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Samedi, 29 août 2020

  • Ki Tetsé
Editorial

 La rentrée ? A nous de choisir !

Cette fois-ci, nous y sommes ! Pour la plupart d’entre nous, le rythme quotidien reprend. Autour de nous, l’activité anime de nouveau les rues et, déjà, cette période un peu entre parenthèses qu’on a coutume d’appeler « les vacances » commence à prendre sa place dans nos souvenirs bien rangés. Décidément, rien ne peut plus nous en détourner : c’est la rentrée ! Il y a, dans ce mot, comme une tonalité d’irrémédiable. Faut-il le prendre comme une clôture de scène ou un lever de rideau ?  Peut-être est-ce la question essentielle du moment.

Comme bien souvent, il est possible de regarder les jours qui passent de deux façons profondément différentes. Il est loisible à chacun d’y voir ce que l’on a décrit : le retour après la grande transhumance estivale, la réapparition des soucis de la vie et de la course effrénée – et parfois sans but – qui caractérise les sociétés modernes, l’affrontement avec les difficultés et les épreuves du moment… On peut aussi prendre brutalement conscience que le calendrier nous ouvre ici un champ de potentialités inespéré. Car cette rentrée n’est pas comme celles qui l’ont précédée. Elle nous introduit, sans aucune transition, dans le mois d’Elloul. Et cela change tout.

Elloul : dernier mois du calendrier juif, qui précède les fêtes de Roch Hachana et de Yom Kippour, mais surtout période à part. C’est le temps où, disent nos Sages, D.ieu attend chacun comme le Roi prêt à accueillir avec bienveillance tous Ses sujets et à leur accorder toutes leurs demandes. La Kabbale enseigne qu’alors les Treize Attributs de la Miséricorde Divine éclairent l’univers et tous ceux qui y vivent. Pour ces raisons, Elloul est un mois plus personnel, comme intérieur à chacun. C’est un mois de réflexion – sur soi, ses actes, les démarches nouvelles à entreprendre. Le ressentir, de façon tangible, n’est qu’affaire de volonté ; si l’on veut voir, la réalité physique n’est plus tout à fait la même. D’une certaine manière, tout, y compris notre avenir, en dépend. Et la proximité quasi immédiate des fêtes rend la démarche encore plus urgente.

C’est bien d’une véritable découverte qu’il s’agit : la rentrée peut avoir une portée spirituelle et le grand retour peut être celui de l’âme vers D.ieu. Nous avons ainsi un choix aux conséquences fondamentales. Vivre la rentrée comme une nouvelle soumission au monde, à ses contraintes et à ses exigences de matérialité ou comme une aire ouverte de liberté, comme un espace de lumière, comme le début du lien renouvelé avec le Divin. Et, quels que soient les événements alentour, cela change tout. Le chemin qui s’ouvre est clair ; il nous entraîne vers cette année bonne et douce dont nous rêvons tous, cette année de toutes les bénédictions et de la plus grande d’entre elles : la venue de la Délivrance messianique.

Etincelles de Machiah

 « Car vous sortirez dans la joie »

Dans la semaine suivant le mariage de Rabbi Chalom Dov Ber, le cinquième Rabbi de Loubavitch, les ‘Hassidim se mirent à danser dans le jardin qui se trouvait devant la maison du père du jeune marié, le Rabbi Maharach. Des dizaines de rondes se formèrent alors.

A ce moment, le Rabbi Maharach était assis à la fenêtre de sa maison. Il vit les danses et dit : « C’est ainsi que les Juifs danseront dans les rues lorsque le Machia’h viendra. »

(D’après Likoutei Dibourim vol. 1, p. 34)

Vivre avec la Paracha

 Ki Tétsé : La guerre et la paix

Chaque jour, nous concluons la prière de la Amida (18 Bénédictions) en louant D.ieu « Qui bénit Son peuple dans la paix ». Et lorsqu’ils décrivent les bénédictions dont D.ieu nous gratifie lorsque nous suivons Sa volonté, nos Sages affirment : « la paix équivaut à toutes les autres bénédictions ». En fait, nos Sages expliquent que Chalom, le terme hébreu pour « paix », est l’un des Noms de D.ieu Lui-même.

Pourquoi la paix joue-t-elle un rôle si fondamental dans notre héritage juif ?

