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Semaine 5

  • Bo
Editorial
Le temps du dégel
Etonnant, parfois, comme le passage du temps semble être à l’unisson de notre cœur. Le mois de Tévèt s’achève. Il a été, sous ces latitudes, celui du froid, pour ainsi dire une figure du retrait par devers soi. Il a été surtout une période difficile pour tous ceux qui portent en eux l’amour de la liberté et de la paix, le sens de la lumière. Climatiquement parlant, rien ne paraît avoir profondément changé. L’hiver est toujours présent. Quant au dégel des cœurs, il est aussi lointain que les doux matins de printemps. Alors, de grisaille en soleil glacé, d’incompréhension en indifférence, parfois de désaccord en haine meurtrière, y a-t-il encore une place pour l’espoir ? Pour le peuple juif, la question est d’importance. Quel sens a donc la vie sans l’évidente attente du lever du jour ? Pourquoi persister à vivre l’Histoire si elle ne fait que reproduire, sous de multiples formes, les tours et les détours de la désespérance ?
C’est alors que le mois de Chevat apparaît. Certes, rien n’a changé mais quelque chose de subtil rend l’air plus frémissant qu’à l’accoutumée. Voici que nous entrons dans le mois de Tou Bichevat, cette date du 15 Chevat dont il est dit qu’elle marque le tout début d’un timide renouveau de la nature jusque-là endormie, en hibernation. Et si tout cela n’était pas seulement une affaire d’arbres et de végétaux ? Et si tout cela trouvait à s’exprimer en chaque homme ? Si le froid disparaissait pour de bon et laissait place à cette chaleur qui règne toujours lorsque des amis, ou des frères, se réunissent, même si, au dehors, les éléments entreprennent de contredire une si belle avancée ?
Au début de toutes les grandes choses, il faut sans doute un acte de foi, ou de confiance. Il faut qu’un souffle se lève qui, bousculant les barrières, fasse naître un esprit et un temps nouveaux. Une sorte de dégel. C’est aujourd’hui ce que nous sommes invités à vivre pour en faire, avec assurance, une réalité concrète. Car le passage du temps fait ici signe pour les hommes. Il nous montre une direction, désigne un chemin, ouvre une voie. Faisons un rêve. Nous possédons le monde dans notre cœur et nos actes peuvent le transformer profondément, essentiellement, en faire le «jardin de délices de D.ieu». Les rêves possèdent une qualité merveilleuse : donner à voir une vérité incontournable que seul le quotidien parvient à masquer à nos yeux. Le temps n’est-il pas venu d’enfin déchirer le voile ? Voici qu’au-delà des nuages, le jour se lève, lumineux. Sachons le contempler dès à présent. Il est le destin du monde, l’objet de son attente éternelle et son bonheur. Nos actes lui donne accès à la vie.
Etincelles de Machiah
Partout, la lumière !

Parmi les dix plaies qui frappèrent l’Egypte figure celle de l’obscurité. «Moïse étendit sa main vers le ciel et il y eut l’obscurité sur toute la terre d’Egypte» dit le texte (Ex. 12 : 35). Puis il poursuit : «On ne vit pas son ami et ne se leva pas de sa place pendant trois jours et, pour tous les Juifs, il y eut de la lumière dans leurs lieux de résidence.» Ce dernier point nous indique que la lumière ne se limita pas au périmètre des maisons juives mais que, là où un Juif allait, la lumière l’accompagnait.
De la même façon, notre exil est un temps d’obscurité et celle-ci s’exprime moralement et spirituellement. Cependant, dès à présent, comme cela se passa pour nos ancêtres en Egypte, la lumière de la Sainteté nous accompagne où que nous soyons. Elle nous donne la force nécessaire pour parvenir à la Délivrance finale.
(D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch –
Chabbat Parachat Vayélè’h 5746) H.N.
Vivre avec la Paracha
Bo : A l’intérieur du monstre

