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Samedi, 15 juin 2019

  • Nasso
Editorial

 Un été de vie

Changement climatique ou pas, avec tous les aléas de température éventuels, il y a comme un parfum d’été dans l’air. C’est presque un mot magique. La fête de Chavouot est passée. Peu à peu, les écoles ferment leurs portes et on pense déjà à la longue pause professionnelle et sociale que la société contemporaine appelle les vacances. C’est vrai : l’été est incontestablement une période charmante. Elle libère des temps de liberté, de quoi faire ce que l’on veut sans contrainte. Avec un peu d’effort, on peut même imaginer que, décidément, tout est possible. Et montent à l’esprit les visions paradisiaques concoctées par les tour-opérateurs et d’ores et déjà largement diffusées. Mais voici que s’élève une question aussi traditionnelle que lancinante : que faire de cette longue période ?

Certes, nul ne songe à la remettre en question, elle est si précieuse. Mais chacun avait pris l’habitude des rythmes de vie imposés par le travail, le monde etc. Voilà que tout est à reconstruire alors qu’on se retrouve seul avec soi-même, sans ligne directrice ni norme obligatoire. L’homme aime la sécurité des choses connues et voici que tout change. Il existe, bien sûr, une réponse facile à cette inquiétude : oublier. Il suffit de n’y plus penser, de limiter son univers au soleil et aux réjouissances préparées par d’autres pour le « client vacancier ». Comme bien des choix trop aisés, celui-ci laisse bien souvent un sentiment de manque. Etait-ce vraiment cela les vacances ? Ne pouvait-on en faire quelque chose d’autre, qui donne plus de sens et plus de joie durable ?

Dans cette période où tout s’enclenche, il faut s’en souvenir : les vacances peuvent ne pas être un temps d’absence mais plutôt un temps de renouveau. Les centres aérés juifs, les célèbres Gan Israël, et les colonies de vacances juives sont ouverts à tous les enfants. Des lieux d’étude naissent dans de nombreux lieux de villégiature afin de lier le repos du corps au ressourcement de l’âme. Il y a ici un choix à faire, même s’il peut sembler difficile à certains. Ce n’est pas que de lutte contre une forme de l’oubli qu’il s’agit. C’est la reconstruction de soi-même qui peut être ainsi mise en œuvre. Il suffit de le vouloir.

Etincelles de Machiah

 La soumission aux nations

Le Talmud (Bra’hot 34b) enseigne : « Il n’y a aucune différence entre l’époque actuelle et le temps de Machia’h sauf (notre émancipation) de la soumission aux nations ».

Le Baal Chem Tov donne une explication plus profonde de cette phrase : celui qui ne croit pas que la Providence Divine pénètre chaque aspect du monde est asservi par l’impureté qui dissimule la réalité de la création. C’est le sens de la « soumission aux nations ». Mais, au temps de Machia’h, l’esprit d’impureté sera chassé de la terre. Alors la Providence Divine deviendra manifeste et chacun verra que tout provient de D.ieu.

(d’après Keter Chem Tov, sec. 607)

Vivre avec la Paracha

 Nasso

En complément du recensement des Enfants d’Israël effectué dans le désert du Sinaï, un total de 8 580 Lévites, hommes entre 30 et 50 ans, est compté, pour récapituler le nombre de ceux qui se livreront effectivement à la tâche de transporter le Tabernacle.

D.ieu enseigne à Moché la loi de la Sota, la femme suspectée d’infidélité envers son mari. Sont également données les lois du Nazir qui renonce à la consommation de vin, laisse pousser ses cheveux et ne peut se rendre impur par le contact avec un corps sans vie.

Aharon et ses descendants, les Cohanim, sont instruits sur la manière de bénir le peuple d’Israël.

Les dirigeants des douze tribus d’Israël apportent tous leurs offrandes pour l’inauguration de l’autel. Et bien que leurs dons soient identiques, chacun est apporté un jour différent et ils sont décrits, un par un, par la Torah.

Ce Chabbat, Nasso, suit la fête de Chavouot et entretient donc un lien très particulier avec « le Temps du Don de notre Torah ». Cela est particulièrement vrai puisque les concepts du Chabbat et de la Torah sont liés, comme le souligne le Talmud : « Tous tombent d’accord pour dire que la Torah fut donnée un Chabbat ». La fonction du Chabbat et de la Torah est d’élever chaque Juif à la place qui lui revient. Une âme descend de sa position spirituelle En Haut et les concepts du Chabbat et de la Torah élèvent l’âme vers sa véritable position élevée.

