Par la grâce de D.ieu,
Pessa’h Chéni(1) 5726,
Brooklyn, New York,
A l’attention du distingué et agréable ‘Hassid, élu du peuple,
le surpassant, qui recherche le bien de son peuple, a des
comportements généreux, est issu d’une illustre famille,
le Rav Chnéor Zalman(2) Chlita,
Je vous salue et vous bénis,
En relation avec les informations que je reçois des personnes de Kfar ‘Habad me rendant compte de l’échange qu’ils ont eu avec vous concernant le second Kfar ‘Habad(3), je voudrais ici clarifier pour vous mon espoir et mon objectif, en la matière, bien que je ne souhaitais pas encore rendre publics certains aspects de ma position. Je formulerai, tout d’abord, une remarque préalable. Comme on le sait, il a été nécessaire de créer le premier Kfar ‘Habad dans l’urgence, afin d’y installer les immigrants du pays dans lequel nous nous trouvions auparavant(4) qui sont parvenus en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie. Ceci n’a donc pas permis d’établir, pour le Kfar, un projet exhaustif et précis. Il aurait été judicieux de prévoir d’emblée deux Kfars, pour des raisons qui seront exposées plus loin. Néanmoins, le nombre des premiers immigrants n’était pas important et on les a donc tous placés dans un même endroit.
A l’heure actuelle, en revanche, ce nombre s’est agrandi, D.ieu merci et nous avons espoir qu’avec l’aide de D.ieu les captifs(5) seront bientôt libérés, que nos frères se trouvant dans la tourmente et les entraves, en particulier dans le domaine moral, monteront, dans la joie, en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie. Nous espérons, en outre, que leur sortie de là-bas sera conforme aux termes du verset(6) : “ Comme aux jours de ta sortie d’Egypte, Je te montrerai des merveilles ”, de même qu’au verset(7) : “ avec nos jeunes et nos vieux, nos fils et nos filles ”. De ce fait, il me semble très clair qu’il faut préparer leur place et leur installation d’une manière planifiée, non seulement pour ce qui concerne les nouveaux immigrants déjà arrivés, arrivant ou qui arriveront dans un proche avenir, mais aussi par l’amélioration de l’organisation du Kfar ‘Habad actuel, en particulier pour ce qui doit se trouver dans des endroits séparés.
Bien entendu, l’un des points principaux, en la matière, qu’il me semble avoir abordé dans notre conversation, lorsque vous étiez ici, est la question des écoles de fille et des écoles de garçons se trouvant actuellement à Kfar ‘Habad. Il ne s’agit pas de quelques élèves, mais bien de plusieurs centaines, que D.ieu les multiplie et j’espère qu’ils seront effectivement de plus en plus nombreux. Ces institutions doivent se trouver dans des endroits séparés, les garçons dans le Kfar ‘Habad actuel et les filles dans le second. Un autre point essentiel est l’ambiance dans laquelle doivent évoluer les immigrants venant de là-bas. En effet, ils ont été privés d’une atmosphère de Torah et de Mitsvot, se sont mis en danger pour les mettre en pratique, en cachette, ont pris l’habitude de ne pas afficher leur comportement. Il leur sera donc difficile de modifier leur attitude d’un extrême à l’autre “ en un moment et en un instant ”(8), ou même en quelques jours et en quelques semaines.
A l’inverse, ceux qui ont grandi dans la liberté, ont été habitué à une existence traditionnelle et ‘hassidique, doivent avoir la possibilité de la maintenir. Simultanément, ces deux groupes ne doivent pas être éloignés l’un de l’autre, afin de pouvoir s’influencer mutuellement. Pour permettre une planification exhaustive sur la base de ces exigences et de ces conditions, j’ai désiré et souhaité la fondation du second Kfar ‘Habad. Avant tout, comme nous en avions parlé, selon ce que je conserve en mémoire, le second Kfar ‘Habad doit être distingué du premier. L’un et l’autre ne seront pas limitrophes. Toutefois, la distance entre eux les distinguera, mais ne les séparera pas, de sorte que les uns pourront rendre visite aux autres, y compris pendant le Chabbat. Autre point, le second Kfar ‘Habad doit d’emblée être prévu pour la jeune génération, éduquée dans un environnement qui affiche ouvertement son mode de vie ‘hassidique. Il faut qu’il puisse encore en être ainsi, à l’avenir. Quant aux écoles, on y placera celles dont les élèves sont moins bien protégés de l’influence extérieure. Je fais allusion aux écoles de filles et de jeunes filles, ce qui sera, de toute façon, le plus aisé, puisque les écoles de garçons se trouvent déjà dans les grands bâtiments du Kfar ‘Habad actuel.
