Inexpugnable forteresse
Tout le monde en rêve. Dans cette période de fêtes, on aimerait tant que le monde cesse ses intrusions. On aimerait tant que le temps qui passe reprenne les couleurs du bonheur et qu’aucune tragédie ni même danger ne vienne assombrir l’horizon. Mais nous avons tant vécu depuis si longtemps, aussi bien nos ancêtres que nous-mêmes, que nous avons quelque peine à y croire. Pourtant, nous entêtons-nous à penser, il y a aussi un espace pour la réalisation de cette espérance. Et, à présent que la fête de Souccot est parmi nous, nous sommes même capables de le désigner avec netteté. Il s’élève sur les terrasses, les balcons ou dans les cours d’immeuble partout dans le monde. Et, pendant une semaine, il porte le nom de Soucca.
Voilà un bien étrange édifice : un abri qui, en apparence, n’abrite guère, une demeure qui, au premier regard, semble bien rudimentaire. Cependant, même si cela ressemble matériellement à une sorte de cabane, c’est à un palais et une forteresse que nous avons à faire. Palais parce que la Présence Divine y demeure dans toute sa grandeur pendant toute la durée de la fête et que les invités spirituels de la Soucca, grands personnages de l’histoire et de l’âme juive, l’y accompagnent. Forteresse car, au travers de toutes les tribulations connues par notre peuple, elle s’est toujours dressée avec force et fierté, sous les cieux accueillants comme sous les cieux hostiles. Personne n’est jamais parvenu à nous en chasser, elle est là, foyer-refuge, accessible à tous ceux qui s’y reconnaissent, fermée aux ennemis qui veulent y porter atteinte.
Lorsque nous y entrons, c’est donc éternellement avec une émotion mêlée de respect profond et d’enthousiasme sans frein. Chacun sait qu’il peut y trouver sa place, mieux encore, qu’il y est attendu. Sans doute faut-il aussi se laisser pénétrer de son atmosphère si particulière. Elle entre en nous et ne nous laisse pas inchangés. Le secret de la confiance en D.ieu et de la joie tiennent entre ses murs, sous son toit de branchage. Un bien grand secret : à présent il nous appartient. Joyeuse fête à tous !
Un cantique absolu
Presque à la fin du cycle annuel de lecture de la Torah arrive le cantique dénommé par son premier mot : « Haazinou – Ecoutez ». C’est Moïse qui s’adresse au Peuple juif en un chant à la portée spirituelle infinie. Pourtant, ce que le texte qualifie de « cantique » est loin de ne présenter que des aspects positifs. Si son début souligne effectivement tout le bien que D.ieu a fait pour Son peuple, sa conclusion est, au contraire, une sévère remontrance. Par exemple : « Je cacherai d’eux Ma face » ! Cependant, l’ensemble porte le beau titre de cantique !
C’est que tous les événements rencontrés par le Peuple juif, même ceux qui semblent difficiles, n’ont qu’un but : parvenir à la Délivrance. Dans cette optique, ils ne sont que des étapes d’élévation qui conduisent à la perfection éternelle que Machia’h amènera. Les passages à connotation négative font ainsi bien partie intégrante d’un cantique qui célèbre l’avancée progressive de l’Histoire.
(d’après Likoutei Si’hot, vol. 24 – Haazinou Chouva)
SOUCCOT
Pourquoi la fête de Souccot a-t-elle lieu en automne ?
Souccot est la fête durant laquelle il est prescrit de résider dans une habitation temporaire appelée Soucca, pendant sept jours. Selon le texte biblique, cette pratique vise à nous rappeler que D.ieu a pourvu le Peuple juif de Souccot lors de sa libération d’Égypte.
Quelle est la définition historique des Souccot qui ont servi de modèle à la Soucca contemporaine ?
Le Talmud précise qu’il s’agit soit des abris construits par les Hébreux dans le désert pour se protéger, soit des « nuées de gloire » qui entouraient miraculeusement le campement israélite dans le désert, les protégeant ainsi des intempéries et des ennemis.
