Par la grâce de D.ieu,
11 Nissan 5725,
Brooklyn,
Aux fils et filles d’Israël, partout où ils se trouvent,
que D.ieu vous accorde longue vie(1),
Je vous salue et vous bénis,
D.ieu a fixé(2) que la sortie d’Egypte intervienne en le mois du printemps(3) et la Torah demande que l’on accorde une importance particulière au fait que Pessa’h soit toujours dans ce mois du printemps(4) : “ Garde le mois du printemps et tu feras Pessa’h pour l’Eternel ton D.ieu, car c’est dans le mois du printemps que l’Eternel ton D.ieu t’a fait sortir d’Egypte, pendant la nuit ”(3).
Pour que Pessa’h soit toujours en le mois du printemps, sachant que notre calendrier est lunaire et que son cycle annuel présente une différence d’environ onze jours, avec le calendrier solaire, en fonction duquel sont fixées les saisons, nous introduisons un mois supplémentaire complet, celui d’Adar, tous les deux ou trois ans, comme c’est le cas cette année. De la sorte, sont mis en correspondance les cycles lunaire et solaire et c’est ainsi que Pessa’h est toujours au printemps. Par la suite, tous les mois et toutes les fêtes de l’année sont fixés et célébrés en la période qui convient.
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Nos Sages expliquent(5) pour quelle raison la sortie d’Egypte intervint pendant le mois du printemps. Il y eut là un bienfait de D.ieu que libéra les enfants d’Israël en la meilleure période de l’année. Comme c’est le cas pour chaque idée de la Torah, on peut découvrir ici de nombreux enseignements, des allusions et des explications, pour la communauté comme pour l’individu. L’un des points que je voudrais mentionner ici(6) sera clarifié si l’on médite à la situation dans laquelle se passa la sortie d’Egypte.
Pendant des siècles, les enfants d’Israël avaient été les esclaves d’un peuple qui dominait tous ses voisins(7), non seulement par la puissance physique de “ ses chars et ses cavaliers ”, mais aussi par son formidable développement(8) dans tous les domaines de la connaissance, tout ce que l’on désigne couramment par les termes de “ culture ” et de “ civilisation ”. La culture et la civilisation de l’Egypte étaient basées sur les forces et les événements naturels, en particulier sur le Nil(9). En Egypte, il ne pleuvait pratiquement pas(10), mais les découvertes des hommes(11) avaient mis au point un système d’irrigation, qui avait transformé le pays en un jardin fertile, encerclé par le désert. De cette situation, résulta une culture basée sur un double culte et divinisant les forces de la nature, d’une part, la puissance de l’homme parvenu à maîtriser les phénomènes naturels, d’autre part. Il fut donc aisé d’aboutir ensuite à la divinisation du Pharaon(12), qui matérialisait l’idéal égyptien de l’homme “ génial ”.
Un tel système définissait le monde comme un simple agencement de forces naturelles, parmi lesquelles figurait aussi celle de l’homme. A ceci s’ajoutait la philosophie basée sur le principe : “ C’est ma force et la puissance de ma main(13) qui m’a permis d’obtenir tout cela ”(3), ma(3) force, ma(3) main. Il en résulta la chute spirituelle et morale la plus vertigineuse(14), qui justifia également l’esclavage éhonté et la persécution des hommes et des peuples faibles.
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Les idéaux et les croyances de l’Egypte atteignaient leur apogée(15) pendant la période de l’année en laquelle se renouvellent les forces naturelles, c’est-à-dire durant le mois du printemps, celui de l’astre du bélier. L’agneau était donc l’un des grands symboles de l’idolâtrie égyptienne.
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C’est alors que vint Moché, qui annonça la bonne nouvelle : “ Souvenir, Je Me suis souvenu ”. Le moment choisi par le D.ieu d’Avraham, d’Its’hak et de Yaakov pour sauver les enfants d’Israël des mains du Pharaon et de l’exil d’Egypte était enfin arrivé. Les enfants d’Israël se trouvaient sous la domination du Pharaon depuis deux cent dix ans déjà. Quelques d’entre eux(16) s’étaient même d’ores et déjà embourbés dans la culture égyptienne. On ne pouvait attendre aucune aide de la part des peuples voisins. Jusqu’alors, aucun esclave n’avait jamais pu s’enfuir d’Egypte(17). D’un point de vue naturel, il n’y avait aucune possibilité que tout le peuple d’Israël puisse quitter l’Egypte. Or, Moché notre maître leur annonçait, avec certitude, que le moment de la délivrance était venu. Néanmoins, pour cela, il fallait encore mettre en pratique les termes du verset(18) : “ Tirez et prenez pour vous du petit bétail, faites la Che’hita du Pessa’h ”(3).
