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Samedi, 14 novembre 2020

  • Hayé Sarah
Editorial

 Donc, ça reconfine…

Et oui, il fallait s’y attendre : la période de liberté que nous avons vécue connaît sinon un terme du moins une pause. Le confinement est de retour, même sous une forme allégée. Certes, chacun espère que cela sera de courte durée mais nous savons tous que rien n’est sûr à ce stade. C’est alors comme une sorte d’angoisse qui peut monter, cela ne s’arrêtera-t-il donc jamais ? Et comment vivre de façon satisfaisante, c’est-à-dire humaine, avec toutes les limitations que la santé et la logique imposent ?

Une anecdote célèbre du précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak, s’impose ici à l’esprit. L’histoire est connue : il fut arrêté par le pouvoir communiste à l’époque de Staline, jugé et condamné à mort avant que sa peine soit commuée en relégation à l’intérieur de la Russie. Sans nous attacher aux circonstances précises de ces événements, on constate qu’elles se caractérisent par des limitations imposées et par la privation de toute liberté. Pourtant, avant de partir pour cet exil dont nul ne sait s’il en reviendra, le Rabbi fait une déclaration qui éclairera longtemps toutes les mémoires : « Seul notre corps a été envoyé en exil, notre âme reste toujours libre. » Il faut mesurer la grandeur d’une telle vision. Elle signifie que rien ne peut jamais porter atteinte à notre liberté essentielle et que tout ce qui nous limite n’a de prise que sur notre corps, jamais au-delà de lui.

Bien sûr, nous vivons un temps bien différent de celui de Rabbi Yossef Its’hak et ce n’est pas de contraintes politiques que nous sommes aujourd’hui victimes. Cependant, la limitation de la liberté d’aller et de venir, de nous rendre là où nous le désirons, même pour des sujets spirituels importants, évoque une situation du même type. Ainsi nous pouvons nous inscrire dans les pas de Rabbi Yossef Its’hak, nous inspirer de lui, de son attitude et de sa force : notre âme est libre. C’est dire que, même en ces jours de confinement, nous pouvons continuer notre œuvre de libération, personnelle et collective. Nous pouvons porter en nous cette liberté parfaite et l’exprimer. Nous ne pouvons pas, de manière générale, nous éloigner beaucoup ? Par notre âme, nous pouvons nous transporter où nous le voulons. C’est alors que le lien avec D.ieu montre sa vigueur, que l’étude peut nous emporter haut et loin. N’hésitons pas : ce temps de confinement peut être le temps d’une liberté nouvelle. Profitons-en, à nous d’effectuer cette transformation !

Etincelles de Machiah

 La voix et les mains

Le texte de la Torah (Gen. 27 : 22) enseigne : « La voix est celle de Jacob et les mains sont celles d’Esaü ». Sachant que Jacob représente le peuple juif et que Esaü est l’ancêtre de l’empire romain, les Sages donnent à cette phrase un sens plus profond. Quand on entend la « voix de Jacob », celle de la Torah, disent-ils, alors les « mains d’Esaü », sa force matérielle, n’ont aucun pouvoir. Mais, quand la voix de la Torah s’affaiblit, les mains d’Esaü peuvent l’emporter.

Cette idée se concrétisa à l’époque de la destruction du Temple. C’est ce que dit le prophète Jérémie : « Pourquoi la Terre a-t-elle été perdue ? Car ils ont abandonné Ma Torah ». En notre temps, par l’étude renforcée de la Torah, nous pouvons donc annuler la cause de l’exil et ainsi amener la Délivrance.

(D’après Likoutei Si’hot, vol. III – Parachat Toledot)

Vivre avec la Paracha

 ‘Hayé Sarah

Sarah meurt à l’âge de 127 ans et est enterrée dans la grotte de Ma’hpélah à ‘Hévron qu’Avraham a achetée à Ephron le Hittite pour quatre cents chékels d’argent.

Le serviteur d’Avraham, Eliézer, est envoyé à ‘Haran, chargé de cadeaux, pour trouver une femme pour Its’hak. Au puits du village, Eliézer demande à D.ieu un signe : quand les jeunes filles arriveront au puits, il demandera de l’eau pour boire. Celle qui proposera d’abreuver également ses chameaux sera celle qui est destinée au fils de son maître.

Rivkah, la fille de Bethouel, neveu d’Avraham, apparaît au puits et réussit le « test ». Eliézer est invité dans sa maison où il relate à nouveau les événements du jour. Rivkah revient avec Eliézer en terre de Canaan où ils rencontrent Its’hak, priant dans un champ. Its’hak épouse Rivkah, l’aime et est consolé de la perte de sa mère.

