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Semaine 51

  • Mikets
Editorial
Les lumières du progrès

Toute une semaine pour voir la lumière grandir et se répandre ! C’est sans doute là une expérience merveilleuse, c’est celle que nous sommes occupés à vivre ! En effet, il est inutile de souligner que ‘Hanouccah avance, jour après jour, sous nos yeux. Nous avons commencé l’œuvre d’illumination par une seule petite flamme au premier soir de la fête. Sans nous laisser impressionner par l’étendue et la densité de l’obscurité au dehors, nous avons progressé avec ténacité. C’est ainsi que deux puis trois flammes ont embrasé le sommet du chandelier de la fête. Et, alors que la semaine de ‘Hanouccah continue, nous voyons la lumière monter avec, chaque soir, plus de puissance et d’assurance. Nous le savons déjà : au huitième jour de la fête, lorsque le chandelier brille de toutes ses flammes, la lumière remporte définitivement le combat.
Il y a là une leçon qu’il importe de saisir car, s’appliquant à chacun, elle est une véritable clé pour notre vie quotidienne. On l’a souligné, le chandelier de ‘Hanouccah a eu à défier une nuit profonde. Il a commencé par se dresser sur fond d’obscurité avant de commencer d’éclairer. Pourtant, pas un moment il n’a abandonné sa lutte. Témoin et acteur d’une éternelle fidélité, il a entrepris d’éclairer la nuit avec courage. Et son entreprise, parce qu’elle a été sans relâche, consciente des enjeux, confiante également, est parvenu à ses fins. Au huitième jour, le monde brille. N’est-ce pas là une étonnante métaphore de la vie et du rôle du peuple juif, de manière générale, et, plus précisément, de chacun ?
De fait, parfois les ombres semblent monter. Parfois, une sorte d’inquiétude se lève. Quel peut être l’avenir des hommes tant les menaces, spirituelles et parfois matérielles, s’amoncellent ? C’est à cette question que ‘Hanouccah donne une réponse importante. L’homme a, entre ses mains, le pouvoir de changer les choses. Il détient la plus précieuse des armes : la lumière. Elle existe dans sa vie et il ne lui appartient que de la mettre en œuvre. Viendrait-il à perdre courage ? Voici que les flammes de la fête lui enseignent le secret de l’espoir et du progrès. Si tout n’est pas accompli à l’instant où on le désire, nous savons que, peu à peu, nous y parvenons. Nous savons que cet effort est, par nature, couronné de succès.
Finalement, l’avancée de ‘Hanouccah est une grande aventure. Elle peut être la nôtre. Elle nous entraîne jusqu’au Temple de Jérusalem reconstruit où le Chandelier à sept branches illuminera l’univers pour toujours.
Etincelles de Machiah
La Techouva au temps de Machia’h

Le Zohar (III, 153b) enseigne : «Machia’h viendra pour que les Justes fassent Techouva». La définition du «Juste», du «Tsadik» étant précisément qu’il n’a pas commis de faute, pourquoi devrait-il revenir à D.ieu, faire Techouva, en ce nouveau temps ?
En fait, quand Machia’h viendra, c’est un niveau si élevé de la Divinité qui se révèlera que, en comparaison, même le degré le plus haut de la Sagesse Divine sera considéré comme aussi bas que le monde matériel. Du fait de l’intensité et de la grandeur de cette révélation, les Justes ressentiront un sentiment de Techouva. Bien entendu, celui-ci ne correspondra à aucune faute mais à la pure volonté de s’approcher de D.ieu.
(d’après Likoutei Torah, Chir Hachirim, p. 50b) H.N.
Vivre avec la Paracha
Mikets : la sagesse de Yossef

Pharaon, le roi d’Egypte, fit deux rêves, lit-on dans la Paracha de cette semaine. Dans le premier, le souverain se voyait debout devant le Nil.
“Et voici que sortaient du fleuve sept vaches, belles et grasses et elles broutaient dans l’herbe. Et voici que sept autres vaches sortaient après elles de la rivière, laides et décharnées et elles venaient se mettre à côté des autres vaches sur la rive du fleuve. Et les vaches laides et décharnées mangeaient les sept vaches belles et grasses (Béréchit 41:1-4).

