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Samedi, 27 octobre 2018

  • Vayéra
Editorial

 Lumière sur la nuit !

Les médias nous le rappellent et déjà la rue en bruisse : c’est après ce Chabbat que, selon l’expression consacrée, nous passerons en heure d’hiver. Quel que soit l’avenir de ce changement saisonnier, il présente régulièrement le même saut impressionnant. Brutalement, il fait nuit au réveil et le jour paraît beaucoup plus court. Certes, les choses ne se sont pas vraiment passées ainsi, chacun le sait. Cependant, la réalité du quotidien finit par nous conduire à le penser : la nuit a pris des longueurs inaccoutumées. C’est alors que surgit la question : que faut-il en faire ?

Dans la vision juive du monde, D.ieu ne créa rien en vain. C’est dire que tout ce à quoi nous assistons au fil du temps, même ce qui dépend de la volonté des hommes, s’inscrit également dans le plan Divin pour la création. Force est donc de se saisir de ce changement si essentiel, celui de l’heure. De fait, il n’y en a pas de plus déterminant car le temps est cette dimension qui constitue le support de notre existence, autant, et peut-être davantage, que l’espace. Que peut donc y faire l’homme, en dehors d’y souscrire car ainsi est fixé le rythme social ? Il doit y réfléchir et mettre cela en perspective. Lorsque revient l’hiver et que, par nature cette fois, les jours raccourcissent et les nuits rallongent, le Talmud observe que « celui qui étudie la Torah la nuit, un trait de bonté Divine descend sur lui. » L’idée va loin. Ainsi, pour nos Sages, ce n’est pas seulement d’une évolution due à l’avancée des saisons qu’il s’agit mais bien d’un nouveau temps du service de D.ieu.

Alors que nous vivons une période où ce changement n’est pas progressif mais brutal, que la nuit grandit de façon quasi irrésistible, l’action de chacun est d’autant plus nécessaire. On pourrait se laisser entraîner par l’obscurité régnante, glisser dans un sommeil d’oubli et laisser le temps s’écouler sans le remplir. Pourtant, il a été remis entre nos mains comme l’ensemble de la création. A nous de lui donner un sens. Cette nuit plus longue peut ne pas être celle de l’endormissement mais bien celle d’un éveil de la conscience. L’étude en est la clé. Elle est à la portée de chacun. Il n’est pas de plus grande lumière.

Etincelles de Machiah

 La bonne éducation

Quand Rabbi Chalom Dov Ber, le cinquième Rabbi de Loubavitch, était encore un jeune enfant de quatre ou cinq ans, il alla voir son grand-père, le Tséma’h Tsédek, lui-même alors troisième Rabbi de Loubavitch, et éclata en sanglots. Son grand-père lui demanda la raison de ses larmes et la réponse vint, pénétrée de sincérité : « J’ai appris dans la Paracha de cette semaine que D.ieu Se montra à Abraham après que celui-ci se soit circoncis. Pourquoi ne Se montre-t-Il pas à moi ?! » Le Tséma’h Tsédek lui répondit : « Quand un Juif, à quatre-vingts dix-neuf ans, décide de se circoncire, il mérite que D.ieu Se montre à lui ».

Cette histoire porte un enseignement important : il faut éduquer l’enfant de telle façon que, dès son enfance, il aspire à la révélation Divine. Cela s’applique également à notre temps, au seuil de la venue de Machia’h. Il faut ressentir le besoin de cette venue et l’attendre avec impatience : toute une éducation.

(D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – Chabbat Parachat Vayéra 5752)

Vivre avec la Paracha

 Vayéra

Délaissant la Présence Divine venue lui rendre visite, trois jours après sa circoncision, Avraham se précipite pour accueillir trois invités. Ils ne sont autres que trois anges à l’apparence humaine. L’un annonce que, dans un an, Sarah, encore stérile, mettra au monde un enfant. Sarah en rit.

Avraham plaide pour la survie de la ville impie de Sodome dont un autre ange lui a annoncé la destruction.

Deux des trois anges se rendent à Sodome pour sauver Loth, le neveu d’Avraham, et sa famille. La femme de Loth est transformée en statut de sel pour avoir enfreint l’interdiction de regarder en arrière la ville en feu.

Les deux filles de Loth (pensant qu’elles et leur père sont les seuls survivants dans le monde entier) l’enivrent et l’une d’entre elle sera enceinte. Les deux fils qui naîtront de cet épisode seront les ancêtres des nations de Moav et d’Amon

Sarah est prise en otage par Avimélé’h mais il la libère après les avertissements divins qui lui sont apparus en rêve.

