Par la grâce de D.ieu,
19 Adar Richon 5711,
Brooklyn,
Au Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu et
se consacre aux besoins communautaires,
le Rav Avraham Dov(1),
Je vous salue et vous bénis,
Je fais réponse à votre lettre, m’interrogeant sur le second tome du Zohar.
A) A la page 156a : “ Durant la semaine, à l’heure de Min’ha, l’Attribut de sévérité est suspendu dans le monde et ce moment n’est pas favorable ”. Or, il semble que nos Sages affirment le contraire, au traité Bera’hot 6b : “ On dira toujours scrupuleusement la prière de Min’ha, car c’est uniquement pendant celle-ci que Elyahou fut exaucé ”.
Voici ma réponse :
La ‘Hassidout fait état de cette question et en formule même une autre, d’après l’affirmation de nos Sages, au traité Avoda Zara 3b, selon laquelle “ pendant les trois heures qui forment le dernier quart du jour, le Saint béni soit-Il est assis et Il éprouve du plaisir ”.
L’explication peut être formulée ainsi. De façon générale, le moment de Min’ha est celui de la sévérité. Si l’homme prie alors, il emporte la victoire, devant le tribunal céleste, précisément quand l’Attribut de rigueur est en éveil. Il peut ainsi accomplir de grandes choses, car tout opposition disparaît. Bien plus, celui-ci répond également Amen.
Il n’en est pas de même à Cha’harit, lorsque l’Attribut de bonté se révèle. La prière agit, certes, mais elle ne peut encore transformer le monde. Par la suite, lorsque l’Attribut de rigueur est fort, avec les premières ombres du soir, une nouvelle accusation peut être soulevée.
Elyahou devait lutter contre ceux qui remettaient en cause le principe de la foi, en cumulant deux actes religieux(2). Il lui fallait réaliser une transformation et il put le faire précisément à Min’ha, prière qui exerce son effet lorsque le tribunal siège. C’est alors que “ le Saint béni soit-Il est assis et éprouve du plaisir ”.
Le Kedouchat Levi, à la fin de la Parchat ‘Hayé Sarah, note que, quand Its’hak disait la prière de Min’ha, “ des chameaux arrivèrent ”. Car, D.ieu fait alors du bien à Israël(3). Vous notez vous même, dans votre lettre qu’il s’agit bien ici de chameaux et nos Sages enseignent, au traité Bera’hot 56b, que “ celui qui voit un chameau en rêve doit savoir que la mort a été décrétée contre lui par le tribunal céleste et qu’il en a été préservé ”. Il y a bien là une transformation, d’une extrême à l’autre.
Ce qui vient d’être dit a une incidence sur le service de D.ieu et permet d’établir l’importance de la prière de Min’ha. Un homme se trouve alors happé par les préoccupations du monde, qui impliquent la rigueur, la transformation de la matière. Son âme divine se trouve donc dans l’étroitesse. Or, il s’interrompt, prie et s’unit à son Créateur. Il s’agit donc bien d’une transformation, d’une extrême à l’autre.
Un homme fait la preuve, en pareil cas, que les préoccupations du monde ne lui ont pas fait perdre l’esprit, que son âme divine est bien victorieuse. Il n’en est pas de même pour la prière de Cha’harit, que l’on dit avant de se rendre à son activité. La chute reste alors possible. Lorsque l’on sortira dans la rue, on pourra perdre l’élévation alors acquise.
Vous consulterez les discours ‘hassidiques intitulés “ les lumières de ‘Hanouka sont allumées à partir du coucher du soleil ”, de 5688(4) et “ L’homme doit dire scrupuleusement la prière de Min’ha ”, qui se trouve dans le fascicule n°15.
B) Vous dites également que la nuit est un moment de sévérité.
Voici ma réponse :
Il est vrai que le temps de Min’ha est celui de la sévérité, par rapport au matin. Mais, la sévérité de la nuit dépasse celle de Min’ha. On peut le déduire du Yerouchalmi Chekalim, chapitre 5, paragraphe 4 et vous consulterez aussi le Zohar, tome 3, page 222b, le Peri Ets ‘Haïm, à propos de la prière d’Arvit, 4a et le Siddour du Ari Zal, à la même référence.
Mais, le Zohar, pour ce qui fait l’objet de notre propos, précise quand siège le tribunal céleste. Or, “ le monde matériel est à l’image du monde céleste ” et, en conséquence, le tribunal des hommes ne siège pas pendant la nuit, comme le disent le quatrième chapitre du traité Sanhédrin et le Tour Choul’han Arou’h ‘Hochen Michpat, au paragraphe 5. A l’opposé, l’exécution de la sentence peut intervenir pendant la nuit, qui est même un temps propice pour cela.