Selon mon intention et mon projet, vous devez être, avec l’aide de D.ieu, l’émissaire qui fondera ou aidera à fonder le second Kfar ‘Habad, comme ce fut le cas pour le premier. Lorsque le second Kfar ‘Habad recevra la localisation qui convient, distingué mais non séparé, comme on l’a dit, on y construira les bâtiments des écoles de filles. Bien entendu, il y aura également des habitations, avant tout pour ceux qui sont liés à ces institutions, de même que pour la jeune génération qui a été éduquée, comme on l’a dit, dans un environnement ‘hassidique et qui n’a pas besoin de se trouver dans le Kfar ‘Habad actuel, sous la responsabilité(9) des ‘Hassidim âgés. A l’opposé, il faut que les nouveaux immigrants du pays dans lequel nous étions, qui n’ont pas du tout été habitués au mode de vie juif traditionnel et encore moins ‘hassidique, à l’extérieur de leur foyer, qui n’ont pas vu une rue juive et une atmosphère juives comme celles du Kfar, passent au moins quelques semaines dans le cadre du Kfar actuel, car ils ont un grand besoin de son influence. De la sorte, dès leur arrivée en Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, ils intègreront un mode de vie ‘hassidique, celui, traditionnel et organisé, qui y règne depuis dix-huit ans déjà. Ils trouveront là des personnes de leur âge, les anciens et ceux qui ne sont plus tout jeunes, de même que les jeunes. En effet, selon l’expression de nos Sages(10), “ quiconque arrive s’intègre ”. Ils s’habitueront donc à un mode vie ‘hassidique affiché, sans difficultés et sans complications. De ce fait, il est important et très utile de prévoir des maisons et un hôtel pour eux dans le Kfar ‘Habad actuel(11). Il n’en sera pas de même si ces maisons se trouvent dans le second Kfar, au sein duquel ils seront majoritaires. Il leur sera alors moins aisé et plus aléatoire de s’habituer, alors que ces problèmes peuvent disparaître aisément de la manière qui vient d’être décrite.
C’est aussi l’une de mes motivations pour le comité(12) du second Kfar. Celui-ci, à mon sens, doit rester lié au comité du premier, ce qui devrait sûrement être possible dans le cadre légal. Néanmoins, il est souhaitable que la majeure partie des membres du comité qui aura en charge le second Kfar soit choisie parmi les responsables de l’éducation des filles et les personnes nées en Terre Sainte, lesquelles ne doivent pas nécessairement se trouver à proximité des guides spirituels de la Yechiva Tom’heï Temimim. Tout ceci pourrait être largement développé, mais je n’ai mentionné ici que les points essentiels. En outre, élément fondamental, à quelqu’un comme vous, il est sûrement inutile d’en dire plus. En effet, vous y avez pensé, vous vous êtes approfondi, vous vivez avec tout cela depuis de nombreuses années déjà. Avec ma considération, mes respects et ma bénédiction afin de me donner de bonnes nouvelles,
M. Schneerson,
Notes
(1) Le 14 Iyar.
(2) C. Z. Chazar, président d’Erets Israël. Voir, à son sujet, la lettre n°9051.
(3) Voir, à ce sujet, la lettre n°9087.
(4) La Russie soviétique.
(5) Derrière le rideau de fer.
(6) Mi’ha 7, 15.
(7) Bo 10, 9.
(8) Selon l’expression du Zohar, tome 1, à la page 129a.
(9) Textuellement : “sous les ailes”.
(10) Voir le traité Avoda Zara 73a et les Tossafot, à cette référence.
(11) Voir, à ce sujet, la lettre n°9161.
(12) L’autorité municipale.