Quand la porte s’ouvre…
C’est un jour d’une lumière particulière sur le calendrier. Il était attendu et est déjà parmi nous. Il se nomme « 19 Kislev » et ce simple nom est d’ores et déjà tout un programme. Jour de la libération de Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi, le premier Rabbi de ‘Habad, il est le « Roch Hachana de la ‘Hassidout ». Comment s’étonner, dès lors, de la référence à la lumière ? C’est qu’un Roch Hachana porte en lui une puissance infinie. Littéralement « tête de l’année », il en contient tous les éléments vitaux, tout ce qui lui donne sens et portée. Le vivre, c’est donc se munir des potentialités nécessaires à un quotidien qui, enfin, échappe à la routine pour nous entraîner vers des sommets jusqu’ici ignorés.
C’est dire que la venue d’un tel jour ne fait pas que constituer point de repère dans le flot calendaire, elle apporte un temps indispensable, comme une garantie de permanence au cœur d’un monde instable. Car qu’est-ce que la ‘Hassidout sinon, justement, un chemin tracé pour parvenir à l’union avec D.ieu, un chemin ambitieux et pourtant accessible à tous ? Certes, une telle démarche implique effort et concentration. Elle ne peut s’exprimer dans cette forme d’abandon si familière à notre époque. Mais cet effort n’est pas retrait du monde ni mortification. Il n’est pas non plus corrélé à une quelconque forme de tristesse. Au contraire, il est porté par cette joie-là qui caractérise le lien avec D.ieu, l’élan vers l’infini.
Le jour du 19 Kislev est ainsi comme une porte ouverte vers ce qui nous dépasse. Par l’étude de la Torah, et en particulier de la ‘Hassidout, et surtout par la transformation intérieure profonde qui en résulte, il nous conduit vers un aboutissement : la libération de nos chaînes intellectuelles, morales et spirituelles et, ainsi, la délivrance dans laquelle nous pouvons entrer si seulement nous le désirons avec sincérité. Et cette délivrance n’est pas qu’une aventure personnelle. Elle est, bien plus, l’accomplissement des prophéties : la Délivrance ultime, celle de tout l’univers, par la venue de Machia’h, qui apportera la connaissance profonde que nous commençons justement à partager en ce jour. Puisse-t-elle nous apparaître dès à présent.
Le soleil et la lune
Le texte de la Torah (Gen. 38 : 28-30) nous annonce la naissance de Pérètz et Zara’h, fils de Yéhouda. A leur propos, les commentateurs relèvent que Zara’h est comparable au soleil tandis que Pérètz l’est à la lune. Quel est le sens de cette parabole ?
Le soleil représente le mode de service de D.ieu des Justes. En effet, ceux-ci ne connaissent ni changement ni chute. Comme le soleil qui éclaire de façon constante, ils sont d’une perfection immuable. A l’inverse, la lune symbolise le service de D.ieu des Baalé Techouva, ceux qui ont commis des fautes et sont revenus à D.ieu. Ils ont ainsi connu la chute et redécouvert la plénitude, comme la lune qui décroit pour revenir à la perfection.
Cette idée explique pourquoi c’est de Pérètz, ancêtre de la dynastie du roi David, que descendra le Machia’h. Car un des apports essentiels de ce dernier sera justement de donner accès à la Techouva aux Justes puisque celle-ci est toujours d’une grandeur et d’une puissance inégalables !
(D’après Likoutei Si’hot vol. XXX –
Parachat Vayéchev II)
VAYÉCHÈV
Yaakov s’établit à ‘Hévron avec sa famille. Il montre de la préférence pour Yossef, âgé de dix-sept ans, et lui réserve un traitement de faveur, comme le don d’une tunique multicolore, suscitant la jalousie de ses autres fils. Yossef raconte à ses frères deux de ses rêves qui prédisent qu’il est destiné à les diriger. Cela accroît encore leur jalousie et leur haine à son égard.
Chimon et Lévi complotent de le tuer mais Réouven suggère de le jeter plutôt dans un puits, avec l’intention de revenir le sauver. Alors que Yossef est dans le puits, Yehouda le vend à des voyageurs ismaélites. Les frères font croire à leur père que Yossef a été dévoré par un animal sauvage.
