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Semaine 19

  • Emor
Editorial
Aimer l’autre

Le mois de Iyar déroule ses jours avec une constante majesté. Au fil du calendrier, tous ensemble, nous avançons sur ce chemin qui, de la sortie d’Egypte, nous conduit au Don de la Torah, à la fête de Chavouot. Pendant tout ce temps, nous portons tous, en tête et en cœur, la même pensée : nous attacher à D.ieu. Il est vrai que la période est d’importance. Mais voici que, de cette façon, une grande idée, ancienne et nouvelle à la fois, apparaît. Elle a pour nom « amour du prochain, unité du peuple juif ».

De fait, ce sont là de vieilles notions. Le texte de la prière du matin nous le rappelle quotidiennement : « Bénis-nous, notre Père, tous comme un de la lumière de Ta face ». Comme pour dire que c’est seulement lorsque nous sommes « tous comme un » que la bénédiction divine peut nous être accordée. Certes, les hommes sont tous différents les uns des autres. Certes aussi, comme le souligne le Talmud, leurs opinions et leur visage ne sont pas identiques. C’est aussi là la richesse du genre humain. Cependant, ces différences, pour réelles qu’elles soient, ne sont que l’extérieur des choses. Profondément, nous avons tous le même Père et notre âme est une. C’est dire que l’idée d’amour du prochain va beaucoup plus loin qu’une fraternisation entre êtres qui partagent la même demeure planétaire. C’est d’une unité profonde qu’il s’agit et celle-ci modifie l’essence même de nos perceptions. Par elle, l’autre n’est jamais plus loin que soi-même. Plus encore, sans lui, nous sommes littéralement incomplets, comme un corps auquel il manquerait un élément.

Ces idées d’amour et d’unité, dans la mesure où elles expriment l’essence des choses, sont donc fondamentales mais, surtout, elles ne peuvent rester au niveau des théories séduisantes. Elles doivent porter à conséquence, trouver leur expression concrète. C’est ici qu’intervient l’action de chacun. En effet, nous pouvons donner un sens à tout cela. La structure de notre âme nous en donne le pouvoir : penser à l’autre n’est pas un exercice difficile, c’est une réalité quotidienne. Se soucier de lui n’est pas une démarche d’illusion, c’est une avancée dans le réel. En d’autres termes, on n’est soi-même que lorsqu’on est totalement uni à l’autre et qu’on sait en tirer toutes les conséquences de ce fait. Cela signifie que nul ne peut rester indifférent à ce qui arrive à autrui, que le but ultime est peut-être simplement de donner à son prochain ce dont il a besoin, matériellement ou spirituellement. Un chemin d’unité ? Celui de Machia’h.
Etincelles de Machiah
Un amour sans raison

Le Temple a été détruit du fait d’une haine imméritée (Traité du Talmud Yoma 9b). Aussi, cela doit être réparé par un amour gratuit, c’est-à-dire un amour éprouvé pour chaque Juif sans aucune raison, même pour ceux qui n’en semblent pas être dignes.

C’est là le sens profond de l’enseignement de nos Sages (Targoum Yonatan sur Chemot 4:13) : « Pin’has est Elie (le prophète) ». Pin’has, en effet, représente la paix et l’unité comme en témoigne la promesse de D.ieu : « Je lui accorde Mon alliance de paix ». Or, c’est cette unité qui amènera le prophète Elie, l’annonciateur de la Délivrance.
(d’après Likoutei Si’hot, vol. II, p. 598)
Vivre avec la Paracha
Emor Pessa’h chéni :
une nouvelle chance pour un progrès spirituel

Une nouvelle opportunité
Pessa’h Chéni (le second Pessa’h) est célébré le 14 Iyar, un mois après Pessa’h. La Torah relate que la première année qui suivit l’Exode, alors que le Peuple Juif se préparait à apporter le sacrifice pascal, «certains hommes étaient impurs (parce qu’ils avaient été en contact avec] un cadavre. Ils s’approchèrent de Moché …et dirent : «nous ne sommes pas purs… [mais]° pourquoi serions-nous empêchés d’offrir le sacrifice de D.ieu en son temps ?...»
Et Moché leur répondit : «Tenez-vous là et écoutez le commandement de D.ieu vous concernant».
D.ieu dit… «Si un homme est impur… ou sur un chemin éloigné [le jour du sacrifice pascal]… il apportera l’offrande de Pessa’h à D.ieu, le second mois, le quatorzième jour au crépuscule…».
Tous ceux qui n’avaient pu apporter cette offrande, parce qu’ils étaient impurs ou qu’ils avaient volontairement transgressé la volonté de D.ieu se voyaient donc donner l’opportunité de compenser leur manquement à l’occasion de Pessa’h Chéni.