Avraham prend une nouvelle épouse, Ketoura (Hagar) et engendre six autres fils mais Its’hak est désigné comme son seul héritier. Avraham meurt à l’âge de 175 ans et est enterré, à côté de Sarah, par ses deux fils aînés, Its’hak et Ichmaël.

Les six derniers fils d’Avraham

Vers la fin de la Paracha, la Torah déclare : « Avraham se maria avec une autre femme dont le nom était Ketoura. Elle lui donna Zimran, etc. », six fils. Si l’on observe le déroulement des événements, il apparaît clairement que cela se produisit immédiatement après le mariage d’Its’hak et de Rivkah.

Au début de la Paracha Toledot (que nous lirons la semaine prochaine) il est rapporté qu’Its’hak avait 40 ans lorsqu’il épousa Rivkah et Rachi fait les calculs suivants :

« Car lorsqu’Avraham revint du Mont Moriah, il apprit que Rivkah était née. Its’hak avait 37 ans, puisqu’à l’époque où Sarah mourut, et depuis la naissance d’Its’hak jusqu’à la Akéda (le sacrifice d’Its’hak), date à laquelle Sarah mourut, il y avait 37 ans. En effet, elle avait 90 ans à sa naissance et elle mourut à 127 ans… Its’hak avait donc bien 37 ans. A cette époque, naquit Rivkah et il attendit jusqu’à ce qu’elle soit apte au mariage : trois ans, et il l’épousa. »

Avraham avait 100 ans à la naissance d’Its’hak donc à présent, il avait 140 ans. Et pourtant, la Torah relate qu’à cet âge, il engendra six fils et il n’est nullement fait mention du miracle que cela représentait !

A la naissance d’Its’hak, il avait donc 100 ans, et cet événement avait été considéré comme extrêmement miraculeux.

Lorsque l’ange avait annoncé la bonne nouvelle : « Je reviendrai vers toi, à cette période, l’an prochain, et ta femme Sarah, aura un fils », Sarah ne pouvait croire que cela puisse arriver : « Sarah rit en elle-même et dit : ‘ maintenant que je suis à un âge avancé, le désir de mon cœur serait-il exaucé ? Mon mari est vieux !’ »

L’étonnement et la méfiance de Sarah s’appuyaient sur son âge mais également sur l’âge avancé d’Avraham. Plus tard, quand Its’hak vit le jour, dans sa louange à D.ieu, elle déclara à nouveau : « Voici, j’ai donné naissance à un fils dans son vieil âge. » En d’autres termes, il apparaît donc qu’un miracle extraordinaire s’était produit pour qu’Avraham puisse engendrer un enfant à 100 ans.

Et maintenant, comme en passant, la Torah indique que quarante ans plus tard, alors qu’il est âgé de 140 ans, Avraham engendre six fils et nulle mention n’est faite de l’aspect surnaturel de la situation !

Si malgré cette ellipse, nous estimons que ce fut miraculeux,

  • Pourquoi la Torah ne présente-t-elle pas cet événement comme tel ?
  • Quel était le but de ce miracle ? En effet, si Its’hak devait être la « semence » d’Avraham, D.ieu devait faire un miracle pour permettre sa naissance. Mais ses fils de Ketoura seront renvoyés, pour ne pas qu’ils nuisent à Its’hak. D’où viendrait donc la nécessité d’un événement surnaturel pour qu’ils viennent au monde ?

Et ce qui est encore plus mystérieux tient au fait que Rachi ne s’arrête pas à ces questions et ne propose aucun commentaire.

Nous savons que lorsque Rachi se tait, cela tient soit au fait qu’il n’y a pas de paradoxe dans le texte, qui est littéral et lisible, ou bien qu’il s’appuie sur un commentaire précédent pour éclairer la difficulté présente.

Apportons donc un éclairage à ces questions.

A propos de la naissance d’Its’hak, l’élève de cinq ans (à qui s’adresse a priori Rachi) a déjà appris que d’autres miracles furent associés à ce miracle principal. La naissance d’Its’hak se produisit alors qu’Avraham et Sarah étaient âgés et après de nombreuses années de stérilité. Il y eut un autre miracle, nécessaire pour montrer au monde qu’il était bien vrai que Sarah avait enfanté Its’hak. Il est ainsi exprimé dans la Torah : « Sarah avait allaité des enfants », verset que Rachi commente :

« Quelle est l’importance du mot ‘enfants’, au pluriel ? Le jour du festin, les princesses apportèrent leur nourrisson avec elles et Sarah les allaita. Car ces femmes avaient dit : ‘Sarah n’a pas donné naissance à un fils ; elle l’a apporté à la maison après l’avoir trouvé dans la rue’. »

Cela soulève un nouveau paradoxe. Pour montrer que Sarah avait bel et bien donné naissance à Its’hak, il eut été suffisant de voir qu’elle l’allaitait, lui. Le lait maternel ne vient qu’après une naissance ! Pourquoi était-il nécessaire qu’elle ait tant de lait pour pouvoir allaiter les bébés de ces princesses ?