Yehouda se marie et a trois enfants. L’aîné, Er, meurt jeune et sans enfant et sa femme est mariée, en lévirat, à son second fils, Onan. Onan pêche et est frappé par une mort prématurée. Yehouda se refuse à lui donner son troisième fils. Mais Tamar, déterminée à avoir un enfant de la famille de Yehouda, se déguise et attire Yehouda lui-même. Quand Yehouda apprend qu’elle est enceinte, il la condamne à être exécutée mais devant les preuves, il réalise et reconnaît qu’il est le père. Tamar donne naissance à deux fils jumeaux : Pérets (ancêtre du Roi David) et Zéra’h.
En Égypte, Yossef est vendu à Potiphar, ministre du Pharaon. D.ieu bénit toutes ses entreprises chez Potiphar mais sa femme le convoite et, devant son refus, le fait emprisonner. Il gagne la faveur de l’administration pénitentiaire. Il rencontre le maître échanson et le maître panetier du Pharaon, interprète correctement leurs rêves et demande au maître échanson, qui sera libéré, d’intercéder en sa faveur auprès du Pharaon. Ce qui est oublié
Lien entre ‘Hanouccah et la Paracha Vayéchèv
Dans la majorité des années, cette Paracha est lue le Chabbat précédant ‘Hanouccah, tandis que dans certains cas, elle correspond au premier jour de cette fête. Il est donc légitime de supposer l’existence d’un lien entre cette Paracha et ‘Hanouccah.
À première vue, aucun rapport évident ne semble exister. Toutefois, un éminent talmudiste et kabbaliste du XVIIe siècle, connu sous le nom de Chaloh, affirme que chaque lecture de la Torah possède une connexion intrinsèque avec les fêtes juives célébrées à proximité temporelle de sa lecture. Dès lors, quelle est la nature du lien entre Yossef et ‘Hanouccah ?
Une croissance constante
Un élément manifeste reliant Yossef à ‘Hanouccah réside dans son nom même - Yossef - qui signifie « accroître » ou « augmenter ».
À la naissance de Yossef, Ra’hel formula le vœu suivant : « Que D.ieu m’ajoute un autre enfant ». Autrement dit, la venue au monde de Yossef suscita chez sa mère l’espérance d’autres progénitures. Ce concept constitue également l’essence même de la fête de ‘Hanouccah. Dès l’allumage de la première bougie, nous prenons conscience que la Menorah comporte sept emplacements destinés à être utilisés lors des nuits suivantes afin d’augmenter (« Yossef ») la lumière. De même que le thème de l’accroissement est suggéré dans le nom même de Yossef. Le terme « ’Hanouccah » est, quant à lui, considéré comme un acronyme formant la phrase suivante : « Huit bougies, et la loi est tranchée selon l’école de Hillel ». Plus précisément, le « ‘Hèt » représente « le chiffre huit » ; le « Noun » signifie « Nérot », c’est-à-dire « bougies ou lumières » ; le « Vav (ou) » correspond à « VéHalakha », traduit par « et la loi est tranchée » ; le « Khaf » indique « KeBeth », signifiant « selon l’école de » ; enfin, le dernier « Hé » renvoie à « Hillel ». (Hillel prônait que le nombre de lumières de ‘Hanouccah doit croître chaque jour : le premier jour une lumière, le deuxième jour, deux lumières, etc.)
Cette analyse souligne que le nom même de ‘Hanouccah incarne l’idéal d’un accroissement continu ainsi qu’une élévation dans les sphères du sacré, deux notions employées par le Talmud en référence à l’allumage de la Menorah.
Conflits entre frères
En abordant le récit de Yossef et de ses frères, il est possible d’identifier une dimension supplémentaire dans la relation entre cet épisode et l’histoire de ‘Hanouccah.
Les deux événements mettent en lumière un conflit interne. L’histoire de ‘Hanouccah ne se réduit pas à une opposition entre les Juifs et leurs oppresseurs grecs. À l’instar du différend opposant Yossef à ses frères, elle inclut également une lutte interne opposant les Juifs loyalistes aux hellénistes, ces derniers étant particulièrement enclins à s’assimiler à la culture grecque.
Prélude à la domination
Un troisième parallèle mérite d’être souligné entre Yossef et ‘Hanouccah. Pour introduire le récit du séjour de Yossef en Égypte, la Torah emploie l’expression « et Yossef fut descendu en Égypte ». Le mot hébreu pour « descendu » - « Hourad » -, est lié, selon le Midrach, au terme « Véyèrd » signifiant « il dominera ». Ce terme renvoie clairement à une notion de royauté et d’autodétermination, ainsi qu’à une allusion prophétique à l’influence spirituelle et à la domination que le Machia’h exercera sur l’ensemble du monde.
