VAÉT’HANAN
Moché dit aux Enfants d’Israël que D.ieu ne lui a pas permis d’entrer en Terre Sainte et qu’il ne pourra la contempler que du haut d’une montagne. Il poursuit la répétition de la Torah, évoquant les événements sans précédent qui se sont produits depuis la sortie d’Egypte. Il prédit que des générations futures se détourneront de D.ieu, pratiqueront l’idolâtrie, perdues parmi les nations, mais qu’elles reviendront à D.ieu et à Ses commandements.
La Paracha inclut les Dix Commandements, le Chema Israël, les Mitsvot de l’amour du prochain, de l’étude de la Torah, des Tefilines et des Mezouzot.
Supplier et Chanter
La Paracha de cette semaine poursuit le récit de Moché concernant les événements des quarante dernières années. Moché entame son monologue en relatant la manière dont il supplia D.ieu de lui permettre d’entrer en Terre d’Israël, avec l’expression suivante : « Et j’ai imploré D.ieu ».
Le Midrach souligne que le terme hébreu employé pour « implorer », Vaèt’hanan, possède une valeur numérique de 515.
Le Baal Hatourim ajoute que ce même terme partage la valeur numérique de 515 avec le mot « Chira », signifiant « chant ». Il convient également de noter que le terme générique pour prière en hébreu, « Tefila », possède aussi cette valeur numérique de 515.
Dans les questions relatives à la Torah, chaque détail revêt une importance capitale. De surcroît, il n’existe aucune coïncidence dans la vie et encore moins dans les sujets liés à la Torah. Le fait que Moché ait exprimé sa demande à D.ieu par le terme « Vaèt’hanan : Et j’ai imploré D.ieu », possédant la même valeur numérique que les mots « Chira – chant » et « Tefila – prière », indique que la prière de Moché comportait à la fois une dimension de supplication et une dimension de chant.
A première vue, supplier et chanter semblent véhiculer des connotations opposées. Supplier évoque l’imploration et la supplique ; dans cet état, on se trouve humble, vulnérable et restreint. Le chant, en revanche, suggère un état de joie, de confiance et d’expansion. Comment dès lors concilier ces deux formes distinctes de prière ?
Les égocentriques ne peuvent être des mendiants
Lorsqu’un individu possède un ego surdimensionné, il conçoit que le monde lui est redevable en toutes choses. Les personnes dont l’ego est hypertrophié sont incapables de solliciter quoi que ce soit, car cela serait indigne à leurs yeux. Plus l’ego est grand, plus les attentes sont élevées. Par conséquent, plus ces individus reçoivent peu, plus leur frustration s’accroît. Cette frustration conduit inévitablement à la colère puis à la dépression.
En revanche, les personnes dont l’ego demeure maîtrisé et qui font preuve d’une humilité authentique considèrent que tout ce qu’elles possèdent constitue un don excédant ce qui pourrait leur être dû. Elles valorisent chaque bienfait dont elles ont le privilège de bénéficier. Jamais elles ne tiennent quoi que ce soit pour acquis et manifestent une gratitude constante envers toute forme de bien qu’elles reçoivent.
Il apparaît clairement que ce type de personnalité jouit d’un bonheur durable et exprime peu de plaintes concernant ses propres difficultés (par opposition aux problèmes des autres, auxquels il convient de ne jamais s’habituer avec complaisance).
Ainsi, une personne dotée d’un ego modéré tire pleinement profit de la vie, savourant chaque instant sans permettre aux éléments négatifs d’altérer son esprit ou sa vitalité.
Le Paradoxe
Ainsi, les deux formes de prière, la supplique et le chant, constituent deux manifestations d’un même type de personnalité. Il est évident que l’on ne peut exprimer simultanément les émotions de supplication et de joie. Néanmoins, ces deux sentiments émanent d’une source commune : l’humilité. L’individu humble n’hésitera pas à implorer l’aide divine tout en manifestant constamment un sentiment de joie et de contentement envers tous les bienfaits divins dont il a joui jusqu’au moment de la prière.
Ces émotions paradoxales associées à la prière ont été formulées par nos Sages du Talmud dans deux affirmations complémentaires : « On ne doit se lever pour prier que dans un état de soumission et d’humilité » et « On ne doit se lever pour prier que dans un état de joie ».
La thérapie pour l’exil
Dans des circonstances ordinaires, l'humilité et la joie sont essentielles pour faire face aux difficultés de la vie ; ces qualités deviennent d'autant plus cruciales en période d'exil, particulièrement dans le contexte contemporain. Ce qui rend le passé récent si éprouvant réside dans le phénomène paradoxal selon lequel des événements positifs coexistent avec certains des épisodes les plus horrifiants et troublants. Cette coexistence, cette conjugaison de lumière et d'obscurité, reflète la condition originelle du monde à sa genèse.
Les maîtres de la Kabbale (Sefer Yetsira) nous enseignent que « la fin est incluse dans le commencement ». Cette affirmation suggère que l'actuelle coexistence du bien et du mal constitue un indice révélateur que nous approchons de la fin de l'ère de l'exil et que s'annonce une nouvelle ère, celle du Machia’h, durant laquelle toute obscurité sera définitivement éradiquée. La préparation à cette époque requiert une maîtrise accrue de notre ego, ce qui conduit inévitablement à une intensification des sentiments de joie.