Lettre n° 949

Par la grâce de D.ieu,
12 Adar Cheni 5711,
Brooklyn,

A l’équipe de direction de la Yechiva et du Talmud Torah
pour les émigrants de Russie à Lod,
à qui D.ieu accordera longue vie,

Je vous salue et vous bénis,

J’ai reçu avec plaisir votre lettre du 23 Adar Richon, avec le compte rendu détaillé de tout ce qui concerne la Yechiva, matériellement et spirituellement. J’ai été satisfait de prendre connaissance de la liste des élèves, précisant le nom de leur mère. Sans en faire le voeu, je la lirai demain(1), près du tombeau de mon beau-père, le Rabbi.

Du fait de mes occupations et des préparations de Pourim, je ne peux apporter une réponse détaillée à votre demande de vous communiquer mon sentiment sur votre lettre et votre compte rendu. Je me contenterai donc ici de quelques remarques, d’ordre général, après avoir introduit un point préalable.

Auparavant, une Yechiva et un Talmud Torah avaient pour objet essentiel de permettre aux élèves d’étudier et de progresser. L’accomplissement des Mitsvot et le respect des coutumes juives constituaient une évidence pour chacun et chacune, grâce à l’éducation qu’ils recevaient à la maison et dans leur entourage. Ceux qui se trouvaient alors dans la maison d’étude et la Yechiva avaient tous reçu une telle éducation.

Il n’en est pas de même, à l’heure actuelle. Désormais, une Yechiva et un Talmud Torah ont aussi, et même surtout, pour but de faire acquérir la crainte de D.ieu à l’élève. Celui-ci doit d’abord respecter la Torah et les Mitsvot puis, ensuite seulement, être un érudit de la Torah. S’il s’agit d’une Yechiva fondée par nos maîtres, il doit, en outre, être un ‘Hassid.

Il n’est nul besoin de dire que l’application concrète de la Torah et des Mitsvot est primordiale, que la finalité ultime est la crainte de D.ieu, ainsi qu’il est dit : “ Et D.ieu nous a ordonné d’appliquer toutes ces Lois, afin de craindre l’Eternel ”.

Il découle de tout ce qui vient d’être dit que chaque Talmud Torah, chaque Yechiva, en particulier s’ils ont été fondés par nos maîtres, les chefs de ‘Habad, doivent réunir toutes les conditions nécessaires pour atteindre cet objectif essentiel, faire de leurs élèves des Juifs pieux et sérieux, chaleureux et ‘hassidiques. Cette conception me permet de répondre à votre question et de donner mon avis sur l’organisation des études, à la Yechiva et au Talmud Torah. Je formulerai donc les remarques suivantes :

A) Le programme d’étude de chaque classe doit intégrer les lois et les coutumes juives, dans les plus petites classes comme dans les plus hautes, bien évidemment chacune selon son niveau.

B) Un effort particulier doit être fait pour organiser le Chabbat, les fêtes, le ‘Hol Hamoéd. La vie des élèves doit être modifiée pour intégrer les lois et les coutumes juives. Dans ce but, ces élèves participeront eux-mêmes, de manière active à la célébration du Chabbat, à la fête de Pourim, au Séder de Pessa’h.

On sait qu’en assistant à une célébration concrète, on peut apprendre beaucoup plus que par un enseignement oral.

C) A priori, la Guemara doit être étudiée le matin, au début de la journée d’étude. L’étude du ‘Houmach, qui ne requiert pas autant de concentration, prendra place dans l’après-midi. En revanche, on n’adoptera pas l’ordre inverse(2).

D) Il serait bon d’instaurer que l’on étudie la ‘Hassidout avant la prière. Je suis surpris qu’il n’en soit pas déjà ainsi. Peut-être est-ce par erreur que ce point n’apparaît pas dans votre compte rendu. Vous savez que cette organisation a été adoptée, dans nos Yechivot, depuis le début. Bien plus, les hommes déjà installés en font de même, chez eux.

E) Certaines classes peuvent sans doute étudier les écrits des Décisionnaires.

F) Les élèves qui n’apprennent pas le ‘Houmach, avec le commentaire de Rachi, dans le cycle d’étude de la Yechiva, le feront par eux-mêmes(3).

G) On instaurera la lecture des Tehilim après la prière(3).

Nous devons tirer un enseignement, concrètement applicable, de ce qui est d’actualité, en l’occurrence les concepts développés dans le fascicule édité pour la fête de Pourim, cette année et l’on retiendra, en particulier, l’enseignement suivant.

Malgré les épreuves, les préoccupations, les tracas, on se renforcera dans la pratique de la Torah et des Mitsvot(4). On fera surtout des efforts particuliers pour dispenser une bonne éducation, pour enseigner aux fils et aux filles d’Israël les Mitsvot de D.ieu et Sa Torah.

Dans certains endroits, les persécutions déclarées et les ruses sournoises ont pour objet de “ s’emparer des synagogues et des maisons d’étude ”, de faire oublier aux enfants d’Israël, ce qu’à D.ieu ne plaise, la Torah de D.ieu et Ses Mitsvot, de les écarter, ce qu’à D.ieu ne plaise, de la Divinité.

Il faut donc savoir qu’en temps de persécution, lorsque se multiplient les obstacles et les voiles, lorsque l’on fait passer l’obscurité pour la lumière, lorsque ce qui aurait du intensifier la clarté de la sainteté est utilisé pour renforcer la noirceur des forces du mal et de “ l’autre côté ”(5), “ D.ieu accorde un potentiel céleste permettant de transformer la pénombre en lumière bienfaisante ”.

Nous devons aller jusqu’au don de notre propre personne pour préserver les petits garçons et les petites filles, car, selon les termes du Midrash, “ s’il y a des enfants, il y aura des adultes, des Sages, des anciens, de la Torah, des synagogues, des maisons d’étude ” et, finalité ultime, “ le Saint béni soit-Il révélera sa Présence dans le monde ”, dans ce monde inférieur et matériel, car “ l’autre côté ” sera repoussé, l’obscurité deviendra lumière et l’éclat de D.ieu scintillera.

Avec ma bénédiction pour la joie de Pourim et en saluant toute votre communauté,

M. Schneerson,


Notes

(1) Veille de Pourim. Voir la lettre n°945.
(2) ‘Houmach le matin et Guemara l’après-midi.
(3) Dans le cadre des études quotidiennes du ‘Houmach, des Tehilim et du Tanya, instaurées par le précédent Rabbi.
(4) Voir, pour la fin de cette lettre, les lettres n°940 et 941.
(5) Celui qui est étranger à la sainteté.