Quand un Juif est dans ce monde, l’existence-même du monde ne lui permet pas de voir la vérité. « Monde » se dit en hébreu Olam, qui partage l’étymologie de Elèm, signifiant « caché ». En effet, le monde cache la vérité. La véritable existence du monde est la Divinité. Il a été créé ex nihilo par D.ieu. C’est pourquoi, un Juif doit, d’abord et avant tout, pouvoir contempler D.ieu dans le monde. Cela est d’autant plus vrai que la création du monde n’est pas un événement ponctuel mais se renouvelle à chaque instant : D.ieu « renouvelle, dans Sa bonté, chaque jour l’acte de la création ». Un Juif doit donc certainement pouvoir voir D.ieu dans le monde. Ou du moins, il devrait pouvoir constater qu’ « il y a un Maître dans ce lieu de résidence », niveau cependant moindre de révélation que la reconnaissance de la création de chaque instant. Car le titre de « Maître » ne signifie pas nécessairement qu’il a construit la résidence. Même si quelqu’un d’autre l’a bâtie et qu’il l’a achetée, il n’en est pas moins le « Maître ». Alors que lorsqu’il s’agit de la création du monde, D.ieu l’a créé Lui-même, ex nihilo.

Cependant, non seulement ne voit-on pas la création ex nihilo de chaque instant, mais il n’y a pas même une révélation ouverte du fait qu’ « il y a un Maître dans cette résidence », tellement le monde cache ces vérités.

Cela provient du fait que les peuples du monde peuvent avoir des idées erronées et enseigner que le monde a toujours existé. Cela donne également la possibilité à l’idolâtrie d’exister. C’est pour la même raison que le service général de l’homme consiste en un libre-arbitre. « J’ai placé devant toi la vie et le bien, le mal et la mort et tu choisiras la vie. »

Ce qui différencie le Chabbat est qu’en ce jour, les voilements du monde se lèvent et se révèle la véritable existence : la Divinité. Le Chabbat s’applique le concept de « et Il se reposa ». Cela signifie que toutes les restrictions, y compris celles de la parole (par laquelle le monde fut créé) sont levées et l’existence s’élève au niveau de la pensée. Puisque le monde a été élevé, le Juif peut percevoir que le monde est la Divinité et atteint donc sa véritable place.

Cependant, cette élévation du Chabbat ne suffit pas car un Juif doit aussi être à sa place durant les jours de la semaine. La Torah, appelée « Torah de vérité » et « Torah de lumière » révèle et illumine la vérité de tout, y compris de la véritable nature de l’existence du monde dans lequel règne la Divinité. La Torah est également la « Torah de vie ». Elle illumine le cheminement du Juif, lui enseignant comment se conduire dans tous les domaines de sa vie (y compris pendant la semaine), selon la volonté de D.ieu. C’est pourquoi, au cours de la semaine, un Juif se trouve à sa place réelle (puisqu’il voit la vérité dans l’existence du monde) et il est en état de sainteté, quand bien même il est engagé dans des activités hebdomadaires séculières.

Tel est le lien entre la Torah et le Chabbat. Tout comme la fonction du Chabbat est d’élever le Juif afin qu’il trouve sa juste place, qu’il voit le véritable sens du monde, la Torah accomplit la même fonction les jours de la semaine. En révélant la vérité dans tout, le Juif se trouve dans un état de sainteté, similaire à celui du Chabbat, « le saint Chabbat ».

Ce que l’on vient de dire est encore davantage souligné le Chabbat qui suit le « temps du Don de notre Torah » car alors, tous ses sujets se révèlent dans la perfection.

Plus encore, ce Chabbat, nous lisons la Paracha Nasso qui signifie « élever » : élever chaque Juif vers la perfection. Et puisque l’on étudie Nasso, il est sûr que l’on peut en accomplir l’enseignement qui en découle : « élever » tous les Juifs.

Puisque « l’action est l’essentiel », tout ce qui précède doit se traduire en action. En fait, le concept de « l’action est l’essentiel » n’implique pas seulement le commandement de tout traduire en action mais c’est également une promesse et une garantie que toutes ces choses se manifesteront par des actions.

Rabbi Chnéor Zalman explique que le commandement : « tu aimeras l’Éternel ton D.ieu » est également une assurance qu’un Juif aimera très certainement D.ieu, ces mots dénotant à la fois le commandement et la garantie.

De la même façon, les mots « élève la tête des enfants d’Israël », qui entament notre Paracha, sont à la fois un commandement et une assurance de leur accomplissement.

En termes concrets : chaque Juif doit augmenter son investissement dans l’étude de la Torah et en conséquence « grande est l’étude car elle mène à l’action » – on doit également persévérer dans un accomplissement correct des Mitsvot. Et dans l’écho du commandement : « tu aimeras ton prochain comme toi-même », nous devons également œuvrer pour voir les autres agir de même.