Its’hak (« il rira ») naît et est circoncis à huit jours. Avraham a cent ans et Sarah quatre-vingt-dix ans.

Hagar et Ichmaël sont bannis de chez Avraham et errent dans le désert. D.ieu entend le cri du jeune garçon mourant et lui sauve la vie en montrant un puits à sa mère.

D.ieu teste le dévouement d’Avraham en lui commandant de sacrifier son fils sur le Mont Moriah (le Mont du temple), à Jérusalem. Its’hak est lié et placé sur l’autel et Avraham lève son couteau. Une voix se fait alors entendre du Ciel et lui ordonne d’arrêter. Un bouc, emprisonné par ses cornes dans des buissons, est offert à la place.

Avraham apprend la naissance d’une fille, Rivkah, chez son neveu Betouël.

La Paracha débute par le fait que D.ieu apparut à Avraham, assis à l’entrée de sa tente, dans la chaleur du jour. Cela se produisit le troisième jour après qu’Avraham se fut circoncis à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans. D.ieu rendit donc visite à l’Avraham convalescent, tout comme Il nous commande de rendre visite aux malades.

Cependant, il nous faut relever deux détails intrigants : la Torah indique précisément où était assis Avraham : devant sa tente, et donne un rapport météorologique : c’était dans la chaleur du jour. Pourquoi ?

Avraham aimait les gens. Sa maison était ouverte à tous. Il leur offrait à manger et où dormir. Il faisait extrêmement attention à la Mitsva d’A’hnassat Ore’him (l’hospitalité) et avait même monté sa tente avec des entrées aux quatre côtés pour être sûr que tout le monde y pénétrerait. Son plus grand plaisir, son plus grand bonheur étaient de pouvoir faire quelque chose pour les autres. D.ieu le savait et voyant qu’Avraham était faible et récupérait de sa récente circoncision, Il voulut le protéger afin qu’il ne soit pas dérangé par des invités. Il rendit ainsi ce jour si chaud qu’il était pratiquement impossible de sortir.

Il est donc évident qu’en ce jour, Avraham était exempté de la Mitsva d’A’hnassat Ore’him et ce, pour deux raisons. Tout d’abord lui-même ne se sentait pas bien et était en convalescence, ce qui bien évidemment excusait le fait qu’il ne se comportât pas en hôte. Par ailleurs, lorsque personne ne se montre à la porte, il n’y a aucune raison de se soucier d’être accueillant et de témoigner de la gentillesse.

Mais Avraham n’était pas content. Son désir de se comporter avec gentillesse n’était pas dicté par le sentiment du devoir. Il aimait faire les mitsvot. C’était cela sa vie, c’était cela qui lui donnait de la satisfaction spirituelle et du bonheur. Il ne le considérait pas dans les termes de quelque chose qu’il devait faire ou dont il était exempté. Il n’était pas intéressé par une excuse ou une exemption légale. Il aimait et désirait faire les Mitsvot, pratiquer le bien, la gentillesse, pour eux-mêmes.

Quand personne ne se montra devant sa tente, quand il n’y eut personne à qui témoigner de l’hospitalité, il se sentit désemparé. Il se sentit privé de quelque chose de précieux à accomplir. C’est la raison pour laquelle il quitta son lit de malade, s’obligea à s’installer devant la porte, malgré la terrible chaleur, et scruta au loin pour voir s’il apparaissait quelqu’un qu’il aurait pu accueillir.

Cette histoire renferme une morale profonde.

Très souvent, nous considérons les Mitsvot, les devoirs, les obligations comme de lourdes charges. Il est vrai qu’il n’est pas rare qu’ils viennent contrevenir à nos projets ou à nos désirs. Et quand bien même nous reconnaissons leur importance, et entreprenons de les accomplir entièrement, nous le faisons essentiellement parce que nous devons le faire et essayons de nous en acquitter avec le minimum de nos obligations légales. Nous sommes là bien loin d’une appréciation sincère de la Mitsva qui nous conduirait à nous hisser bien au-dessus du simple appel du devoir.

Avraham nous enseigne que les Mitsvot ne sont pas simplement des devoirs, des actes que nous accomplissons parce que nous en avons le devoir. Elles ne sont pas simplement des moyens qui nous mènent à des fins importantes, comme la justice, la récompense ultime ou qui nous enseignent l’autodiscipline ou la bonté.

La Torah et les Mitsvot viennent de D.ieu, ce qui en fait quelque chose d’absolument vrai et bien en et par elles-mêmes. L’on doit chercher la vérité et le bien pour eux-mêmes.