«Il n’est jamais trop tard !»
Le Rabbi précédent a expliqué que Pessa’h Chéni nous enseigne que «rien n’est jamais perdu : il n’est jamais trop tard ! Notre conduite peut toujours être rectifiée. Même celui qui est impur, quand bien même il l’a désiré, peut toujours se corriger». Rien ne justifie le désespoir. Chaque individu, quelle que soit sa situation, a toujours la possibilité de faire un saut en avant (traduction littérale du mot Pessa’h) dans son service divin.
Quand on comprend le sens de Pessa’h Chéni, on peut se demander pourquoi il fut institué un mois entier après Pessa’h, au mois d’Iyar. N’aurait-il pas été plus opportun de remédier à nos déficiences à l’occasion la plus proche, en Nissan ?
Nous pouvons répondre à cette question en comparant les caractéristiques spirituelles de Nissan à celles de Iyar. Nissan est un mois de révélation, le mois au cours duquel D.ieu révéla Sa grandeur et sauva le peuple juif en dépit de ses déficiences. Iyar, par contre, est le mois de l’entreprise humaine, une qualité rendue explicite par la Mitsva du compte de l’Omer. Le thème de Iyar, le raffinement personnel initié par l’individu lui-même, est en accord avec la nature de Pessa’h Chéni, la fête au cours de laquelle l’individu qui n’était pas motivé par Pessa’h reçoit une nouvelle occasion de s’élever.

Pessa’h et le ‘Hamets rassemblés
Les différentes étapes du service divin représentées par Pessa’h Richon (le premier Pessa’h) et Pessa’h Chéni se reflètent dans l’une des différences hala’hiques (rituelles) les concernant. A Pessa’h Richon, toutes les traces de ‘Hamets doivent être effacées; à Pessa’h Chéni, bien que nous mangions de la Matsa, l’on peut posséder le ‘Hamets.
A Pessa’h Richon, sous l’impulsion des révélations de Nissan données par D.ieu, nous aspirons à atteindre de nouvelles élévations de liberté spirituelle en dépassant les limites de nos propres personnalités. Cela nécessite de laisser en arrière notre ‘Hamets, c'est-à-dire notre égocentrisme. Et puis vient le mois de Iyar avec ses exigences de travail spirituel individuel. A Pessa’h Chéni, de la même façon, nous nous concentrons sur la rectification et l’élévation de notre niveau de conduite présente. Et puisque dans ce type de Avoda (service divin) nous devons confronter tous les composants présents de notre nature, la possession du ‘Hamets à Pessa’h Chéni est autorisée.

Le désir à l’intérieur de notre cœur
A la lumière de ce qui précède, nous sommes en mesure d’expliquer pourquoi la Mitsva de Pessa’h Chéni vient en réponse à la quête sincère d’individus qui étaient impurs. L’un des buts du Judaïsme est, pour ainsi dire, de faire descendre la sainteté dans le monde. Toutefois, un objectif encore plus important en est d’élever le monde et les aspects physiques de l’homme, de transformer toutes les caractéristiques de notre être pour faire jaillir à la surface la divinité essentielle qui se trouve à l’intérieur de nous-mêmes.
L’institution de Pessa’h Chéni fut suscitée par le désir ressenti dans leur cœur de ceux qui, malgré leur impureté, avaient protesté : «pourquoi sommes-nous empêchés d’apporter l’offrande à D.ieu?» La Mitsva fut donnée, non comme un commandement émanant d’En Haut, mais comme l’expression du besoin essentiel de l’homme d’établir un lien avec D.ieu.
Ce besoin existe potentiellement dans le cœur de chaque Juif. La supplique humaine pour «une chance encore» reflète le mode de service divin appelé Techouvah (repentance, littéralement: retour). Car tout un chacun, y compris celui qui se trouve «sur un chemin éloigné» possède un potentiel divin qui cherche toujours à se réaliser.

Dépasser le temps
Le concept de la Techouvah nous aide à comprendre une autre différence entre Pessa’h Chéni et Pessa’h Richon. Pessa’h Richon dure sept jours (huit en Diaspora) alors que Pessa’h Chéni n’est célébré que pendant un jour. La semaine représente le cycle du changement qui dirige notre monde matériel. L’expérience spirituelle de Pessa’h Richon requiert une semaine entière parce qu’elle dépasse tout le cycle de croissance et de changement qui doit se tenir dans le cadre de notre existence matérielle.
Cpendant, le service de la Techouvah nous demande d’aller au-delà du cadre de référence limité de notre matérialité et d’exprimer le potentiel illimité de l’étincelle divine que nous possédons en nous-mêmes. Ce potentiel, qui transcende les restrictions du monde matériel, ne peut se confiner aux limites du temps. La célébration de Pessa’h Chéni pendant un jour symbolise la transcendance. Ici le nombre «un» n’est pas le plus petit; il représente plutôt une unité qui dépasse toutes les valeurs numériques.