Dans le second rêve, le Pharaon voit sept épis de blé fins et rabougris avaler sept épis pleins de grains.
Aucun des spécialistes égyptiens ne peut donner au Pharaon d’interprétation de ses rêves qui le satisfasse. Et puis, “le jeune esclave hébreu” Yossef est sorti de sa prison et conduit au palais royal. Il interprète les rêves comme signifiant que sept années d’abondance [représentées par les vaches grasses et les épis fournis] seront suivies de sept années de famine [représentées par les vaches maigres et les épis rabougris]
Yossef donne alors des conseils à Pharaon pour gérer la situation: “Maintenant le Pharaon doit devoir chercher un homme visionnaire et sage et le nommer à la tête de l’Egypte. Un rationnement devra être imposé pendant les années d’abondance, explique Yossef, pendant lesquelles l’on engrangera le blé pour les années de famine à venir.”
Pharaon est enthousiasmé par la clairvoyance de Yossef. “Peut-il y avoir un autre homme habité par l esprit divin comme cet homme-là?” demande-t-il à ses conseillers. “Personne ne possède ta lucidité, dit-il à Yossef. Tu dirigeras ma maison et tout mon peuple sera conduit selon tes ordres. Seul mon trône te sera interdit”.
C’est ainsi que Yossef est nommé vice-roi d’Egypte. Tout le reste est l’Histoire.

Trois questions
Les commentateurs bibliques se débattent avec trois questions majeures concernant cette histoire remarquable.
A. Il est difficile de comprendre comment, à la suite de son interprétation des rêves, Yossef commença à donner à Pharaon des conseils sur la famine à venir. Comment à cet esclave, tout juste libéré, est offert, au royaume d’Egypte, un poste qui lui donne un pouvoir absolu. Pharaon avait ordonné qu’on sorte Yossef de la prison et qu’on le fasse venir au palais pour interpréter ses rêves et non pour devenir conseiller du roi!
B. Il est évident, d’après le récit, que Pharaon fut saisi de stupeur par la façon dont Yossef résolut son problème. Mais nul n’est besoin d’être un spécialiste hors pair pour conseiller, dans le cas de sept années d’abondance suivies de sept années de famine, d’emmagasiner de la nourriture tant qu’il est encore temps! Quel coup de génie renfermait le conseil de Yossef?
C. Pharaon fut également stupéfait par l’interprétation que donna Yossef des rêves eux-mêmes, ce qu’aucun de ses propres conseillers n’avait pu imaginer. Mais l’interprétation de Yossef semble simple et évidente: Quand les vaches sont-elles grasses? Quand il y a beaucoup à manger et quand sont elles décharnées? Quand elles n’ont pas de quoi brouter! Et la même chose est vraie pour les épis! Ainsi, pourquoi le Pharaon était-il étonné par l’interprétation de Yossef? Et pourquoi personne d’autre n’avait-il pu en faire autant?

Unir les vaches
Les experts en interprétation des rêves avaient, en fait, trouvé les versions de Yossef. Mais ils les avaient rejetées parce qu’elles ne tenaient pas compte d’un détail important des rêves.
Dans le premier rêve de Pharaon, il avait vu comment les sept vaches laides et décharnées qui suivaient les sept vaches grasses “se tenaient près des autres vaches [grasses] sur la rive du fleuve”. En d’autres termes, c’était un moment au cours duquel les deux groupes de vaches existaient ensemble et c’est seulement par la suite que les vaches maigres commencèrent à dévorer les grasses. C’est ce détail du rêve qui poussa les interprètes du Pharaon à repousser l’interprétation que Yossef allait par la suite proposer, et les obligea à offrir une série de décodages farfelus. Car comment était-il possible que l’abondance et la famine coexistent?
Et c’est ici que s’exerça le génie de Yossef. Quand il commença à dire à Pharaon de se préparer aux années de famine, il ne lui offrit pas un conseil, qui aurait été malvenu, sur la façon de gérer son pays. Mais ce conseil faisait partie de l’interprétation des rêves elle-même.
Yossef avait compris que la présence de toutes les vaches, les grasses et les maigres, contenait la solution pour la famine menaçante. Durant les années d’abondance, l’Egypte devait “vivre” avec les années de famine, comme si elles étaient actuelles. Pendant la période de jouissance des années fastes, l’Egypte devait déjà imaginer la réalité de la future famine et chaque jour engranger de la nourriture. Les sept vaches maigres devaient être également présentes et vivantes dans l’esprit des gens et dans leur comportement pendant la période de richesse. Et en conséquence, si ce système était implanté en Egypte, la nation continuerait à jouir de l’abondance, même pendant les années de famine. C’est ainsi que toutes les vaches allaient coexister.
C’est cette version qui intéressa tant Pharaon dans l’interprétation de Yossef. Pour commencer, Pharaon fut frappé par l’ingéniosité de Yossef qui prenait en compte le détail qui avait échappé à tous. Mais ce qui l’impressionna encore davantage fut la démonstration que ses rêves, non seulement contenaient la prémonition des futurs événements mais offraient également les instructions pour y faire face, non seulement les problèmes mais également les solutions.