Il était une fois un petit village niché dans une vallée à l’ombre d’une montagne habitée par un méchant géant. Chaque matin, les villageois se réveillaient et se mettaient à courir pour sauver leur vie. Mais aussi loin qu’ils couraient, la silhouette terrifiante continuait à planer au-dessus de leurs têtes, étincelante et menaçante.
Un jour, un homme sage et courageux vint dans ce village. Au lieu de fuir, il se mit à grimper sur la montagne. Les gens avaient peur mais ils lui firent confiance et le suivirent. Il les conduisit aux pieds du géant, ouvrit une porte secrète dans le gros orteil du monstre, les mena par des tunnels tortueux dans ses entrailles et leur montra comment fonctionnaient les choses : les poulies qui muaient les bras tonitruants, la machine qui produisait les bruits effrayants. Et puis il arracha quelques fils de leurs emplacements et tout l’appareil se désintégra et ne fut plus que poussière.
Ce qui est étonnant, c’est qu’au moment où nous parvenons à la lecture de la Parachah Bo (Chemot 10-13), nous avons passé les neuf premiers chapitres du livre de Chemot à essayer de nous débarrasser du Pharaon. «Laisse partir mon peuple !» ne cesse de demander Moché au souverain égyptien, au nom de D.ieu. Et chaque fois, il est repoussé et renvoyé à un autre message de «laisse partir mon Peuple !» de D.ieu et à une autre promesse que Son Peuple finira de toutes les façons par partir.
Quel nom étrange que ce nom de la Paracha «Bo»,qui signifie «viens» et la Paracha est ainsi dénommée d’après la phrase «viens chez Pharaon» qui l’ouvre. Un nom décidément étrange pour la Paracha où finalement a lieu la sortie d’Egypte.
(Les noms des 54 Parachyot de la Torah dérivent toujours d’un mot ou d’une phrase par lesquels elles commencent. Mais il se trouve toujours que son nom exprime le thème et la signification centrale de la Paracha. Il est donc très étonnant que la Paracha qui relate que finalement nous sortons d’Egypte s’intitule «viens [chez Pharaon]»…)
Mais à certaines occasions, la seule manière de sortir est de rentrer plus profondément. Le Zohar explique que le commandement divin «Viens chez Pharaon» était une invitation à pénétrer dans l’essence même de Pharaon. «D.ieu prit Moché dans une chambre à l’intérieur d’une chambre, jusqu’au… serpent surnaturel et puissant où évoluent de nombreux niveaux…»
Tant que nous le percevons de l’extérieur, le méchant géant sur la montagne restera fort, mauvais et terrifiant, aussi loin que nous courions. Mais dès que nous l’assujettissons à la lumière de la connaissance de son intériorité, il se désintègre entièrement et devient de la poussière.

Pris au piège ? Non !
L’un des sentiments les plus terribles et effrayant est celui d’être pris au piège. Il n’y a aucune issue ! On est encerclé de toutes parts. C’est une situation que nous pouvons rencontrer (que D.ieu nous en préserve !), au sens littéral, en termes matériels ou physiques, dans un contexte de violence ou de guerre. Mais c’est aussi ce qui peut se produire en termes de détours et de contorsions dans une carrière ou dans de difficiles relations humaines. Etre pris au piège est aussi quelque chose que peut ressentir une personne dans son propre esprit ou son propre cœur. Piégé, incapable d’évoluer librement, acculé. Comme Pharaon, roi d’Egypte dans la Paracha de cette semaine.
En quoi était-il pris au piège ? Pharaon était l’oppresseur des Juifs. Eux étaient pris en otages ! Mais lui ?

Notre Paracha commence en nous relatant que «D.ieu avait endurci le cœur de Pharaon». Et c’est la raison pour laquelle il était incapable de répondre aux avertissements que lui donnait Moché et à la série de plaies qui s’abattaient les unes après les autres. D.ieu avait coincé Pharaon dans une position de défiance et apparemment, le roi égyptien ne pouvait rien faire. Il devait suivre le cours qui le conduirait inexorablement à la destruction.
Nos Sages apportent leur commentaire. Comment est-ce possible ? Il est sûr que D.ieu donne le libre-arbitre. Etait-il honnête de punir Pharaon si son refus de reconnaître D.ieu lui était imposé par D.ieu Lui-Même ?
L’une des plus célèbres explications de cette énigme fut donnée par Maïmonide. L’endurcissement du cœur de Pharaon était lui-même la punition pour la façon cruelle dont il traitait le peuple Juif. Quand un homme fait le mal, il se trouve prisonnier d’une situation à laquelle il ne peut pas échapper. Cela fait partie de la punition de son crime.
Nous trouvons aussi dans le Talmud une histoire à propos d’un Rabbi, Elicha, fils d’Abouya, surnommé A’her «l’autre», qui quitta les voies du Judaïsme. On en donne nombre d’explications parmi lesquelles l’influence de la culture grecque, la perplexité devant la souffrance des innocents et le fait de tirer des conclusions erronées d’une expérience mystique. Et puis, à un certain point de sa vie errante, il entend une voix céleste qui lui dit : «repentez-vous, enfants errants… sauf A’her». Il donna plus tard cet événement comme excuse pour ne s’être jamais repenti.
L’exclusion d’A’her de l’invitation générale à la repentance faisait elle-même partie de sa punition, comme dans le cas de Pharaon.
Néanmoins, l’enseignement du Judaïsme, dans toutes ses dimensions différentes, n’est pas si simple. Un commentaire important du Talmud, discutant du cas d’A’her, déclare : «Cependant, il n’aurait pas dû attacher de l’importance à cela… Rien ne résiste à la repentance».
L’enseignement de la ‘Hassidout nous explique qu’aussi profondément que peut avoir sombré un individu, et même s’il semble que D.ieu l’ait traqué dans son propre mal, la repentance est toujours possible. Elle peut être beaucoup plus difficile, même incroyablement difficile, mais elle est toujours possible. Pris au piège ? Non, jamais. Quiconque, même le Pharaon de l’Egypte ancienne, peut toujours sortir du gouffre et revenir à D.ieu. Nous sommes toujours libres.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que le “Chema” ?