“ Tirez ”(3), retirez-vous de l’idolâtrie de ce pays et “ prenez pour vous ”(3) un agneau(19), que les Egyptiens ont divinisé, faites-en un sacrifice de Pessa’h pour D.ieu. Car, il n’est pas suffisant de nier l’idolâtrie égyptienne en son cœur, ni même chez soi, à la maison, en se cachant, discrètement. Il faut, bien au contraire, le faire d’une manière affirmée(20), sans crainte, avec toutes les particularités qu’eut le sacrifice de Pessa’h en Egypte. En pareil cas, Moché notre maître, au nom de D.ieu, donne l’assurance, non seulement que l’on sera libéré de l’Egypte, mais aussi que le Pharaon lui-même ordonnera le renvoi de ce pays. La délivrance n’intervint pas lorsque les forces de la nature sont affaiblies et diminuées, mais, bien au contraire, dans le mois du printemps(3) et même en plein milieu de cette période, lorsque la nature se révèle dans toute sa puissance.
Ceci permet d’établir qu’il n’y a pas deux mondes hermétiquement séparés, celui de la nature, des forces naturelles, d’un part, un monde “ surnaturel ”, d’autre part, avec tantôt l’un, tantôt l’autre qui domine. Il n’y a qu’un D.ieu unique, Maître absolu du monde entier et Qui le rend unique. Cette prise de conscience se manifesta de la façon la plus forte lors du don de la Torah, qui fut le point culminant de la sortie d’Egypte(21) et fut introduit par les mots : “ Je suis l’Eternel ton D.ieu Qui t’ai fait sortir du pays de l’Egypte, de la maison de la servitude, tu n’auras pas d’autres dieux ”(3).
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Comme en Egypte, à l’époque, il y a également, de nos jours, des personnes qui bâtissent leur existence sur la divinisation de ce que l’on appelle les forces naturelles et sur la proclamation selon laquelle il n’y a là que “ ma force et la puissance de ma main ”, celle de l’homme. Quelques uns ont trouvé une “ solution ” et, chez eux, dans leur foyer, ils aménagent une place pour D.ieu. Dans leurs affaires courantes, en revanche, ils sont “ comme les autres ”, ainsi qu’il est dit(22) : “ soyons comme les nations ”. Bien plus, ils sont encore plus “ non juifs ” que les autres. C’est la raison pour laquelle la fête de Pessa’h vient rappeler, encore une fois : “ Souvenir, Je Me suis souvenu ” et vous n’avez donc pas le choix(23). D.ieu vous rappelle que vous devez “ tirer ”(3), rejeter l’idolâtrie du pays, quelle que soit la forme qu’elle prend, au quotidien, sans crainte, avec fierté. Et, “ prenez pour vous ”(3), vous-même et tout ce que vous possédez, afin de retourner vers vous-mêmes, vers le “ moi ” juif véritable et éternel(24).
Il faut, en outre, accomplir tout cela pendant le mois du printemps, sans être affecté par ceux qui désirent abuser, mettant en avant un monde obscur dans lequel se trouve un homme qui revendique : “ ma force et la puissance de ma main ” et proclamant : “ voici ton dieu ”, dont tu es l’esclave, de sorte qu’il n’y a plus de place pour D.ieu. Bien au contraire, c’est dans le mois du printemps(25) que l’Eternel ton D.ieu t’a fait quitter l’Egypte(26). Toutes les merveilles que l’on observe dans le monde doivent conduire à percevoir encore plus clairement la vérité. Selon la formulation de nos Sages(27), “ Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, Qui(3) a fait que rien n’y manque ”.