Les commentateurs s’interrogent : pourquoi ne célèbre-t-on pas Souccot durant ou immédiatement après Pessa’h, puisque c’est précisément à cette période que les Juifs ont commencé à habiter dans ces Souccot ?
Incohérent
Une explication réside dans le fait que la fête de Pessa’h se déroule au cours de la douce saison printanière. À cette période, il est tout à fait naturel pour les individus de quitter leur domicile afin de s’installer en plein air, sous des tentes ou des huttes. Si l’on célébrait Souccot au printemps, personne ne percevrait que l’habitation dans la Soucca vise à commémorer la bienveillance divine durant l’exode dans le désert, mais plutôt comme une simple question de commodité.
En programmant Souccot à l’automne, au début d’une saison froide et pluvieuse, ce qui paraît incohérent alors que la majorité des personnes quittent les abris extérieurs pour regagner leur foyer, cela illustre explicitement notre reconnaissance envers la bonté et les miracles divins.
Retour des nuées protectrices
Une autre explication avancée repose sur l’enseignement selon lequel, lorsque les Juifs adorèrent le Veau d’Or, les nuées protectrices qui les entouraient disparurent. Elles ne réapparurent seulement après que D.ieu leur eut accordé Son pardon lors du premier Yom Kippour, jour de l’expiation. Toutefois, le processus de rémission ne fut pleinement accompli qu’avec la construction du Michkane, le Tabernacle dans le désert, qui symbolisait la Volonté divine de résider à nouveau au milieu de Son peuple. Ainsi, ce n’est que quelques jours après Yom Kippour - délai nécessaire pour rassembler les contributions et ériger le Michkane - que les nuées revinrent. Cette période coïncide précisément avec le début de la fête de Souccot.
Souccot : l’aboutissement de Roch Hachana et de Yom Kippour
Une troisième interprétation, fondée sur des sources ‘hassidiques, nous enseigne que Souccot succède immédiatement à Roch Hachana et Yom Kippour car il constitue en réalité l’apogée du processus initié par ces fêtes.
Dans le livre des Psaumes, il est écrit : « Sonnez du Chofar au jour caché, au jour de notre fête ». Les commentaires expliquent que le « jour caché » fait référence à Roch Hachana, la seule fête qui se déroule lors de la nouvelle lune encore dissimulée. Par ailleurs, les mots « au jour de notre fête » désignent Souccot. Ce verset indique ainsi que ce que nous expérimentons lors du son du Chofar à Roch Hachana se manifeste pleinement durant les jours de Souccot.
En d’autres termes, Roch Hachana est le moment où nous sollicitons D.ieu pour qu’Il soit notre Roi. Par le son du Chofar, nous Le couronnons en tant que Souverain. Certes, sans Roch Hachana, D.ieu continuerait à régner, mais sans sentiment ni plaisir associé. Cette fête représente donc notre demande afin qu’Il révèle Son amour et Sa joie dans le maintien d’une relation intime avec nous.
Yom Kippour s’inscrit comme une continuation naturelle de Roch Hachana ; c’est alors que nous implorons le Pardon divin et éliminons tous les obstacles entravant notre relation avec Lui. À l’issue de Yom Kippour, nous manifestons immédiatement notre ardeur et notre enthousiasme à demeurer proches de D.ieu en entreprenant la construction d’une Soucca, ainsi qu’en préparant le Loulav et l’Etrog.
À ce stade, après avoir supplié D.ieu d’être notre Roi et d’entretenir cette relation intime (Roch Hachana), puis après avoir levé tous les obstacles (Yom Kippour), et enfin en traduisant cet engagement par des actions concrètes (les jours précédant Souccot), D.ieu répond avec ferveur en nous invitant à entrer dans Sa Soucca, c’est-à-dire à Lui permettre de nous envelopper et de nous accueillir dans Son étreinte. En effet, la Soucca représente la seule Mitsva dans laquelle on pénètre entièrement, symbolisant ainsi l’acceptation totale et inconditionnelle que D.ieu nous accorde.