Chaque âme humaine est « une véritable partie de D.ieu En-Haut ». Il s’ensuit donc que l’être humain possède le désir naturel de donner à cette étincelle divine l’opportunité de s’exprimer. Elle cherche à grandir dans la compréhension, dans un environnement harmonieux, sans être obligée de se confronter aux conflits extérieurs.

Malheureusement, cela n’est pas toujours possible. Nous vivons dans un monde matériel qui, de par sa nature même, encourage l’égocentrisme et la quête de satisfactions personnelles. Dans de telles circonstances, la quête du développement spirituel peut souvent conduire à des conflits d’intérêt et parfois même à de véritables et tangibles conflits.

Faire la guerre

Ces concepts sont évoqués en allusion dans le nom de la Paracha de cette semaine, Ki Tétsé, qui commence ainsi : « quand tu sortiras en guerre contre tes ennemis ». Dans l’environnement naturel de l’âme, les mondes spirituels, il n’y a pas de conflits.

Cependant, lorsque l’âme « sort » de cet état et descend dans notre monde matériel, elle est confrontée à des challenges qui peuvent nécessiter de s’engager dans des combats.

Car l’existence matérielle présente deux aspects. Notre monde a été créé parce que D.ieu « désirait une résidence dans les mondes inférieurs », c’est-à-dire que l’univers physique peut servir de résidence pour D.ieu, être un lieu où se révèle Son Essence.

Cependant, comme l’implique l’expression « mondes inférieurs », l’existence de D.ieu n’est pas réellement apparente, dans notre environnement.

Bien au contraire, même la nature matérielle du monde semble écarter la Divinité.

La tentative pour réconcilier ces deux élans contradictoires se caractérise souvent par une situation de conflit.

Telle est la conception de la Torah pour la guerre : il s’agit d’un combat pour transformer jusqu’au plus petit élément d’existence en demeure pour D.ieu. C’est pour cette raison que la Torah commande aux Juifs de combattre pour conquérir la terre de Canaan et ainsi transformer un pays, célèbre pour son état de dépravation, en Erets Israël, une terre dont il est dit que « les yeux de l’Eternel ton D.ieu sont sur elle depuis le début de l’année jusqu’à la fin de l’année ».

Cela va encore plus loin. Même lorsqu’aucun commandement explicite n’indique qu’il faut faire la guerre, le potentiel en est toujours présent, pour faire reculer les frontières de la sainteté et lui permettre de prendre possession de domaines précédemment régis par la matérialité.

Découvrir nos ressources

Il ne faut pas craindre d’entreprendre de tels efforts. Bien au contraire, on est assuré de la bénédiction divine. Il y est fait allusion dans l’expression du verset précité : « al oyevé’ha », que l’on traduit par « contre tes ennemis » mais qui signifie littéralement « sur tes ennemis ». Cela nous apporte la promesse que même lorsque l’âme descend dans notre monde matériel et relève des défis, elle possède toujours la force de les surmonter. Puisque l’âme est une « véritable parcelle de D.ieu », elle reste constamment au-dessus de l’influence du monde, elle possède la force de surmonter tous les obstacles et de transformer son environnement.

Plus encore, c’est le défi de la « bataille » lui-même qui fait surgir la force essentielle que possède l’âme. Car une telle confrontation oblige la personne à puiser en elle-même ses forces les plus profondes. Cette quête de force fait à son tour jaillir une prise de conscience de notre nature divine profonde. Et c’est ainsi que nous pouvons surmonter tous les challenges et disséminer la Divinité dans toutes les situations. Nous devenons par là-même les partenaires de D.ieu et exprimons ouvertement le but divin de la Création.

Les conflits intérieurs

Ce concept de « guerre » est également approprié à notre vie. Commentant le verset : « et vous verrez… la différence entre celui qui sert D.ieu et celui qui ne Le sert pas », nos Sages définissent « celui qui sert D.ieu » comme : « celui qui révise son sujet 101 fois », et « celui qui ne Le sert pas » comme : « celui qui révise son sujet 100 fois ».

Dans le Tanya, Rabbi Chnéor Zalman explique que dans ce domaine, la coutume voulait que l’étudiant révise son sujet d’étude 100 fois. C’est pourquoi c’était lors de la cent et unième fois que la personne allait au-delà de sa pratique usuelle, ce qui la distinguait comme étant : « celui qui sert D.ieu ». Car seul celui qui se bat pour élever sa nature mérite un tel titre.