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Que D.ieu accorde l’aide et la réussite pour que Pessa’h, temps de notre liberté(3), apporte à chacun et à chacune, au sein de tout Israël, une libération véritable de tous les obstacles et de toutes les limites, de sorte que l’on puisse servir D.ieu d’un cœur entier. Et, que la délivrance individuelle conduise à celle de tout Israël, à la délivrance véritable et complète, par notre juste Machia’h, très bientôt et de nos jours. Avec ma bénédiction pour une fête de Pessa’h cachère et joyeuse,
Mena’hem Schneerson,
Notes
(1) Voir la Haggadah de Pessa’h avec les commentaires du Rabbi, tome2, à la page 605 de l’édition de 5751 (1991).
(2) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le Midrash Chemot Rabba, au chapitre 15, paragraphe 11, qui dit : ‘Ce mois-ci… lorsque D.ieu élut Yaakov et ses fils, Il fixa…’ et le Or Ha Torah, du Tséma’h Tsédek, sur ce verset, à la page 264 ”.
(3) Le Rabbi souligne les mots : “ mois du printemps ”, : “ Garde le mois du printemps et tu feras Pessa’h pour l’Eternel ton D.ieu, car c’est dans le mois du printemps que l’Eternel ton D.ieu t’a fait sortir d’Egypte, pendant la nuit ”, “ C’est ma force et la puissance de ma main qui m’a permis d’obtenir tout cela ”, “ ma ”, “ ma ”, “ Tirez et prenez pour vous du petit bétail, faites la Che’hita du Pessa’h ”, “ tirez ”, “ prenez pour vous ”, “ le mois du printemps ”, “ Je suis l’Eternel ton D.ieu Qui t’ai fait sortir du pays de l’Egypte, de la maison de la servitude, tu n’auras pas d’autres dieux ”, “ tirer ”, “ prenez pour vous ” et “ temps de notre liberté ”.
(4) Le Rabbi note, en bas de page : “ Devarim 16, 1. Selon le Ramban, la première racine du Séfer Ha Mitsvot du Rambam et le Baal Hala’hot, il s’agit d’une Injonction de la Torah, consistant à ajouter pour cela un second mois d’Adar, comme on le déduit du verset : ‘Et, tu respecteras ce Décret’. On verra le Séfer Ha Mitsvot, à la fin de l’Injonction n°153, qui dit : ‘On y trouve une allusion… il est dit : Garde… ceci veut dire’, de même que le Yad Ha ‘Hazaka, lois de la sanctification du nouveau mois, au début des chapitre 1 et 4 ”.
(5) Le Rabbi note, en bas de page : “ Dans le Me’hilta sur le verset Chemot 13, 4, cité par le commentaire de Rachi, à cette référence ”.
(6) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le commentaire du Ramban sur le verset Bo 12, 3, le Tseror Ha Mor sur le verset Bo 12, 1 et le Zohar, tome 3, à la page 251a ”.
(7) Le Rabbi note, en bas de page : “ Selon le Me’hilta, commentant le verset Bechala’h 15, 5, qui dit : ‘Le Pharaon dominait d’une extrémité du monde à l’autre’. Voir le Zohar, tome 2, à la page 6a ”.
(8) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le Zohar, tome 1, à la page 125a ”.
(9) Le Rabbi note, en bas de page : “ Yé’hezkel 29, 3 ”.
(10) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le commentaire de Rachi sur les versets Vaygach 47, 10 et Devarim 11, 10 ”.
(11) Le Rabbi note, en bas de page : “ Selon le commentaire de Rachi, au début de la Parchat Mikets ”.
(12) Le Rabbi note, en bas de page : “ Selon le Midrash Chemot Rabba, chapitre 8, au paragraphe 2 et le Midrash Tan’houma, à cette référence ”.
(13) Le Rabbi note, en bas de page : “ Devarim 8, 17. Voir le Séfer Mitsvot Guedolot, Interdit n°64 : ‘Je suis apparu en rêve… tu as oublié l’essentiel… j’ai médité… et voici qu’il s’agissait d’un grand secret…’ ”.
(14) Le Rabbi note, en bas de page : “ Vaykra 18, 3. Voir le Torat Cohanim, à cette référence, cité par le commentaire de Rachi, de même que le Midrash Kohélet Rabba, à propos du verset : ‘la terre se maintient toujours’, qui compare l’Egypte à la nudité de l’homme ”.
(15) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le Ramban et le Tseror Ha Mor, à la même référence ”.