La vérité et le bien ne sont pas seulement des moyens pour parvenir à un but mais un but en eux-mêmes.

Il ne faut donc pas chercher d’exemption ou toutes sortes d’excuses.

Nous ne nous satisfaisons pas de pourvoir à nos besoins matériels élémentaires, d’un minimum d’argent ou de vêtements, de meubles ou d’avantages de la technologie moderne.

Par le même biais, nous ne devons pas nous contenter de nous satisfaire d’un minimum de besoins spirituels, de nourriture spirituelle, de résidence spirituelle ou d’ « extra » spirituels.

Dans les Pirké Avot (Maximes de nos Pères), nous apprenons : « Cours pour accomplir, même une forme plus facile de Mitsva ».

Cela signifie que lorsqu’une Mitsva se présente, même petite ou facile, ne marche pas. Ne l’accomplis pas de façon décontractée quand elle survient mais cours pour l’accomplir, montre de l’empressement, montre qu’elle t’est importante, que tu désires la réaliser. Et si cela est vrai, alors n’attends pas que l’occasion vienne à toi pour accomplir de bonnes actions. Va les rechercher parce qu’elles sont importantes pour toi.

Avraham lui-même se leva de son lit de malade, sans aucune considération pour le désagrément que cela lui causait physiquement, et s’assit à la porte dans la chaleur du jour. Nous aussi nous devons nous lever de nos lits, quitter notre confort, même dans la chaleur de notre vie et de nos occupations quotidiennes, et chercher toute nouvelle opportunité spirituelle et surtout lorsqu’il s’agit d’aider autrui.

Le Coin de la Halacha

 Quelques lois et coutumes liées à la Brit Mila (circoncision) (suite)

- Toute personne qui assiste à une Brit Mila « accueille la Présence Divine, reçoit une âme supplémentaire et est considéré comme s’il avait accompli toutes les Mitsvot de la Torah ». On annule l’étude de la Torah pour assister à la cérémonie. Il est écrit qu’Eliahou Hanavi, le prophète Elie assiste à chaque Brit Mila.

- Une femme apporte le bébé, le confie à son mari qui le dépose sur les genoux du Sandak (qui a l’honneur de tenir le bébé pendant la Brit Mila). On s’efforce de donner à un couple qui n’a pas encore d’enfants le mérite d’amener le bébé.

- Le Sandak est considéré comme s’il apportait de l’encens sur l’autel du Temple de Jérusalem. Etre Sandak est une Segoula (mérite) pour devenir riche et vivre longtemps. Si possible, on choisit pour cet honneur un homme respecté et remarquable pour sa crainte de D.ieu. La coutume est d’honorer pour le premier enfant le père du père (ou même le grand-père du père) et pour le second, le père de la mère. Le père de l’enfant peut aussi être Sandak. La coutume est de ne pas donner cet honneur à la même personne pour deux frères.

- Le Mohel et le Sandak se trempent préalablement au Mikvé et se coupent les cheveux par respect pour la Mitsva ; ils revêtent les vêtements de Chabbat.

(d’après Chéva’h Habrit – Rav Shmuel Hurwitz)

Le Recit de la Semaine

 Vides ?

Chaque année, je me pose la même question : comment fêter mon anniversaire ? Cette fois-ci, j’ai décidé d’agir comme le Rabbi l’avait demandé : j’ai invité tous ceux que je connais maintenant dans ma ville de Tioumen (Sibérie), des amis ou de simples connaissances, pas seulement pour une petite fête mais vraiment pour une réunion ‘hassidique.

Autour de la table chargée de toutes sortes de mets appétissants, nous sommes une vingtaine, nous trinquons Le’Haïm (à la vie) et je répète un discours ‘hassidique comme le veut l’usage instauré par nos Rebbeim. J’ai choisi d’évoquer l’histoire du prophète Elicha, le successeur du prophète Elie telle que le relate la Haftara de cette semaine.

Une femme désespérée se présente à lui :

- Ton serviteur, mon mari est mort… Le créancier veut prendre mes deux fils comme esclaves…

- Que puis-je faire pour toi ? répond le prophète. Dis-moi ce qu’il te reste dans la maison.

- Ta servante ne possède plus qu’une fiole d’huile…

- Va ! Emprunte des récipients vides auprès de tes voisines, autant que tu puisses en trouver…

Elle sortit et emprunta toutes sortes de pots et casseroles, de cruches et de jarres. Comme le lui a demandé le prophète, elle commence à verser le peu d’huile qu’elle possède dans un pot qui se remplit à ras bord puis dans une cruche puis… L’huile continue miraculeusement de couler… Jusqu’à ce qu’il ne reste plus aucun récipient vide dans la maison. Alors le prophète lui conseille : « Va et revends toute cette huile ! Tu pourras alors rembourser le créancier et vivre dans la largesse avec tes enfants pour le restant de tes jours ! ».