Grâce à tout ce qui précède, nous méritons d’être à une place où « pour tous les enfants d’Israël il y avait de la lumière dans leur demeure », où, bien que nous soyons toujours dans les derniers jours de l’exil, le service du Juif a pour effet de transformer l’obscurité en lumière. Et très bientôt, nous mériterons l’accomplissement de la promesse : « Maison de Yaakov, viens, marchons dans la lumière de l’Éternel ! », grâce à la véritable lumière, la lumière de la Torah qui s’étend jusqu’à la plus grande des lumières : la véritable et complète Délivrance par Machia’h.

Le Coin de la Halacha

 Peut-on prêter sa carte de crédit à un ami et ainsi gagner des points ?

Quand on utilise une carte de crédit, il arrive qu’on doive payer des intérêts à la compagnie bancaire si on ne rembourse pas dans les délais.

Par ailleurs, c’est une Mitsva de prêter de l’argent à un Juif sans lui demander des intérêts. Mais on ne peut pas demander à cet ami de rembourser les intérêts impliqués dans le non-remboursement de la dette vis-à-vis de la compagnie bancaire. Nous devons donc considérer que nous lui prêtons notre propre argent et non l’argent de la banque : nous n’avons donc pas le droit de lui demander de rembourser les agios éventuels dus à la banque et nous devons assumer l’éventuel retard de remboursement – sans exiger de l’ami de rembourser ces agios.

Par contre, quand nous utilisons la carte et que nous recevons des points ou des cadeaux pour cela, il est normal de les garder puisque ce n’est pas l’ami qui a utilisé la carte : il nous a juste emprunté de l’argent et c’est nous qui nous sommes engagés auprès de la banque et qui avons accepté le risque.

La Torah interdit de prêter de l’argent avec intérêt à un Juif – car D.ieu nous a fait sortir de l’esclavage d’Égypte. Cependant, c’est une très grande Mitsva de prêter de l’argent. La Kabbala enseigne que si nous nous conformons à ce commandement, D.ieu devient un partenaire dans tout ce que nous entreprendrons et nous comblera de bénédictions. De plus, Il nous sortira de notre « Égypte personnelle », des soucis qui nous accablent et, finalement de l’exil.

Que ceci se réalise le plus rapidement possible !

(d’après Rav Yehouda Shurpin – chabad.org)

Le Recit de la Semaine

 Des Rolling Stones aux Téfilines…

Mes parents avaient survécu aux horreurs de la Shoah en Biélorussie ; moi-même, je suis né dans un camp de « personnes déplacées » juste après la guerre. Mes parents étaient pratiquants et ma langue maternelle fut le yiddish. En 1950, nous avons émigré aux États-Unis : j’étais pratiquant, observais le Chabbat et, à partir de ma Bar Mitsva, je mis les Téfiline chaque jour.

Mais après avoir remarqué des défauts chez les uns et les autres (nul n’est parfait…) et parfois un peu d’hypocrisie, je me suis posé des questions et, au milieu des années 60, j’ai tout rejeté en bloc. Etudiant en droit, je me suis intéressé à la musique avec succès puisque j’ai été remarqué par des vedettes. J’ai même accompagné le groupe des Rolling Stones dans leur tournée d’été en 1972 : cela m’a donné l’occasion d’observer en deux mois plus de conduite dépravée que la plupart des gens pourront en voir durant toute une vie. Tout ceci me dégoûta profondément.

A l’université de Buffalo, j’avais tissé des liens avec Rav Nathan Gurary, l’émissaire du Rabbi. Je lui posai mes questions en rafale et il conclut : « Il n’y a qu’une personne qui peut vous répondre : c’est le Rabbi ! ». Ce concept de Rabbi – quelqu’un qui comprend votre âme – m’était totalement étranger et pourtant, le même jour, je me rendis à l’adresse indiquée par Rav Gurary : 770 Eastern Parkway à Brooklyn. Je me souviens que c’était un jour glacial de janvier, en 1973.

On m’avait signalé que je pourrais m’approcher du Rabbi et lui parler brièvement quand il reviendrait de sa journée de prières au tombeau de son beau-père, le Rabbi précédent : il entrerait alors au 770 pour la prière de Min’ha. Je l’attendis donc dans le froid. Je portais des bottes en peau de serpent, un jean serré, une chemise en coton et une jaquette en cuir. Je suppose que je me suis fait remarquer avec ma tenue peu conventionnelle et mes cheveux hirsutes qui m’arrivaient aux épaules.