Interconnectés
Après une réflexion approfondie, il apparaît clairement que les trois explications sont étroitement liées. Lorsqu’une personne est éprise d’amour pour autrui, elle accepte de vivre avec cette personne, même si cela implique de quitter son domicile confortable. L’amour que nous cultivons tout au long du mois de Tichri est précisément ce qui nous procure un sentiment de confort, y compris face aux conditions météorologiques souvent désagréables accompagnant la fête de Souccot. Cet amour nous incite à adopter des comportements non conventionnels et à éprouver de la joie en résidant dans la Soucca au moment même où la majorité des individus dits « normaux » préfèrent se réfugier à l’intérieur. De manière analogue, lorsque le Peuple juif manifesta son désir ardent que D.ieu habite parmi eux par sa contribution à la construction du Michkane, cela témoignait d’un amour profond et sincère. En effet, l’amour d’un Baal Techouvah, celui qui se repent de ses transgressions passées, est plus intense que celui d’un Tsaddik qui n’a jamais péché. Nos Sages affirment ainsi que « là où se tient un Baal Techouvah, un Tsaddik parfait ne peut pas se tenir ». Cette Techouvah, motivée par une passion sans précédent pour D.ieu, née du péché lui-même, transforme les fautes du pénitent en une véritable vertu.
Dépasser les limites
Lorsqu’on est profondément épris, cela se manifeste par des actions qui transcendent la normalité. Comme l’affirment nos Sages à propos de l’amour porté par notre Patriarche Avraham, « l’amour conduit à franchir les bornes ». Il n’est donc pas étonnant qu’en période d’intense amour, nous soyons prêts à quitter le confort de nos foyers pour passer une semaine dans une Soucca précaire.
Cette perspective éclaire également la pratique observée chez de nombreux maîtres ‘hassidiques et leurs disciples, qui choisissent de manger dans la Soucca même lorsque la loi juive les en exempte, notamment en cas de pluie. La loi juive dispense clairement ceux que la Soucca mettrait en difficulté ; pourquoi alors insisteraient-ils pour y demeurer ?
À la lumière de ce qui précède, cette attitude s’explique aisément. La Soucca représente l’abri que l’on investit avec joie en raison de notre amour pour D.ieu, indépendamment du manque de confort qu’elle peut engendrer. En effet, ne pas manger dans la Soucca constitue une souffrance plus grande et une cause d’angoisse plus profonde, pour un être animé par l’amour, que celle provoquée par la pluie.
Extrêmement épris
Les raisons pour lesquelles nous prions ardemment pour la venue du Machia’h sont multiples. Elles vont des bienfaits matériels qui en découleront à l’instauration d’une véritable sécurité et paix pour notre nation tout entière, ainsi que pour le monde entier.
Cependant, la raison ultime réside dans notre aspiration à demeurer ensemble sous la « Soucca de la Paix », métaphore d’une conscience élevée et d’une proximité accrue avec D.ieu. Tant que nous sommes en exil, il nous est impossible d’atteindre le plus haut degré de conscience divine ainsi que l’amour qu’elle engendre. Nous sommes donc animés par une passion dévorante pour D.ieu, attendant avec impatience qu’Il nous libère.
Une manière concrète d’exprimer cet amour est de résider dans une Soucca, fruit de l’amour envers D.ieu, cultivé au cours des jours et semaines précédents. En habitant dès maintenant dans la Soucca, malgré l’inconfort qu’elle peut comporter, nous témoignons de l’intensité de notre amour pour D.ieu et de notre détermination à être accueillis dans Sa Soucca. Nous ne saurons trouver satisfaction tant que le Machia’h ne nous aura pas délivrés de l’exil pour nous introduire dans le Sanctuaire reconstruit de D.ieu, où nous serons embrassés par Sa présence.
Comment alors exprimer cette attente fervente et cet amour profond ?