Ainsi, la prétendue descente de Yossef en Égypte constitue en réalité un prélude à son ascension royale. Par ailleurs, ce déclin recelait le potentiel d’une élévation fulgurante, ce qui explique que le même mot désignant la « descente » signifie également exercer une domination.
Ce phénomène trouve son écho dans l’histoire de ‘Hanouccah qui est célébrée, entre autres raisons - comme l’explique Maïmonide - parce qu’elle a restauré la souveraineté du Peuple juif. Passant de l’état de « Hourad », c’est-à-dire d’assujettissement par les Grecs et leurs sympathisants juifs hellénistes, ils accédèrent désormais à l’état de « Véyèrd » - devenant indépendants et exerçant leur domination ainsi que leur contrôle sur leur propre terre et destin.
En effet, selon Na’hmanide, si les héros hasmonéens avaient confié la direction aux descendants du roi David, héritiers légitimes du trône, le statut spirituel du Peuple juif aurait continué à croître (« Yossef ») et cela aurait conduit à l’Ère messianique.
Parallèles entrelacés
Une analyse approfondie révèle que ces trois parallèles entre Yossef et ‘Hanouccah sont étroitement imbriqués. Yossef possédait une capacité singulière à croître et à s’élever, comme en témoignent ses rêves annonciateurs de royauté et de leadership. L’incapacité de ses frères à comprendre son combat contre son ambition de pouvoir a initialement engendré un clivage entre eux. Toutefois, Yossef triompha finalement, accédant à la royauté conformément à ses visions prophétiques, et il établit ultérieurement la paix avec ses frères en les soutenant et en les protégeant.
De manière analogue, l’histoire de ‘Hanouccah illustre le conflit fraternel. D’un côté se trouvaient ceux qui aspiraient à préserver des valeurs juives authentiques, animés par un esprit de croissance spirituelle continue ; ils incarnaient l’esprit de Yossef destiné à guider leur destinée. De l’autre côté, se dressaient leurs frères cherchant à assujettir eux-mêmes ainsi que tout le Peuple juif sous la domination d’une culture étrangère susceptible de réprimer cette dynamique de croissance juive. ‘Hanouccah représente ainsi la victoire de cet esprit de Yossef, ayant conféré une indépendance relative au Peuple juif, tout en semant les germes nécessaires pour la Rédemption ultime par le Machia’h.
Les femmes et jeunes filles ont-elles l’obligation d’allumer la ‘Hanoukia ?
Réponse : Les femmes et jeunes filles ont subi de terribles restrictions durant l’occupation grèque.
Par ailleurs, la victoire militaire fut en grande partie due à l’action héroïque d’une femme, Yehoudit. C’est pourquoi les femmes et filles ont l’obligation d’assister à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah par un homme. Dans le cas où il n’y a pas d’homme (ou garçon de plus de treize ans) pour les rendre quittes, elles allumeront leurs propres lumières de la fête.
Que doit faire celui qui rentre chez lui très tard le soir de ‘Hanouccah ?
Normalement on doit allumer les lumières de ‘Hanouccah de façon à « publier le miracle », donc quand les gens sont réveillés.
On peut allumer les lumières de ‘Hanouccah en principe toute la nuit, à condition que quelqu’un soit éveillé dans la maison. Si tout le monde dort, il faudrait normalement réveiller au moins une personne.
Cependant celui qui allume sa ‘Hanoukia alors que plus personne n’est éveillé ne sera pas réprimandé pour cela.
Si on allume la ‘Hanoukia en public, dans une synagogue ou une fête, doit-on prononcer les bénédictions ?
De nombreux décisionnaires tranchent qu’il faut allumer la ‘Hanoukia avec les bénédictions dans tout endroit où des Juifs se réunissent, que ce soit dans une fête, un restaurant, un mariage etc… afin de rendre le miracle public.
Même si on assiste à un allumage public, on doit allumer sa ‘Hanoukia avec les bénédictions une fois qu’on est rentré chez soi.
(d’après Rav Yossef Ginsburgh)
Trois ‘Hanoukiot, trois histoires…
Chaque année, le premier soir de ‘Hanouccah, alors que se répandent aussi bien l’odeur de l’huile qui brûle dans le chandelier que celle des délicieux beignets traditionnels, Rav Yera’hmiel Gorelik (Chalia’h - émissaire du Rabbi à Tioumen, en Sibérie) réunit ses enfants et ses invités pour leur raconter l’histoire de la fête mais aussi d’où proviennent ses trois ‘Hanoukiot, ses trois chandeliers si particuliers.