Un homme doit se donner des défis. Et cela signifie plus que s’engager à un progrès graduel. « Servir » D.ieu implique de casser notre nature individuelle et montrer qu’il n’y a pas de limites dans notre engagement envers Lui.

Cette entreprise implique une guerre constante. Un homme peut en effet atteindre un certain niveau d’accomplissement spirituel et puis « se reposer sur ses lauriers ». Mais il lui faut constamment lutter pour avancer encore.

Ces « batailles » intérieures, nécessaires pour enclencher cet engagement permettent au potentiel Divin, inné et illimité en chacun de nous, dans notre âme, de jaillir. Et l’effet de ces efforts se répercute sur le monde en général. Car l’aspect de la Divinité qui transcende toutes limites est activé par chacune de nos tentatives pour dépasser nos propres limites.

Les ultimes batailles

Parce que la tâche de raffiner le monde est souvent comparée à une bataille, l’un des critères donnés pour identifier le Machia’h, le chef qui motivera l’humanité à accomplir son but, est qu’il « mènera les guerres de D.ieu ». Car il est possible que la tâche de raffiner le monde requiert un réel conflit pour que Machia’h « remplisse le monde de justice », en détruisant la force des méchants.

Cependant, cela n’est qu’une étape. En dernier ressort, Machia’h « vaincra toutes les nations qui l’entourent… et rendra parfait le monde entier, (motivant toutes les nations) à, ensemble, servir D.ieu, introduisant ainsi l’ère où ‘il n’y aura ni famine ni guerre, ni envie ni compétition…’ (et) l’occupation du monde entier sera exclusivement de connaître D.ieu ».

Le Coin de la Halacha

 Quelles sont les coutumes du mois d’Elloul ?

A partir du 1er jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année jeudi 20 août 2020) on ajoute après la prière du matin et de l’après-midi le Psaume 27, et ce jusqu’à Hochaana Rabba (cette année vendredi 9 octobre 2020) inclus.

Le Baal Chem Tov a instauré la coutume de dire chaque jour du mois d’Elloul – cette année, à partir du jeudi 20 août 2020 – 3 Tehilim (Psaumes), et ce jusqu’à la veille de Kippour. Puis le jour de Kippour, on en dit 9 avant la prière de Kol Nidré, 9 avant de dormir, 9 après la prière de Moussaf et 9 à la fin de Kippour, de façon à terminer les 150 Psaumes.

A partir du second jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année vendredi 21 août 2020), on sonne chaque jour du Choffar, excepté Chabbat et la veille de Roch Hachana.

Dans un discours ‘hassidique, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi explique que, durant tout le mois d’Elloul, « le Roi est dans les champs », c’est-à-dire que D.ieu est encore plus proche de chacun d’entre nous, accueille chacun avec un visage bienveillant et nous pouvons tout Lui demander. C’est pourquoi il est plus facile d’opérer un retour sincère à D.ieu en augmentant les dons à la Tsedaka (charité) et la ferveur dans la prière.

On a l’habitude de faire vérifier par un Sofer (scribe) expérimenté les Mezouzot et les Téfilines.

On écrit à ses amis et connaissances pour leur souhaiter d’être inscrits et scellés pour une bonne et douce année.

Le Recit de la Semaine

 Le projet ne tomba pas à l’eau…

Rav Shimon Lazaroff, enfant, réussit à s’enfuir d’Union Soviétique avec sa mère et d’autres ‘Hassidim en 1946. Son grand-père n’avait survécu que peu de temps à sa déportation dans les camps sibériens du Goulag et son père avait été tué avant sa naissance durant les combats de la seconde Guerre Mondiale. Après avoir vécu à Paris et étudié en Israël puis aux États-Unis, il se maria et devint l’émissaire principal du Rabbi à Houston, Texas. Grâce à eux, de nombreuses familles et de nombreux étudiants se sont rapprochés du judaïsme.