En habitant dès à présent dans la Soucca, bien que cela puisse impliquer un certain inconfort, nous témoignons de l'intensité de notre amour pour D.ieu ainsi que de notre détermination à demeurer dans Sa Soucca. Nous affirmons par là que nous ne serons pleinement satisfaits qu'au moment où le Machia’h mettra fin à notre exil et nous introduira dans le Sanctuaire reconstruit par D.ieu.
- SOUCCOT du lundi soir 6 octobre au mercredi soir 8 octobre 2025
« Dans des Souccot, vous habiterez durant sept jours… afin que vos générations sachent que c’est dans des Souccot que J’ai fait habiter les enfants d’Israël lorsque Je les ai fait sortir du pays d’Egypte ».
Chaque Juif prend ses repas dans une Soucca, une cabane recouverte de branchages, depuis lundi soir 6 octobre 2025 jusqu’à Chemini Atséret inclus, c’est-à-dire mardi après-midi 14 octobre. On essaiera d’habituer les petits garçons à prendre aussi leur repas dans la Soucca. Les femmes ne sont pas astreintes à ce commandement. Il est recommandé d’avoir des invités dans la Soucca.
Avant d’y manger du pain ou du gâteau, ou d’y boire du vin, on dira la bénédiction adéquate suivie de la bénédiction :
« Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Léchève Bassoucca. »
« Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné de résider dans la Soucca. »
Lundi 6 octobre 2025, après avoir mis quelques pièces à la Tsedaka (charité), avant 19h 00 (en Ile-de-France), les femmes mariées allument au moins deux bougies (les jeunes filles et les petites filles allument une bougie. On veillera aussi à allumer une bougie de 48 heures) en récitant les bénédictions suivantes :
1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Léhadlik Nèr Chèl Yom Tov. »
« Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné d’allumer la lumière de la fête. »
2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vékiyémanou Véhiguianou Lizmane Hazé ».
« Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a fait vivre et exister et parvenir à cet instant. »
Mardi 7 octobre 2025, après 20h01 (en Ile-de-France) elles allument les bougies - à partir de la bougie de 48 heures allumée avant la fête - avec les mêmes bénédictions que la veille : 1) et 2).
Mercredi soir 8 octobre, la fête se termine à 20h 02 (en Ile-de-France) et on récite la prière de la Havdala sur un verre de vin, avec les bénédictions « …Boré Péri Haguéfen et Hamavdil » (sans bougie et sans épices odorantes)..
On entre dans la semaine de ‘Hol Hamoèd, demi-fête. On évite de travailler. On ne met pas les Téfilines (sauf dans certaines communautés ashkénazes.
- A partir de mardi matin 7 octobre et jusqu’au lundi 13 octobre inclus, on récite chaque jour (sauf Chabbat) la bénédiction sur les « quatre espèces » (cédrat, branche de palmier, feuilles de myrte et feuilles de saule) avec la bénédiction :
« Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Al Nétilat Loulav. »
« Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné de prendre le Loulav. »
La première fois, on ajoute :
« Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vékiyémanou Véhiguianou Lizmane Hazé. »
Tous les soirs de Souccot, on organise, si possible dans la rue, une fête joyeuse, Sim’hat Beth Hachoéva.
- Hochaana Rabba (lundi 13 octobre 2025)
- On agite les Quatre Espèces en récitant la bénédiction.
- On récite les Hochaanot pendant la prière du matin ; on entoure sept fois la Bima (estrade).
- On frappe par terre les Aravot (cinq branches de saule). C’est une très ancienne coutume instituée par les Prophètes.
- CHEMINI ATSERET:
Lundi soir 13 octobre, avant 18h 46 (en Ile-de-France), les femmes, jeunes filles et petites filles mettront des pièces à la Tsedaka et allument les bougies de la fête (ainsi qu’une bougie de 48 heures) en récitant les bénédictions 1) et 2).
On mange encore dans la Soucca mais sans réciter la bénédiction « …Léchèv Bassoucca ».