Une limousine s’arrêta et le Rabbi en sortit. Comme le yiddish était ma langue maternelle, je ressentis qu’il serait normal de m’adresser au Rabbi dans cette langue :

- Excusez-moi, vous êtes bien le Rabbi de Loubavitch ?

Nos yeux se croisèrent. De toute ma vie, je n’ai jamais vu des yeux pareils. Et soudain je me suis senti comme transporté dans une autre dimension, comme si rien d’autre n’existait autour de nous et que nous étions tous les deux seuls dans le vaste monde. Pour moi, ce fut une expérience spirituelle fabuleuse.

Il ne répondit pas : oui, je suis le Rabbi ou : non, ce n’est pas moi. Il répondit juste :

- Comment vous appelez-vous et d’où venez-vous ?

Je déclinai mon nom, expliquai de quelle ville je venais et d’où venaient mes parents.

- J’ai une question, continuai-je.

- Demandez !

- Où est D.ieu ?

- Partout, répondit-il.

- Je sais, mais où ? insistai-je.

- Partout, dans tout ! Dans chaque arbre, dans chaque pierre…

Devant ma moue peu satisfaite, le Rabbi continua :

- Il est dans votre cœur – si c’est cela que vous demandez…

Cette réponse me stupéfia. J’avais passé des années à l’école juive dans ma jeunesse mais je n’avais jamais appris que D.ieu pouvait se trouver dans mon cœur.

A ce stade, je demandai la permission de parler en anglais parce que je n’arriverais pas à exprimer en yiddish tout ce que j’avais besoin de comprendre. Il accepta.

- Quand nous disons le Chema : « Écoute Israël, l’Éternel est notre D.ieu, l’Éternel est Un », cela signifie-t-il qu’il existe un seul D.ieu pour tous les êtres humains, qu’ils soient noirs, indiens ou juifs ?

- La mission de l’homme noir est d’être ce qu’il est : un homme noir ; et celle de l’Indien est d’être ce qu’il est : un Indien. Quant au Juif, il est lié à D.ieu par la Torah et ses commandements !

Pour moi, ces mots représentaient une véritable révolution.

En tout, nous avons dû parler une quinzaine de minutes sur les marches du 770, alors que le froid mordant de janvier était insupportable. A la fin de notre conversation, il me confia deux missions : étudier le Kitsour Choul’hane Arou’h (le Code de Lois Juives abrégé) en anglais et mettre chaque jour les Téfiline.

Je me cabrai : étant donné mon style de vie, j’estimai qu’il m’était impossible de m’engager à mettre régulièrement les Téfiline. Mais il persista :

- Vous le pouvez et vous le ferez !

Puis le Rabbi m’expliqua que si j’observais les lois de la Torah, ce serait pour moi une source de bénédictions ; sinon, ce serait différent, « cela vous amènera à être piétiné » comme il le formula.

Pendant tout ce temps, il avait continué de me regarder droit dans les yeux – comme si nos yeux étaient cadenassés et je fus le premier à détourner le regard. C’est alors que je réalisai que des dizaines de jeunes ‘Hassidim se tenaient autour de nous, ébahis, comme se demandant : « A qui le Rabbi parle-t-il si longtemps ? Et qui a l’audace de retenir le Rabbi dans un froid pareil ? ».

A ce point, je me mis à pleurer. Le Rabbi entra dans la synagogue pour la prière de Min’ha.

Je repartis de là en réalisant que je venais de rencontrer un homme poursuivant totalement la vérité, d’une sincérité absolue. Mais il me fallut un certain temps pour que ses paroles imprègnent tout mon être, environ trois mois. C’est alors que je me remis à mettre les Téfiline, ce que je n’avais pas fait depuis des années. Depuis, je peux affirmer que je n’ai jamais arrêté et, comme le dit la Michna : « Une Mitsva amène à une autre Mitsva ». Petit à petit, je repris l’habitude de prier puis un jour, je réfléchis : « Comment les lèvres qui prononcent des paroles sacrées, qui louent D.ieu, peuvent-elles manger des aliments interdits ? ». Petit à petit, je me remis donc à manger cachère. Puis j’étudiai le Kitsour Choul’hane Arou’h comme le Rabbi me l’avait demandé et, au fil des années, mon observance du judaïsme a progressé.

Aujourd’hui, j’ai quatre beaux enfants qui sont tous pratiquants.

Et tout ceci, c’est parce qu’un jour d’hiver glacial j’ai parlé avec le Rabbi. Grâce à lui, toute ma vie a changé ainsi que la vie de nombreuses personnes que j’ai pu influencer. Toutes pour le bien. Toutes pour la bénédiction.

Elliot Lasky (entrepreneur) – Monsey (New York) - JEM

Traduit par Feiga Lubecki