Avez vous besoin de D.ieu? Avez-vous un ami véritable?
La sagesse de Yossef apparaît clairement quand nous réfléchissons au message spirituel qui se cache derrière l’histoire. Car nous le savons, les histoires de la Torah contiennent toujours des enseignements spirituels.
Nous vivons tous des cycles d’abondance et des cycles de famine dans notre vie. Parfois, les choses vont très bien: nous avons l’aisance matérielle, le succès et le confort. Trop souvent, dans ces moments, nous oublions d’investir du temps et de l’énergie pour cultiver une véritable intimité émotionnelle avec notre époux ou notre épouse, pour développer une véritable relation avec nos amis, pour créer des liens sincères avec D.ieu. Nous sentons que nous nous suffisons à nous-mêmes et que nous n’avons besoin de personne dans notre vie.
Et pourtant, une période de famine arrive, une crise sérieuse éclate (à D.ieu ne plaise) et nous sentons soudain le besoin de nous dépasser et de renouer avec ceux que nous aimons, avec D.ieu. Mais nous ne savons pas comment faire. Parce que lorsque nous ne nourrissons pas nos relations et notre spiritualité pendant les années d’abondance, et que la roue tourne, nous manquons cruellement des outils dont nous avons désespérément besoin pour survivre à la crise.
C’est là l’essence de la sagesse de Yossef: ne jamais séparer les années d’abondance des années de famine. Quand nous vivons dans l’aisance, nous ne devons pas nous laisser devenir aveugles et insensibles devant ce qui est réellement important dans la vie. Les priorités que nous cultivons “pendant les bons moments” doivent être de l’espèce qui nous soutiendra également dans d’autres circonstances.
Le Coin de la Halacha
Quels sont les usages de ‘Hanouccah, à part l’obligation d'allumer chaque jour une lumière supplémentaire ?

Il faut raconter à ses proches les miracles que D.ieu fit à nos ancêtres.
On mange des plats à base de lait ou de fromage en souvenir du plat de fromage cuit par Yehoudit pour le général syrien. On prépare également des plats frits à l’huile, comme les beignets.
Les femmes ont l’habitude de ne pas effectuer de travail tant que brûlent les lumières de ‘Hanouccah.
Les parents et grands-parents, et en général les adultes, distribuent aux enfants de l’argent («Dmeï ‘Hanouccah»), même à ceux qui sont déjà mariés. On apprend aux enfants à donner le «Maasser», au moins le dixième de leurs gains, à la Tsedaka (charité) et à utiliser leur argent pour de bonnes causes.
Les enfants ont l'habitude de jouer à la toupie.
On s’efforcera d’assister aux allumages publics dans les rues afin d’augmenter la joie de tous les participants.
De Recit de la Semaine
La carte postale