Dans certaines communautés, on procède aux Hakafot ce lundi soir en dansant dans la synagogue avec les rouleaux de la Torah. Les enfants dansent également.
Mardi 14 octobre 2025 :
- Prière de Yizkor pour les parents disparus
- Prière de « HaGuéchème » pour la pluie.
- Birkat Cohanim, bénédiction des Cohanim.
- SIM’HAT TORAH :
Mardi soir 14 octobre 2025 après 19h 47, les femmes, jeunes filles et petites filles allument les bougies de la fête (les femmes mariées deux bougies, les filles une seule bougie) à partir de la bougie de 48 heures allumée la veille avec les mêmes bénédictions 1) et 2). A partir de ce soir, on ne mange plus dans la Soucca.
Hakafot : on danse mardi soir dans la synagogue avec les Sifré (rouleaux de la) Torah.
Mercredi 15 octobre 2025, Hakafot le matin à la synagogue.
La fête se termine à 19h 48. On récite la prière de la Havdala sur un verre de vin, avec les bénédictions « Boré Péri Hagafèn et Hamavdil » (sans bougie et sans épices odorantes).
- CHABBAT BERECHIT :
- Allumage des bougies vendredi 17 octobre 2025 avant 18h 38.
- Chabbat se termine à 19h 43, cérémonie habituelle de la Havdala.
Dites-le avec des fleurs ?
Ce qui est évident dans certaines régions du globe l’est moins dans d’autres pays. Je le savais bien sûr avant de m’installer en Zambie avec mon mari pour revitaliser la communauté juive mais je ne l’ai vraiment réalisé que la première fois que nous avons préparé Souccot.
Il était midi la veille de ces deux jours de fête et je m’agitais dans la cuisine pour préparer des repas communautaires pour trente personnes.
Mon mari arriva à la maison, la mine décomposée :
- Ils refusent de laisser entrer dans le pays le Loulav et l’Etrog que nous avons commandés pour la fête ! (Ils : c’était la douane zambienne ; la Zambie est l’ancienne Rhodésie, un pays d’Afrique australe ; le Loulav et l’Etrog, ce sont deux des Quatre espèces nécessaires pour les sept jours de fête…). Nous n’aurons pas de Loulav et d’Etrog pour Souccot !
- Comment ? Sommes-nous en Russie communiste pour être privés des besoins élémentaires de la vie juive ? Pas question !
Je saisis le téléphone de mes mains pleines de pâte à ‘Hallot et appelai par FaceTime Victor, l’avocat que nous avions envoyé à l’aéroport pour récupérer nos boîtes de Loulav et Etrog :
- Je veux parler à la personne qui s’en occupe !
Quelques minutes plus tard, j’avais au bout du fil la directrice du Département de l’Agriculture de Zambie :
- Hé Madame, m’annonça-t-elle d’un ton qui n’admettait pas de réplique, vous n’avez pas signé tous les formulaires et documents exigés par le Ministre de l’agriculture d’Afrique du sud.
- Pas de problème, je vais le faire immédiatement. Indiquez-nous quels sont ces documents.
- Ah non, Madame ! Cela risque de prendre quelques jours ou même quelques semaines ! En attendant, vos fleurs resteront chez nous !
Je commençai à paniquer :
- Ce ne sont pas des fleurs ! C’est une obligation religieuse pour moi et ma famille et toute notre communauté ! C’est une question de vie ou de mort ! Notre fête débute dans quelques heures et il nous les faut absolument ! Donnez-moi un prix, vous aurez l’argent !
Elle se mit en colère en comprenant que je tentai de la corrompre et, pendant un long moment, me reprocha de ne pas respecter le protocole du pays et d’enfreindre la loi en important des produits agricoles sans permission.