C) Le Zohar, tome 2, page 156a, dit que Moché quitta ce monde durant le Chabbat, au moment de Min’ha et vous vous interrogez donc sur l’affirmation de nos Sages selon laquelle il écrivit, au jour de son décès, treize Sifreï Torah(5).
Voici ma réponse :
Cette question a été posée par différents textes. Vous consulterez les Tossafot, au traité Mena’hot 30a, le Roch sur le chapitre Arveï Pessa’him, le Morde’haï, à la même référence, le Or Zaroua, dans ses lois de l’issue du Chabbat, le Séfer ‘Hassidim, au chapitre 356, le Colbo, à la loi 40, Le Tour Choul’han Arou’h Ora’h ‘Haïm, chapitre 292, le Baït ‘Hadach, le Toureï Zahav et le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, à cette même référence, le Assara Maamarot de Rabbi Mena’hem Azarya de Fano, partie sur l’enquête, tome 2, chapitre 13, les responsa ‘Hatam Sofer, tome 6, chapitre 29, le Séder Hadorot 2488, le Taameï Haminhaguim, citant le Atéret Tsvi.
Toutes ces références permettent d’aboutir à trois conclusions :
1. Il y a, en la matière, des Midrashim contradictoires et l’on trouve, à ce propos, une discussion entre les sages de la Michna, dans le traité Baba Batra 15a, que vous consulterez.
2. Le décès de Moché commença à la veille du Chabbat pour se poursuivre jusqu'au jour sacré, au moment de Min’ha. On peut, à ce propos, se demander comment Moché écrivit(6) “ et on l’enterra ” avant que ceci ne se passe concrètement. Par ailleurs, il écrivit aussi(6) “ et il mourut ”, mais, à ce propos, il a déjà été expliqué qu’il avait alors perdu son apparence. D’après le Zohar, tome 2, page 89a, il donna son accord pour son enterrement et il parla ensuite par son âme. Vous consulterez également le Zohar, tome 1, page 27b et tome 3, page 280a.
3. Le Séfer Torah fut écrit de manière inhabituelle, avec des larmes, selon le Assara Maamarot ou bien en animant la plume, d’après le ‘Hatam Sofer, citant le Chneï Lou’hot Haberit. Mais, il est difficile d’accepter qu’une telle manière d’écrire soit cachère. Car, D.ieu lui dit : “ prends ce Séfer Torah ” et l’on pourrait donc penser qu’il en serait systématiquement ainsi.
D) Il est dit également que les portes de la maison d’étude furent fermées à cause du décès de Moché. Vous vous demandez donc comment l’on peut adopter une pratique ostensible de deuil pendant le Chabbat et pourquoi l’on en fait de même, à l’heure actuelle.
Voici ma réponse :
Nos Sages ont fixé que l’on suspend la maison d’étude d’un Sage qui quitte ce monde. Les deux affirmations(7) à la fois émanent d’eux. Pour reprendre votre argumentation, vous auriez du vous interroger à propos de la lecture de Tsidkate’ha(8) qui est, selon le Zohar et les propos de nos Sages, une formule d’acceptation de la sentence(9), que l’on ne peut donc réciter dès la veille du Chabbat, dans l’après-midi. Il s’agit, là encore, d’une décision spécifique(10).
Notes
(1) Le Rav A. D. Hecht. Voir, à son propos, la lettre n°190.
(2) En mettant en pratique les Injonctions divines et, parallèlement, en servant l’idole du Baal.
(3) Faire du bien, Gomel, est de la même étymologie que le chameau, Gamal.
(4) 1927, du précédent Rabbi.
(5) Ce qu’il ne pouvait faire, bien évidemment, pendant le Chabbat.
(6) Sur son propre compte.
(7) L’interdiction d’adopter une pratique de deuil pendant le Chabbat et la nécessité de le faire, pour un Sage, dans sa maison d’étude.
(8) Pendant la prière de Min’ha du Chabbat.
(9) De la part de celui qui est frappé par le deuil et qui, de ce point de vue, n’a pas sa place pendant le Chabbat.
(10) Et les Sages qui interdisent les pratiques de deuil pendant le Chabbat ont eux mêmes instauré la lecture de cette formule, pendant le Chabbat.