Une expansion continuelle
Bien que Pessa’h Chéni fût initialement institué pour ceux qui n’avaient pu offrir le sacrifice au moment propice, son expression spirituelle dans le service divin concerne tous les Juifs, même ceux qui ont célébré Pessa’h aussi complètement que possible.
Le sacrifice pascal avait pour but de motiver chaque individu pour qu’il abandonne son Egypte personnelle, qu’il quitte définitivement son état spirituel précédent et aborde un niveau de service divin plus élevé. Ce départ d’Egypte est un processus continuel; nous devons perpétuellement aller vers l’avant. Quels que soient les sommets déjà atteints, il ne faut pas se satisfaire de ce niveau et toujours chercher à avancer plus haut. Car le potentiel divin en nous est infini.
C’est pourquoi, quand vient le mois d’Iyar, l’offrande apportée à Pessa’h Richon est insuffisante. Puisque l’écoulement du temps nous a offert une nouvelle opportunité pour atteindre des hauteurs plus élevées dans notre service divin, il est nécessaire que nous apportions un autre sacrifice à Passa’h Chéni.
Le mode d’expansion spirituelle continue. «Et ils iront de force en force» est associé à «apparaître devant D.ieu à Sion». Que l’élévation spirituelle motivée par Pessa’h Chéni nous prépare au temps où le Beth Hamikdach sera reconstruit et où nous partagerons les offrandes pascales et d’autres offrandes festives. Et que cela ait lieu dans le futur immédiat.
Le Coin de la Halacha
Qu'est-ce que Lag Baomer (cette année mardi 16 mai 2006) ?

Nous comptons quarante-neuf jours entre Pessa'h et Chavouot. Le 33ème jour s'appelle Lag Baomer. Ce jour-là cessa une terrible épidémie qui avait frappé mortellement les 24.000 élèves de Rabbi Akiva : il n'en survécut que cinq !
Par ailleurs, ce jour-là marque aussi la «Hiloula» (anniversaire du décès du Juste), de Rabbi Chimone Bar Yo'haï. Celui-ci avait demandé que ce jour devienne un jour de fête en son honneur, car c'est ce jour-là qu'il délivra son enseignement ultime: le Zohar, le livre de la Splendeur, oeuvre fondamentale de la Kabbala.
Ce jour-là, on fait sortir les enfants dans les forêts, ils allument de grands feux et jouent à l'arc (en souvenir de l'arc-en-ciel qui n'apparut pas du vivant de Rabbi Chimone grâce à son grand mérite).
On coupe les cheveux des petits garçons qui ont eu trois ans depuis Pessa'h. On a la coutume de manger des caroubes, qui étaient la seule nourriture de Rabbi Chimone et de son fils lorsqu'ils se cachaient des Romains dans une caverne.
On ne dit pas les prières de supplication («Ta'hanoun»).

F. L.
De Recit de la Semaine
Le rêve de Yo’haï

On sait que tous ceux qui prient sincèrement auprès de la tombe de Rabbi Chimone Bar Yo’haï à Méron, lors de la fête de Lag Baomer (le jour anniversaire de sa mort), voient leurs prières exaucées. Chaque année, des milliers de Juifs s’y rendent en pèlerinage. Au fil des siècles, de nombreux couples stériles ont épanché leurs cœurs ce jour-là, en ce lieu et de nombreux enfants sont nés après de telles prières. Il est dit dans le Talmud : «La porte des larmes est toujours ouverte» et «On peut se fier à Rabbi Chimone dans les cas d’urgence».
Si la plupart des enfants juifs connaissent l’histoire de Rabbi Chimone et de son fils Eléazar (comment ils se sont cachés durant treize ans dans une caverne où leur furent révélés les secrets de la mystique juive – ce que ces Sages ont par la suite transcrit dans le «Zohar»), peu d’entre nous connaissent l’histoire de ses parents et les circonstances dramatiques de sa naissance.