Ce n’était qu’une simple carte postale avec quelques mots mais pour moi, c’était le plus beau cadeau de ‘Hanouccah.
Afin d’achever mon cycle d’études pour l’enseignement de l’anglais en tant que seconde langue, j’avais choisi de suivre des cours de littérature espagnole. De plus, cette option m’avait semblé vraiment passionnante.
Mais le premier soir, cela s’était mal passé. Le professeur Mendez semblait compétent et convaincant dans son cours d’introduction. Cependant, j’étais surprise qu’il s’adresse à nous en anglais alors que c’était un cours pour étudiants avancés. Je levai le doigt et posai la question à voix haute. Tous les étudiants se turent, curieux de la réponse du professeur. Celui-ci prit un ton sarcastique et prétendit que nous n’étions pas assez avancés pour être capables de discuter histoire et littérature en espagnol. Un débat enfiévré s’ensuivit, chacun des participants se positionnant d’un côté ou de l’autre et, bien entendu, je fus considérée comme l’élément perturbateur. Le sentiment d’antipathie qui se développa crescendo contre moi au cours du trimestre eut sa racine dans cette polémique.
Quand nous rendîmes nos copies de mi-trimestre, le professeur en profita pour se venger de moi. J’avais bien préparé mon rapport mais il ne me gratifia que d’une note passable, prétextant que j’avais mal interprété le sujet : j’avais analysé le texte au lieu de le résumer. J’étais vraiment furieuse et ma famille prit mon parti : ce professeur était sans doute un antisémite et, de plus, la discussion que j’avais suscitée m’avait certainement desservie.
Juste à cette époque, parut un magazine dans lequel l’une de mes histoires avait été publiée. Elle contenait des épisodes particulièrement touchants de mes souvenirs d’enfance durant les fêtes et j’apportai le magazine pour le montrer à certains de mes camarades. J’avais même prévu de le montrer au professeur. Mais ce soir-là, une nouvelle discussion éclata dans la classe et la question fut une fois de plus réglée à mon désavantage : je fus obligée de quitter la classe tant les propos étaient devenus désagréables à mon encontre.
Au milieu des escaliers – et je ne saurai jamais pourquoi – je me repris et retournai sur mes pas. Les étudiants avaient quitté la classe et le Professeur Mendez rangeait ses affaires. Il me regarda, surpris, et je lui montrai mon article. Il y jeta un coup d’œil rapide puis, à mon grand étonnement – me demanda la permission de le lire plus attentivement à la maison. Il me le rapporterait le lendemain.
La semaine suivante, il me demanda de rester après le cours. Et il m’expliqua combien il avait apprécié mon article : «Il l’a sans doute trouvé intéressant, me dis-je. C’était peut-être son premier contact avec le judaïsme…»
Mais mes pensées furent soudain interrompues : «Cela me rappelait ma propre enfance, dit-il rêveusement. Durant la seconde guerre mondiale, mes parents célébraient les fêtes clandestinement, chaque année dans un autre endroit, tout en se demandant où ils se trouveraient l’année suivante».
Heureusement que j’étais assise parce que sa question suivante me stupéfia littéralement : «Comment avez-vous su que j’étais Juif ?»
Comment ? Le professeur Mendez était donc Juif ? Je n’en croyais pas mes oreilles !
«Durant la guerre, mon père a changé de nom pour que nous puissions nous enfuir vers l’Amérique du Sud. Nous nous sommes appliqués à apparaître comme des non-Juifs. Nous avons soigneusement étudié puis imité les colons espagnols…»
Ensemble nous avons encore discuté longuement de la vie juive et du judaïsme.
Le mardi suivant, juste avant que je ne quitte la maison, une de mes filles me retint : elle avait reçu plusieurs kits de ‘Hanouccah (Menorah, bougies, toupie et guide) avec pour mission de les distribuer à des personnes qui – autrement – n’allumeraient pas les lumières de la fête.
« Donne-moi un kit, j’en ai justement besoin. Et emballe-le joliment dans un papier cadeau ! »
Après le cours de littérature espagnole, j’attendis que les étudiants quittent la salle et offris le cadeau au Professeur Mendez : «Qu’est-ce donc ? demanda-t-il, curieux et amusé. Un gâteau que vous avez préparé vous-même ?» Je secouai la tête et répondis, l’air mystérieux : «Je vous en prie, ne l’ouvrez pas avant d’arriver chez vous». Et j’ajoutai : «Lisez attentivement ce qui est écrit à l’intérieur et, quoi qu’il arrive, gardez-le et réfléchissez-y !». Et tout en le saluant respectueusement, je lui souhaitai : «Joyeux ‘Hanouccah !»
La fois suivante, je lui demandai : «Avez-vous allumé la Menorah ?»
- «Non, répondit-il, je vous ai déjà expliqué que je n’étais pas pratiquant. Ma vie a complètement changé depuis la guerre». Il avait néanmoins placé la Menorah sur son bureau à la maison mais n’avait pas jugé utile de s’en servir.
«Pourquoi ? demandai-je. N’est-il pas temps pour vous de retourner à vos racines ? Allumez les bougies pour retrouver votre identité ! Il n’est plus nécessaire de vous cacher !»
«Peut-être une autre fois, répondit-il évasivement. Mais pas maintenant. Merci tout de même !»
Aujourd’hui, ‘Hanouccah, un an plus tard, il m’avait envoyé cette carte postale. Je lus le message encore et encore car il me remplissait de joie. Ce n’était que quatre mots mais si significatifs : «Les bougies sont allumées !». Il avait signé : Professeur Mendez et, en-dessous, en petits caractères : Yehouda Mendelovski.
Il existe de nombreux combats et toutes sortes de victoires. L’héroïsme dont vous avez fait preuve, Professeur Mendez, est comparable aux batailles menées par les Maccabim d’antan. Quand nous allumerons nos lumières, ce soir, avec ma famille réunie, je penserai à vos nouvelles petites lumières, ces flammes si fragiles mais qui ont vaincu l’obscurité, ces flammes victorieuses.

Hanna Zuber-Scharfstein
Chabad.org
traduit par Feiga Lubecki