne plaise, l’un des compromis que vous énumérez ou une autre est adoptée, on s’en servira non seulement pour introduire la destruction dans ce domaine, mais aussi pour renforcer l’offensive par tous les moyens et dans tous les domaines. On a pu observer concrètement qu’il en a bien été ainsi, de par le passé. En effet, il est toujours plus facile de maîtriser un processus à son début. De la sorte, la controverse sera réduite, ce qui n’est pas le cas quand on capitule. De cette façon, on ouvre l’appétit de l’autre et, à terme, on disparaît totalement, mais la guerre pour obtenir cette disparition est beaucoup plus âpre. Elle entraîne une discorde beaucoup plus grande.
Pour montrer à quel point ce “ risque ” est plausible, on peut également avancer un autre point. En fonction de la situation et selon vos propres dires, la question se pose uniquement sur quelques(2) rabbins conservatives. Il ne s’agit donc nullement de remettre en cause la subsistance de quelqu’un ou bien de démanteler des communautés. Il y a là uniquement(2) une question de prestige. Même à l’avenir, il n’est pas certain que le nombre de ceux qui veulent faire des divorces soit plus important, pour différentes raisons. Il ne s’agit donc pas de capituler devant qui que ce soit, mais seulement de renoncer au prestige, par rapport à leurs propres conceptions.
Vous m’écrivez qu’une large part de la collecte provient de chez eux. De même, il a été rapporté ici qu’ils représentent des centaines de milliers de personnes constituées en organisation. Néanmoins, si l’on admet de tels arguments, il faut en faire de même pour les réformés. Du reste, selon les statistiques, les réformés sont à la fois plus riches et plus nombreux qu’eux. Vous citez également le télégramme et l’information qui a été donnée ici, à ce propos et qui, pour l’heure n’a pas été démentie. Tout ceci cause effectivement du tort. Ainsi, un télégramme aurait été adressé avant la fête de nomination pour demander que l’on reste discret et pour donner l’assurance qu’après cette nomination, un compromis sera trouvé avec eux. Il est dit aussi que ce télégramme devait rester confidentiel. De façon générale, la position a été affaiblie, ici, par le contenu de ce télégramme. En outre, certains cercles soulignent que cette exigence de confidentialité fait la preuve qu’il s’agit bien de manœuvre politique, qu’en quelque sorte, on fait commerce de la religion, que tout cela est bien suffisant.
Comme je le soulignais, je ne fais pas du tout référence ici à l’existence d’un tel télégramme, à sa formulation et à la précision de cette rumeur. Je m’intéresse uniquement à l’opinion publique et à la manière dont elle réagira. Pour l’heure, il n’y a que cette information, sans démenti, ni sur sa généralité, ni sur ses détails. Puis, ces derniers jours, une autre rumeur s’est ajoutée à la précédente. Cet homme devrait venir ici à l’occasion du mariage de son petit-fils. Il sera donc plus aisé de s’entretenir avec lui, car il n’y aura pas de pression, par exemple de la part des Natoureï Karta. Bien entendu, là encore, je ne m’engage pas sur l’exactitude de cette rumeur. J’envisage uniquement le tort qui pourrait en résulter.
B) J’ai lu avec intérêt ce que vous dites, dans votre lettre, à propos du plaisir et de la joie du Chabbat et des fêtes. Il me semble qu’il en a été question, lors d’une réunion ‘hassidique, avec une explication quelque peu différente, selon la note qui figure dans la causerie de la Parchat Devarim 5723(3).
S’agissant de l’envoi d’objets de culte dans les pays d’Afrique, je m’efforcerai de faire ce qui est en mon possible, si vous me faites parvenir les adresses ici. Je vous remercie beaucoup pour les bonnes nouvelles que vous me communiquez, concernant les activités de votre épouse, la Rabbanit, dans la vigne de ‘Habad. Comme je l’ai toujours dit, et vous voudrez bien m’excuser de le répéter, le verset précise : “ On a fait de moi la gardienne des vignes, mais ma propre vigne, je ne l’ai pas gardée ”. Cela veut dire que, d’après la Torah(2), celles-ci sont effectivement des vignes. Pour autant, elles doivent être distinguées de “ ma vigne ”, au point que l’on se plaint, avec insistance, dans une telle situation. Pour ce qui vous concerne, votre vigne(4) est, à mon avis, l’Encyclopédie(5) et, simultanément, la diffusion des sources(6), de la manière qui convient. Or, d’après le début de votre lettre, j’ai peur d’avancer que l’on vous a nommé gardien des vignes du rabbinat, qui sont bien des vignes, d’après la Torah, mais non la vôtre, une Mitsva que nul autre ne peut assumer à votre place.