« Une des familles que nous avions convaincues depuis quelques temps de renforcer leur lien avec la Torah s’apprêtait à fêter les fiançailles de leur fils. Je dois avouer que j’étais un peu déçu car le père de la fiancée était le chef de file d’un des mouvements « conservative » (libéraux) de la ville. Néanmoins, le père du marié tenait à ce que j’officie pour la cérémonie, bien que cela ne m’enchantât guère…

Lors de la réception des fiançailles, je fus présenté au père de la fiancée et je fus surpris quand il me parla très chaleureusement : « C’est grâce au Rabbi de Loubavitch que je me suis marié » ! Inutile de préciser qu’une telle introduction piquait ma curiosité ! Il continua : « La famille de la jeune fille que je fréquentais habitait Eastern Parkway à Brooklyn, c’est-à-dire dans la rue où est située la grande synagogue du Rabbi. Quand nous avons décidé de nous marier, ses parents s’opposèrent farouchement à cette union avec un rabbin réformé (et non orthodoxe). La tension était grande dans la famille jusqu’à ce que la mère suggéra : « Après tout, nous habitons dans la même rue que le Rabbi : allons lui demander conseil et nous nous conformerons à sa décision ! ». Elle était évidemment persuadée que le Rabbi adopterait sa position. On leur fixa un rendez-vous et les parents exposèrent « le problème » devant le Rabbi en présence de leur fille. Le Rabbi demanda :

- Le jeune homme respecte-t-il le Chabbat ?

- Oui ! répondit-elle.

- Est-il attentif à la cacherout ?

- Oui !

- S’est-il engagé à respecter les lois de Pureté Familiale ?

- Oui !

- Dans ce cas, conclut le Rabbi, il n’y a pas lieu d’empêcher ce mariage !

Le Rabbi avait donc implicitement accordé sa bénédiction à cette union.

Ce jeune homme devint un pilier du Séminaire théologique « Conservative » des États-Unis mais se passionna pour l’étude du Tanya (avec le regretté Rav Berel Baumgarten) et fut toute sa vie reconnaissant au Rabbi qui avait su déceler en lui de puissantes étincelles et possibilités d’évolution.

Ce rabbin me manifesta beaucoup de respect en tant que représentant du Rabbi et accepta sans problème que je procède par la suite à la cérémonie du mariage. Là il me présenta un autre rabbin de son mouvement, le professeur Dov Zlotnik qui avait lui aussi étudié le Tanya avec Rav Berel Baumgarten. Ce professeur Zlotnik me raconta qu’il avait une fois participé à un mariage dans la famille de Rav Baumgarten à Crown Heights, le quartier du Rabbi. Quand le Rabbi était sorti de son bureau, Rav Baumgarten lui avait présenté le professeur Zlotnik qui, sachant combien le sujet de la Pureté Familiale était cher aux yeux du Rabbi, lui annonça qu’il en avait justement parlé dans un de ses derniers discours qui avait été très apprécié.

Le Rabbi le félicita et lui conseilla de publier ce discours mais le professeur s’y refusa car il n’aimait guère se mettre en avant.

Quelques jours plus tard, ce professeur Zlotnik reçut un coup de téléphone de Rav Hodakov, le secrétaire personnel principal du Rabbi : il demandait des nouvelles sur cet article qu’il devait publier… Une fois de plus, le professeur s’excusa poliment en arguant qu’il n’avait pas l’habitude d’éditer ses discours…

Quand, un mois plus tard, Rav Hodakov le rappela, le professeur Zlotnik comprit qu’il s’agissait d’un sujet qui tenait à cœur au Rabbi et il envoya sans trop y croire l’article à un éditeur qui publiait un livre des meilleurs discours de l’année. L’article fut sélectionné et, quand le livre parut, le professeur Zlotnik en envoya un exemplaire à chacun de ses collègues rabbins « conservative » des États-Unis.

A cette époque, Rav Yits’hak Block, professeur à l’université de London-Ontario au Canada, souhaitait justement faire construire un Mikvé dans sa ville. Il avait demandé l’aide de diverses organisations juives traditionnelles pour son projet mais, après maintes réunions, celles-ci avaient refusé car elles n’en comprenaient pas la nécessité.

Cependant, à peine une semaine plus tard, le président de la communauté « conservative » convoqua une autre réunion, expliqua qu’il avait lu un article écrit par le professeur Zlotnick (qui se disait pourtant « conservative ») et considéré comme l’un des meilleurs discours de l’année : cet article l’avait impressionné et il lui semblait donc nécessaire de participer à la construction d’un Mikvé dans sa ville !

C’est ainsi que, grâce à l’appui enthousiaste de la communauté « conservative », le Mikvé put voir le jour à London-Ontario et permettre à de nombreuses familles de pratiquer les lois de la Pureté Familiale.

Et le professeur Zlotnick de conclure : « Personne ne peut réaliser combien le Rabbi voyait loin ! ».

Rav Shimon Lazaroff (Houston)

Kfar Chabad N° 1863

Traduit par Feiga Lubecki