En outre, le fait d’allaiter ne prouvait que le fait que Sarah avait enfanté mais ce n’était pas une preuve de la paternité d’Avraham !

Et bien que l’élève de cinq ans n’ait pas encore entendu parler de l’accusation des « moqueurs » de l’époque qui faisaient courir la rumeur que l’enfant était le fils d’Avimélè’h (qui avait enlevé Sarah), il l’apprendrait bientôt, quand il étudierait la Paracha suivante : Toledot.

Il nous faut donc résoudre cette problématique.

La combinaison de ces deux questions lève le mystère.

A la naissance d’Its’hak, la Torah rapporte les paroles de Sarah : « D.ieu m’a donné le rire. Et celui qui entendra cela rira de moi. »

Rachi élabore :

« … De nombreuses femmes stériles furent rappelées (exaucées) en même temps qu’elle, de nombreux malades furent guéris en ce jour, de nombreuses prières furent satisfaites avec les siennes et il y eut une grande réjouissance dans le monde. »

Le miracle de la naissance d’Its’hak s’accompagna de nombreux événements surnaturels dans le monde (non des miracles supplémentaires mais un miracle de portée universelle.)

Il va sans dire que pour Sarah elle-même, le miracle fut d’une telle intensité qu’elle put allaiter de nombreux bébés : un miracle surabondant ! Dès lors, nous pouvons également expliquer que ce miracle prouva également la paternité d’Avraham.

La naissance d’Its’hak fut un miracle si grand, se répercutant dans tout l’univers, que tous ceux qui en avaient conscience durent se rendre à l’évidence : il n’avait pu s’accomplir que de manière convenable, que si Avraham était réellement le père.

En fait, pour contrer les « moqueurs » de la génération, niant la paternité d’Avraham, « D.ieu façonna les traits de visage d’Its’hak (pour qu’ils soient) identiques à ceux d’Avraham, ce qui attestait donc bien qu’Avraham engendra Its’hak. »

Cela nous permet, en dernier ressort, d’expliquer pourquoi la naissance des six fils d’Avraham, alors qu’il avait 140 ans, n’est pas considérée comme un nouveau miracle. Puisque le miracle de la naissance d’Its’hak avait affecté tout l’univers, il est clair qu’en ce qui concerne Avraham, le miracle de la fertilité était si puissant qu’à 140 ans, il put encore engendrer six fils !

Le Coin de la Halacha

 Est-on obligé de participer aux enterrements si on ne connaît ni le défunt ni sa famille ?

C’est une Mitsva positive (MideRabbanane) d’assister à un enterrement juif si la procession passe près de chez soi.

On marchera au moins quatre Amot (environ 1,20 mètre) derrière le convoi (et non devant) et on attendra sur place jusqu’à ce que le convoi se soit suffisamment éloigné pour qu’on ne le voit plus. On peut alors reprendre ses activités.

La Mitsva consiste à le suivre si possible jusqu’au cimetière.

On s’efforcera d’assurer la présence d’un Minyan (dix Juifs âgés de plus de treize ans). Dans le cimetière (et dans la pièce où se trouve un défunt), on cache les Tsitsit. Pendant la procession, on récite le Tehilim (Psaume) 91 (avec les deux versets qui le précèdent) et la prière Ana Be’hoa’h. Pour une femme, on récite aussi le chapitre 31 de Michlé (Proverbes - Echet ‘Hayil, la femme de valeur).

On évite les conversations futiles qui constituent un manque de respect pour le défunt. Il est bon de donner la Tsedaka pendant l’enterrement en faisant circuler une boîte parmi les participants. On veille à la séparation entre hommes et femmes, par respect, tout au long de la cérémonie et surtout au moment de la dispersion.

En quittant le cimetière, on se lave les mains rituellement sans bénédiction.

 (d’après Rav Yossef Ginsburgh – Si’hat Hachavoua N° 1747)

Le Recit de la Semaine

 « Et il s’appellera… »

C’était le 28 Adar 1975. Rav Barou’h Nachshon et son épouse Sarah mirent au monde un petit garçon. Barou’h est un peintre reconnu dont les tableaux ornent des milliers de maisons juives de par le monde et se reconnaissent facilement par leur aspect poétique teintés d’une vision biblique et même messianique. Barou’h et Sarah sont parmi les premiers résidents de la ville des patriarches, ‘Hévron, la ville reprise par les forces israéliennes lors de la guerre que lui avaient imposée les pays arabes voisins, en coalisant plus d’un million de soldats contre le jeune état juif : celle qu’on appela « La Guerre des Six Jours ».