« Comme chacun d’entre nous, la fête de ‘Hanouccah nous rappelle notre enfance. Quant à moi, je me souviens de la ‘Hanoukia de mon père. Elle était absolument surprenante : en métal, adossée contre un « mur » façonné comme le Kotel, le Mur occidental mythique auquel rêvaient nos ancêtres et près duquel nous avons la chance de pouvoir prier à Jérusalem. Le socle de cette ‘Hanoukia avait la forme de la carte d’Eretz Israël, la terre sainte. D’où venait-elle ?
C’était dans les années soixante, sous le régime communiste de l’Union Soviétique. Mon père habitait à Riga, la capitale de la Lettonie. Son grand-père Rav Natane Barkane travaillait dans une usine et avait obtenu une place importante. Un jour, il demanda à ses ouvriers de confectionner un chandelier avec huit godets situés sur une seule ligne avec un neuvième godet situé un peu plus haut. Les employés ne savaient pas qu’en fait, ils fabriquaient une ‘Hanoukia. Il leur ordonna d’en confectionner encore plusieurs spécimens et il les distribua dans sa communauté clandestine de ‘Hassidim. Il offrit la plus jolie au jeune homme qui venait d’épouser sa fille, Morde’haï Gorelik, mon père. Quand mes parents parvinrent à quitter ce pays et à s’installer en Erets Israël en 1971, ils emportèrent bien sûr cette ‘Hanoukia. Mon père qui est architecte aurait pu se confectionner bien d’autres modèles, plus majestueux mais il préférait utiliser cette ‘Hanoukia qui symbolise l’héroïsme de ces Juifs soumis aux persécutions communistes et qui persistaient néanmoins à respecter à tout prix leurs lois et coutumes, à transmettre à leurs enfants leur espoir de revoir bientôt leur terre sainte pour y pratiquer pleinement le judaïsme.
Cependant, dans la maison de ses parents à Kiryat Malakhi, il y avait aussi une autre ‘Hanoukia peu commune. Celui qui l’observe attentivement remarquera qu’elle est constituée de douilles de balles de fusil ! C’était peu après la guerre de Kippour en 1973, raconte le fils. Mon père servait dans l’unité des tanks dans le Sinaï. A l’approche de ‘Hanouccah, il se demandait comment il pourrait allumer les lumières de la fête. Les douilles de balles dispersées dans le sable autour de sa base lui donnèrent une idée. En plein désert, entre les tanks et les jeeps, il transforma les douilles vides en godets posés sur une simple planche et, chaque soir de la fête, il allumait les mèches devant des dizaines de ses camarades réunis dans une joyeuse atmosphère festive.
Passons à la troisième ‘Hanoukia peu commune de Rav Gorelik. Il y a une quinzaine d’années, il s’est installé avec son épouse et leur fille aînée à Tioumen en Sibérie. « Nous sommes arrivés un vendredi matin, veille de ‘Hanouccah. Nous avons attendu dans le froid mordant extrême l’arrivée des valises mais nous avons dû constater que celle qui contenait tout le nécessaire de la fête avait été perdue. Nous ne pouvions pas nous permettre d’attendre plus longtemps et nous sommes partis nous installer dans l’appartement que nous avions réservé. Le cœur battant, je suis parti frénétiquement à la recherche d’huile d’olive pure, un peu comme les Cohanim à l’époque du grand-prêtre Matitiyahou. Je suis entré dans un magasin puis un autre et un troisième jusqu’à ce que je parvienne à obtenir une fiole d’huile d’olive. Puis je me suis attelé aux préparatifs de Chabbat quand j’ai soudain réalisé que je n’avais pas non plus de chandelier. Je me suis alors souvenu comment mon autre grand-père, le regretté Rav Mendel Gorelik avait réussi à allumer les lumières de ‘Hanouccah dans les « camps de redressement » du goulag Soviétique : il conservait précieusement des pommes de terre qu’il coupait en deux et évidait afin qu’il puisse y verser l’huile nécessaire à l’accomplissement du commandement. Alors comme mon grand-père, moi aussi j’ai allumé les lumières de ‘Hanouccah dans un chandelier à base de pommes de terre coupées en deux : la tradition a perduré en Sibérie…
Rassurez-vous : la vie juive s’est, depuis, bien développée à Tioumen comme dans d’autres villes de Sibérie et d’ailleurs. Si le cœur vous en dit, vous pouvez assister à l’allumage d’une ‘Hanoukia géante sur la grande place de Tioumen ! Bon courage !
Mena’hem Cohen – Si’hat Hachavoua N° 1771
Traduit par Feiga Lubecki