Mon mari s’est mis à rechercher les horaires des prochains avions. Devrions-nous préparer en toute hâte nos bébés et nos bagages et prendre l’avion pour Johannesburg en espérant arriver quelques minutes avant la fête ? En laissant notre communauté derrière sans Loulav et Etrog ? NON ! Si les Juifs de notre ville ne pourraient pas accomplir la Mitsva des Quatre Espèces, nous ne l’accomplirons pas non plus !
Nous avons envoyé fiévreusement des messages dans nos groupes WhatsApp ; peut-être un étudiant de Yechiva à Johannesburg serait-il par hasard près de l’aéroport et serait disposé à sauter dans un avion dans les minutes qui suivent ? Non, pas de chance. Et l’heure tournait…
Nous étions de plus en plus angoissés. Comment nous, émissaires du Rabbi, pouvions-nous rester sans les Quatre espèces pour Souccot ?
Dix minutes plus tard, j’étais prête à vider tout mon compte en banque mais elle demeurait intraitable. J’envoyai par téléphone un message urgent qui serait déposé au Ohel, l’endroit où est enterré le Rabbi à Queens, au cimetière Montefiore.
Soudain, sans raison apparente, elle suggéra un prix : 1500 ZMW, l’équivalent de 50 dollars. Je n’en croyais pas mes oreilles :
- Vous parlez sérieusement ? Si je vous envoie cette somme, vous remettrez les « fleurs » à mon avocat ?
- Oui Madame. Pas un ZMW de moins !
Nous n’avons pas de distributeur devant les banques en Zambie. Mon mari a sauté dans un taxi, a couru à la banque et, dix minutes plus tard, l’argent était remis en mains propres. Voilà ! Le miracle était arrivé, nous aurons un Loulav et un Etrog cette année !
Enfin, c’est ce que je croyais…
Je rappelai Victor, l’avocat :
- Donc vous avez obtenu le Loulav et l’Etrog ? Vous arrivez bientôt ?
- Non Madame, répondit-il avec la nonchalance spécifique des Zambiens… Nous devons encore passer dans trois bureaux pour finaliser la transaction.
Je vous épargne les détails mais nous avons passé les trente minutes suivantes à supplier, convaincre et payer d’innombrables intermédiaires qui accepteraient de sacrifier leur pause-déjeuner sacro-sainte pour s’occuper de nos « fleurs ».
Finalement, nous avons reçu la photo tant attendue des boîtes dépassant de la portière de la voiture : « C’est bon, Madame, les voici ! ».
- Je ne vous crois pas tant que je n’aurai pas ouvert au moins une boîte !
Nous avons enfin pu respirer, rassurer tous nos parents et amis qui s’étaient inquiétés pour nos « fleurs », donner le bain aux enfants, enfourner les ‘Hallot et terminer de préparer le repas communautaire pour trente personnes.
Je n’avais jamais regardé les Quatre espèces avec autant d’admiration, d’amour, de soulagement et de satisfaction.
- Vous avez intérêt à les emporter chez vous et à accomplir chaque jour la Mitsva, précisai-je à tous les membres de la communauté qui vinrent récupérer leurs commandes ce jour-là. J’ai quasiment vidé le compte en banque du Beth ‘Habad pour la Mitsva ! Sachez que vos Loulav et Etrog sont véritablement des miracles, sachez les apprécier en conséquence !
C’est promis, l’année prochaine, nous enverrons nos commandes dès Chavouot pour ne plus expérimenter ce casse-tête mais j’ai appris une bonne leçon : c’est vrai, nous sommes tous un peu fous mais c’est une « folie de sainteté » pour accomplir les Mitsvot et aider les autres à les accomplir eux aussi. Dans ces pays un peu « spéciaux » où aucune Mitsva n’est évidente, où on n’est même pas sûr d’avoir de quoi payer l’électricité ou même de disposer d’électricité et d’eau chaude pour laver les enfants, nous avons appris - nous avons dû apprendre - à apprécier chaque élément de notre mission et à chérir chacune des soixante-dix précieuses âmes juives dispersée en Zambie.
Rivkie Hertzel - COLlive
Traduite par Feiga Lubecki