‘Hévron est une ville très spéciale, une des premières villes mentionnées dans la Bible : c’est le premier terrain que notre patriarche Avraham acheta pour une somme considérable afin d’y enterrer son épouse Sarah, l’ancêtre du peuple juif. C’est aussi un des premiers endroits où des Juifs s’installèrent quand des ‘Hassidim décidèrent de monter en Terre Sainte au 18ème puis au 19ème siècle. En 1929, un terrible pogrome y avait éclaté, plus de 60 Juifs de tous les âges y avaient été massacrés sous le regard des occupants anglais censés faire régner l’ordre entre les communautés religieuses. Jusqu’en juin 1967, aucun Juif n’avait plus habité dans cette ville sainte. Bizarrement, la reconquête israélienne n’avait pas été suivie d’effets immédiats, très peu de Juifs avaient été autorisés à acheter des terrains ou même à se réapproprier les maisons pillées par les assassins de leurs grands-parents… Même le tombeau des patriarches était resté sous l’autorité des religieux arabes et les heures d’ouverture aux Juifs étaient strictement limitées.

Barou’h et Sarah avaient décidé de braver toutes ces mesures et, poussés par un idéalisme inébranlable, de procéder à la Brit Mila de leur fils dans l’enceinte même du Caveau des patriarches : après tout, Avraham n’avait-il pas été le premier à pratiquer la circoncision ? Ce fut une cérémonie pratiquée presque de façon clandestine, avec juste la présence d’un petit Minyan de dix hommes : depuis plus de 700 ans, les différents occupants musulmans avaient interdit de telles pratiques et ce bébé fut donc le premier Juif à être circoncis sur place. Ses parents l’appelèrent Avraham - Yedidiah, d’après Avraham notre père qui fut « Yedid - Yah, le premier ami de D.ieu ».

Malheureusement, ce bébé ne vécut que quatre mois.

Sarah sa mère décide qu’il sera aussi le premier Juif enterré dans l’ancien cimetière de la ville, celui qui a été largement profané durant l’occupation jordanienne (1948 - 1967). Les derniers défunts juifs enterrés là, dans une fosse commune, furent les victimes du pogrome de 1929. Même cet endroit fut transformé en champ agricole et les pierres tombales avaient été utilisées sans vergogne pour les habitations arabes… Comme le constate amèrement le Talmud : « Tu as tué et même hérité… ». En attendant, les autorités israéliennes n’avaient pas osé restaurer cet ancien cimetière et surtout, avaient interdit toute inhumation juive sur place.

Mais Sarah Nachshon, elle, était décidée : son fils avait été le premier Juif circoncis depuis si longtemps dans la ville, il serait aussi le premier qui serait enterré dans l’ancien cimetière. Le 22 Tamouz 1975, le convoi funéraire se met en marche. Le ministre de l’intérieur, le défunt Shimon Peres, décide d’interdire l’inhumation et dépêche des soldats pour l’empêcher. Exprimant leur sollicitude pour la mère éplorée, les soldats se dressent néanmoins devant le convoi pour qu’il n’avance pas plus loin. C’est alors que Sarah prend le corps de son fils dans les bras et s’avance, déterminée : interloqués devant sa démarche, les soldats s’écartent. Les Arabes massés devant le cimetière s’étaient déjà réjouis à l’idée d’assister à des émeutes entre Juifs… Averti par téléphone, le ministre finit par s’incliner. On procède à l’inhumation et Sarah déclare : « Il y a des milliers d’années, Avraham a acquis au prix fort la caverne de Ma’hpéla à ‘Hévron pour enterrer son épouse Sarah. Et moi, Sarah, je viens enterrer mon fils Avraham et ainsi acquérir - cette fois pour le peuple juif tout entier et pour l’éternité - ce terrain sacré ! ».

C’était il y a 45 ans.

Cette année, le 22 Tamouz, la famille Nachshon s’est rendue comme chaque année au cimetière de ‘Hévron pour les prières traditionnelles et le Kaddich. Et, de là, tous se sont rendus à la Caverne de Ma’hpéla pour procéder à la Brit Mila d’un nouveau petit-fils, le fils de leur fille Hadass et de son mari Chmouel ! Grâce à la détermination de Barou’h et Sarah Nachshon, de nombreuses Brit Milot se sont tenues depuis à ‘Hévron. Les seules restrictions sont maintenant celles dues au corona.

Et le nouveau-né s’appelle… Mena’hem Mendel.

« De même qu’il est entré dans l’alliance, puisse-t-il arriver à l’âge de la Bar Mitsva, du mariage et des bonnes actions ! ».

Am Israël ‘Hay ! Le peuple juif vit !

 Nouvelles ‘Habad

Traduit par Feiga Lubecki