Yo’haï était un membre important de la tribu de Yehouda : érudit en Torah, riche, respecté et proche des autorités gouvernementales. Son épouse Sarah descendait de la prestigieuse lignée des princes du peuple juif et, en particulier, de Hillel l’Ancien.
Durant de nombreuses années, Sara fut stérile. Finalement, Yo’haï songea à divorcer afin de se remarier avec une autre femme qui lui donnerait des enfants. Il entreprit même des démarches en ce sens auprès d’un «Chad’hane» (marieur professionnel). Quand Sarah l’apprit, elle cacha sa peine mais jeûna de nombreuses fois, distribua de grosses sommes d’argent à la Tsedaka et pria intensément. Le cœur brisé, elle pleurait en suppliant D.ieu de lui accorder des enfants et de lui épargner le divorce.
La nuit de Roch Hachana, Yo’haï fit un rêve.
Il se trouvait debout dans une vaste forêt avec des arbres aussi loin qu’il pouvait voir. Certains étaient frais et portaient des fruits mais d’autres étaient secs. Yo’haï s’appuya contre un arbre sec et aperçut soudain la silhouette d’un Juif impressionnant qui portait une cruche pleine d’eau sur son épaule. Il arrosait certains de ces arbres secs mais pas tous.
En approchant de Yo’haï, l’homme s’arrêta, prit de sous son manteau une petite fiole d’eau pure, arrosa justement son arbre et lui prodigua de nombreuses bénédictions. Effectivement Yo’haï s’aperçut alors que cette toute petite quantité d’eau était bénie: elle s’éleva et arrosa véritablement tout ce qui se trouvait près de son arbre. Celui-ci se mit à produire immédiatement des pommes appétissantes, grandes, juteuses et sucrées, entourées de feuilles fraîches. L’arbre continua de fleurir, de produire de nouvelles branches, de nouvelles racines et des fruits dont l’arôme parfumait toute la forêt.
Yo’haï se réveilla, heureux.
Il s’empressa de raconter son rêve à son épouse. Pour lui, l’interprétation était évidente. Les arbres représentaient les femmes : certaines avaient des enfants, d’autres étaient stériles. A Roch Hachana, D.ieu décrète quelles seront celles qui mettront au monde des enfants : son épouse vertueuse en faisait partie puisque son arbre avait bénéficié d’une bénédiction extraordinaire. Cependant, il ne comprenait pas un détail : pourquoi cet homme à l’aspect majestueux avait-il utilisé non pas la grande cruche mais justement une petite fiole qui n’avait servi que pour son arbre et pour aucun autre ?
Ravie mais étonnée, sa femme proposa : «Allons en parler à Rabbi Aquiba !»
Celui-ci compléta effectivement l’interprétation donnée par Yo’haï : «Sachez que Sarah était destinée à être stérile : elle n’aurait jamais dû avoir d’enfant. Ce n’est que grâce à ses prières et ses larmes qu’elle a mérité de changer son destin et d’enfanter. La fiole qui arrosait son arbre avait recueilli ses larmes. Ce sont ses larmes qui ont arrosé l’arbre qui la représente et seulement celui-ci !»
Et Rabbi Aquiba ajouta : «Sarah ! Cette année vous donnerez naissance à un fils qui illuminera le peuple d’Israël tout au long des générations par sa sagesse et ses actions !»
Yo’haï et Sarah buvaient les paroles de Rabbi Aquiba avec bonheur.
Cette année-là, à Chavouot, le jour où la Torah fut donnée au peuple juif sur le mont Sinaï, Sarah mit au monde un fils qui rayonnait d’un éclat particulier. Tous ceux qui le voyaient reconnaissaient qu’il était certainement béni et qu’il diffuserait une grande lumière autour de lui. Ses parents remercièrent D.ieu et préparèrent un grand banquet le jour de sa Brit Mila (circoncision). Ils appelèrent leur enfant «Chimone» car D.ieu avait entendu («Chama») les prières de ses parents et les pleurs de sa mère.
L’enfant fut élevé dans la plus grande pureté et sainteté. Dès qu’il commença à parler, ses parents lui apprirent à n’évoquer que des sujets saints, à répéter des versets de la Torah. Dès l’âge de cinq ans, il fut confié à Rabban Gamliel qui dirigeait une Yechiva à Jérusalem. Il était semblable à une source en perpétuelle ébullition : encore enfant, il posait des questions pertinentes à ses maîtres, Rabbi Yeochoua ben ‘Hanina et Rabban Gamliel.
Rabbi Chimone ben Yo’haï devint l’un des plus grands Sages de la Michna. Il quitta ce monde à Lag Baomer, 63 ans après la destruction du second Temple. Ce jour-là, il révéla à ses disciples des secrets de la mystique juive. Ainsi, il s’assura que ce jour serait une fête célébrée par le peuple juif tout au long des générations.

Yerachmiel Tilles – Ascent - Safed
d’après «Na’halat Avot» - kabbalaOnline.org
traduit par Feiga Lubecki