La demande de bénédiction figurant dans votre lettre sera lue près du saint tombeau de mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera. Puisse D.ieu faire que vous m’en donniez de bonnes nouvelles. Ces jours-ci, j’ai eu la visite du grand Rav C. Elberg et, lors de notre conversation, je lui ai rappelé sa promesse(7) de publier un numéro du Pardès(8) qui serait consacré à l’Admour Hazaken, à l’occasion de la cent cinquantième année de son décès Hilloula, qui était l’année dernière. Il m’a répondu que, lors de sa visite en Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, il vous a demandé d’y apporter une contribution en rédigeant un article. Mais, pour l’heure, cela n’a pas encore été suivi d’effet. Néanmoins, il donne l’assurance que, peu après l’avoir reçu, il publiera effectivement cette revue, avec d’autres articles. Pour autant, il faudra que le vôtre n’ait pas encore(2) été publié. Il est sans doute inutile que je rajoute, pour ma part, quoi que ce soit à tout cela. Toutefois, me fondant sur l’affirmation de nos Sages(9) selon laquelle “ on conseille l’empressement à ceux qui possèdent naturellement cette qualité ”, je vous invite, moi aussi, à faire preuve de zèle, en la matière.
Ce jour est celui de Lag Baomer, date de la Hilloula de Rabbi Chimeon Ben Yo’haï(10). Je rappellerai donc l’affirmation de nos Sages, au début du Midrash Béréchit Rabba, selon laquelle la Torah constitue les plans et les esquisses sur la base desquels le monde a été créé. Il en est donc de même pour le petit monde que constitue l’homme(11). A fortiori en est-il ainsi pour ceux qui ont la Torah comme seule activité, la référence en la matière, selon le traité Chabbat 11a, étant Rabbi Chimeon Ben Yo’haï et ses amis. Or, l’apport de Rabbi Chimeon Ben Yo’haï à la Torah permettra de comprendre ce qu’il en est dans le monde. Ainsi, comme l’explique le discours ‘hassidique intitulé : “ Un homme est tenu de dire ”, de 5638(12), au chapitre 25, Rabbi Chimeon ôta la séparation qui prévalait entre la dimension profonde de la Torah et son aspect révélé, de sorte que cette partie profonde se révèle à l’évidence. En conséquence, il adoptait également un comportement similaire dans le monde, dont la dimension profonde est la Torah. C’est en l’étudiant qu’il fit pleuvoir dans le monde, au sens le plus littéral, comme le relate le saint Zohar et comme l’expliquent le discours ‘hassidique intitulé : “ Il confisquera ”, de 5631(13) et le commentaire sur le fleuve d’Etan.
Il en résulte un enseignement pour la génération du talon du Machia’h qui, de différents points de vue, est comparable à celle de Rabbi Chimeon Ben Yo’haï, selon l’explication développée par nos Sages dans le Zohar, tome 3, à la page 58a et en se basant sur le Zohar, tome 1, à la page 117a. Son objectif et sa mission essentielle doivent donc être la mise en évidence de l’enseignement profond de la Torah ou, selon la formulation bien connue, la diffusion des sources(6) à l’extérieur. En conséquence, on peut tirer de tout cela une leçon pour le comportement qu’un homme doit adopter dans le monde. Comme le dit le Rambam(14), “ il doit être évident(2) que ses actions sont conformes à la Torah ” et celui-ci mentionne ensuite dix actions, la nourriture, la boisson, les activités commerciales. De la sorte, la partie révélée et la dimension profonde peuvent s’unir au sein d’une Torah unique. Selon l’expression de nos maîtres et chef, le verset “ parce que (Ekev) il a écouté ” signifie que le talon (Ekev) lui-même doit être ‘hassidique. Avec mes respects et ma bénédiction afin de me donner de bonnes nouvelles de tout cela,
Notes
(1) Le Rav Chlomo Yossef Zevin. Voir, à son sujet, la lettre n°8731.
(2) Le Rabbi souligne les mots : “ nécessairement ”, “ d’entre eux ”, “ bien évidemment ”, “ preuve ”, “ uniquement ”, “ d’après la Torah ”, “ pas encore ” et “ évident ”.
(3) 1963. Voir le Likouteï Si’hot, tome 4, page 1090, dans la note 31.
(4) Voir, à ce sujet, la lettre n°8899.
(5) Talmudique.
(6) De la ‘Hassidout.
(7) Voir, à ce sujet, la lettre n°8847.
(8) Revue rabbinique dirigée par le Rav Elberg.
(9) Dans le traité Makot 23a.
(10) Voir la lettre suivante.
(11) Selon le Midrash Tan’houma, Parchat Pekoudeï, au chapitre 3.
(12) 1878, du Rabbi Maharach.
(13) 1871, du Rabbi Maharach.
(14) Dans ses lois des opinions, au début du chapitre 5.
(15) Voir aussi le Likouteï Si’hot, tome 20, à la page 297 et dans les références indiquées à la note 36.