(16) Le Rabbi note, en bas de page : “ Selon le Midrash Chemot Rabba, chapitre 14, au paragraphe 3. Voir le Tanya, au chapitre 31 ”.
(17) Le Rabbi note, en bas de page : “ Selon le Me’hilta sur le verset Yethro 18, 11 ”.
(18) Le Rabbi note, en bas de page : “ Selon le Midrash Chemot Rabba, chapitre 16, au paragraphe 2, qui dit : ‘tant que… tirez… car de la sorte…’ ”.
(19) Le Rabbi note, en bas de page : “ Précisément ‘selon vos familles’, tout comme Moché avait précisé : ‘avec nos fils et avec nos filles’, avec les quatre fils et les quatre filles, depuis le sage jusqu’à celui qui ne sait pas poser de question ”.
(20) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, au début du chapitre 430 ”.
(21) Le Rabbi note, en bas de page : “ Comme le dit le verset Chemot 3, 12 : ‘Lorsque tu feras sortir le peuple d’Egypte, vous servirez D.ieu’. Voir le Zohar ‘Hadach, au début de la Parchat Yethro, qui dit : ‘Chaque jour, une voix émane…’. On consultera aussi le Tanya au chapitre 31 ”. Le Rabbi souligne ici le mot : “ Chaque ”.
(22) Le Rabbi note, en bas de page : “ Yé’hezkel 20, 32 ”.
(23) Le Rabbi note, en bas de page : “ Yé’hezkel 20, 32. Midrash Tan’houma, Nitsavim, chapitre 3, commenté par le Kountrass Ou Mayan, discours 11, au chapitre 3 ”.
(24) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le Midrash Chemot Rabba, chapitre 15, au paragraphe 23, qui dit : ‘pour vous : c’est à ce propos qu’il est dit : à toi seul et à aucun étranger avec toi’ ”.
(25) Le Rabbi note, en bas de page : “ On consultera le Likouteï Torah, Bamidbar, à la page 3a et la fin du discours ‘hassidique intitulé : ‘Ce mois’, de mon beau-père, le Rabbi, dans le Séfer Ha Maamarim 5700 ”.
(26) Le Rabbi note, en bas de page : “ La sortie d’Egypte fut pendant la nuit et, de même, on ne doit pas s’affecter si, à l’heure actuelle, certains se trouvent dans la nuit et ne reconnaissent pas la vérité. En effet, le verset Ichaya 60, 2 dit : ‘la pénombre recouvre la terre et l’obscurité les peuples, mais l’Eternel t’éclaire et Son honneur se révèle à toi’ ”.
(27) Il s’agit de la bénédiction des arbres, qui est récitée au printemps. Le Rabbi note, en bas de page : “ Traité Bera’hot 43b. Selon plusieurs des derniers Décisionnaires, sur le Ora’h ‘Haïm, au chapitre 226, on ne dit pas nécessairement cette bénédiction en Nissan. Pour d’autres, par contre, par exemple, le Sdeï ‘Hémed, recueil de lois, à l’article “ bénédictions ”, au début du chapitre 2, il faut impérativement la dire en Nissan. L’Admour Hazaken, dans son premier tableau des bénédictions, dit qu’après le 30, on récite cette bénédiction sans mentionner le Nom de D.ieu et Sa Royauté, ce qui veut bien dire qu’elle n’est pas récitée uniquement en Nissan. En revanche, dans l’ordre des bénédictions de son Siddour, chapitre 13, au paragraphe 14, il ne reprend pas cette affirmation. On peut expliquer, quoique ce soit difficile à admettre, qu’il souligne ainsi la nécessité de ne dire qu’une seule fois cette bénédiction. Toutefois, on pourra encore se demander pourquoi il n’explique pas l’expression du Choul’han Arou’h, ‘en les jours de Nissan’, c’est-à-dire pas uniquement pendant ce mois, tout comme il apporte des précisions sur différents autres points concernant les bénédictions. Néanmoins, on peut dire qu’il ne reprend pas cette affirmation parce que sa position, en dernière instance, est qu’il ne faut pas dire cette bénédiction en dehors de Nissan. On ne comprend cependant pas pourquoi il est dit : ‘après le 30’, mais ce point ne sera pas développé ici ”.