Voici comment la ‘Hassidout explique cette histoire qui débute de façon si dramatique :

La femme, c’est la Nechama, l’âme juive. Le prophète, c’est D.ieu. L’âme crie vers D.ieu : « Ton serviteur, mon mari (Ichi) est mort ». Ce mari, c’est aussi Ech, le feu : l’âme constate avec peine que son feu, son enthousiasme n’est plus là : elle a perdu toutes ses forces spirituelles. Le créancier veut prendre les deux enfants en esclaves : l’âme animale veut prendre l’amour et la crainte de D.ieu vers des valeurs étrangères, veut l’asservir à des passions peu recommandables. « Ta servante n’a plus rien dans la maison », l’âme a perdu toutes ses forces, il ne lui reste plus qu’une fiole d’huile, le point central de l’âme juive qui ne peut jamais disparaître.

Je me tourne vers mes nouveaux amis qui m’écoutent attentivement et je continue l’explication ‘hassidique :

« Va emprunter des récipients à l’extérieur… ». Même dans ta situation, tu peux étudier la Torah, tu peux accomplir des Mitsvot ! Même si tu ressens que tu n’es qu’un récipient vide, qu’un corps sans âme, sans amour ni crainte de D.ieu, sans enthousiasme, ne désespère pas ! Agis avec les dernières forces de ton âme, avec l’esprit ultime de sacrifice et, grâce à cela, tu parviendras à remplir les autres récipients !

Oui, leur expliquai-je en termes contemporains, parfois on considère une Mitsva et on se dit que c’est trop dur, on ne comprend pas pourquoi mettre les Téfilines, on n’a pas vraiment envie de respecter le Chabbat, on trouve toujours un prétexte pour ne pas aller à un cours de Torah… C’est alors qu’on doit se souvenir de cette explication ‘hassidique et rassembler tous les récipients vides ! Mes amis ! Il faut continuer, participer aux activités communautaires et continuer de verser l’huile dans ces récipients qui ne demandent qu’à se remplir…

Je m’arrête et, du coin de l’œil, je peux déjà remarquer l’effet de mes paroles sur ces participants qui m’ont honoré de leur présence pour mon anniversaire. Salomon-Chlomo veut parler et, selon la coutume russe dans ce cas, il se verse un petit verre de vodka et se lève. Tous avaient déjà pris la parole et seul lui, le roi Chlomo (ou le tsar Salomon comme l’appellent ses amis), s’était tu. Maintenant c’est à lui de s’exprimer.

C’est un Juif de Kichinev, un homme d’affaires. Je l’avais contacté dans son bureau il y a quatre ans, il avait accepté de mettre les Téfilines pour la première fois et, chaque vendredi, je lui envoyais les horaires de Chabbat avec de petits commentaires. J’avais plusieurs fois tenté de l’inviter chez nous mais sans succès. Il y a quelques mois, il a soudain « atterri » chez nous. Il venait demander un conseil pour une affaire quelconque et cette visite fut suivie de plusieurs autres : il écoutait un cours et parfois, restait pour compléter le Minyan pour la prière. Il acceptait avec joie de mettre les Téfilines, posait des questions, était avide de connaître et de comprendre, comme s’il voulait rattraper tout ce qu’il n’avait jamais connu.

- Monsieur le Rabbin, commence-t-il. J’ai écouté ce discours ‘hassidique et je veux vous dire : il y a quatre ans, vous êtes venu dans mon bureau et vous m’avez demandé de mettre les Téfilines : pour moi, c’était comme des récipients vides, je n’ai pas compris de quoi il s’agissait et pour quoi je le faisais. Vous m’avez demandé, je l’ai fait. Mais maintenant, je peux vous annoncer que les récipients ne sont plus vides ! Depuis quelques mois, quand je mets les Téfilines, quand je prie ou que j’étudie, le récipient n’est plus vide ; même s’il n’est pas encore plein, je commence à comprendre ce que je fais, j’y mets tout mon cœur et toute mon âme !

Monsieur le rabbin, en l’honneur de votre anniversaire, je veux vous remercier et Spassiva (merci) au Rabbi qui vous a envoyé jusqu’en Sibérie pour réchauffer nos âmes et remplir de façon intarissable nos récipients avec tous ces enseignements !

Rav Yerachmiel Gorelik

Chatz Lelo Minyane

Traduit par Feiga Lubecki