Le “Chema” est une des prières centrales du judaïsme. Elle est, de fait, composée de trois paragraphes de la Torah: Deutéronome 6, 4-9; puis Deutéronome 11, 13-21; puis Nombres 15, 37-41. Ces trois paragraphes sont récités avec une grande concentration puisqu’ils exposent des principes essentiels: la croyance en l’Unité absolue de D.ieu qui amène à l’amour et à la crainte du Créateur; le principe du libre choix et de la récompense (et de la punition); l’importance du rappel de la sortie d’Egypte.
Chacun, (homme, femme ou enfant) est tenu de réciter le Chema, une fois le matin et une fois le soir. On répétera également le Chema le soir avant de se coucher. Quand on entend l’assemblée des fidèles réciter le Chema, on le récitera en même temps, même si on n’est pas parvenu encore à ce passage de la prière afin de rester solidaire de la communauté. On récite également le Chema au chevet d’un mourant.
On fait très attention de bien articuler tous les mots du Chema afin qu’ils ne soient pas détournés de leur sens original.
Après la première phrase (Chema Israël, Ado-nay Elo-hénou Ado-nay E’had – Ecoute Israël l’Eternel est notre D.ieu, l’Eternel est Un), on intercale la phrase “Barou’h Chem Kevod Mal’houto LeOlam Vaèd” (Béni soit le Nom de la Gloire de Sa royauté à tout jamais) qu’on prononce à voix basse car elle a été prononcée par des anges (sauf à Yom Kippour où nous “ ressemblons à des anges ” puisque nous ne mangeons pas).
On habituera les enfants, dès leur plus jeune âge, à réciter le Chema. On récite la première phrase en mettant la main droite sur les yeux afin de mieux se concentrer et, également, afin de réaliser que rien n’existe véritablement sans la Présence de D.ieu.

F. L. (d’après Rav Nissan Mangel)
De Recit de la Semaine
De gala en fête

Lors du gala annuel en faveur des Institutions du Beth Loubavitch en 2002, l’enthousiasme fut à son comble quand l’orateur annonça que cent paires de Téfilines seraient offertes à des soldats de Tsahal, l’Armée de Défense d’Israël. En quelques minutes, toutes ces pochettes brodées contenant des Téfilines trouvèrent des sponsors, émus à l’idée d’offrir la meilleure protection possible à ces jeunes gens courageux. La tradition rapporte en effet qu’une “tête qui a porté les Téfilines” est protégée dans ce monde et dans le monde futur. Juste avant la Guerre des Six Jours, le Rabbi de Loubavitch avait demandé que chaque Juif mette les Téfilines car la vue d’un Juif portant ou ayant porté les Téfilines inspire la peur à l’ennemi. Depuis ce fameux appel de 1967, on estime que des millions de Juifs ont mis au moins une fois dans leur vie des Téfilines qu’on leur proposait aussi bien à la synagogue que dans la rue, dans l’aéroport ou lors d’une réunion familiale. A la suite de cette campagne, de nombreux fidèles ont aussi été sensibilisés au fait que les parchemins des Téfilines tout comme ceux d’un Séfer Torah (rouleau de la Torah) peuvent s’abîmer et devenir “Passoul”, non-valables.
C’est ainsi qu’en juin de cette année 2003, une délégation du Beth Loubavitch se rendit en Israël pour remettre ces Téfilines à des soldats qui s’engagèrent à les mettre chaque jour (sauf Chabbat et les jours de fête). Les donateurs, accompagnés de Rav Chmouel Azimov, eurent aussi l’occasion de rencontrer M. Moshé Katsav, le président de l’Etat d’Israël qui avait sincèrement apprécié cette initiative.
A la même époque, Zeev Boïm, le vice-ministre de la Défense, de passage à Paris, raconta avec émotion s’être déjà rendu chez le Rabbi. En effet, avant d’avoir été député, il avait été le maire de Kiryat Gat où il avait fait connaissance de Rav Havlin, l’émissaire du Rabbi dans cette ville du Néguev. Celui-ci l’avait familiarisé avec l’action de Loubavitch dans le monde.
“Un mois plus tard, raconte Rav Mendel Azimov, en juillet 2003, j’ai rencontré Rav Havlin à New York. Il m’a raconté combien le vice-ministre Zeev Boïm avait été touché par ces Juifs de Paris qui, non contents de prier pour la sécurité d’Israël, avaient agi concrètement en ce sens : les soldats qui mettaient maintenant tous les jours les Téfilines se sentaient soutenus spirituellement et confortés dans la justesse de leur cause. Certainement cette Mitsva et les bénédictions qui l’accompagnent ajoutaient aux mérites du peuple juif et permettaient d’éviter de nombreux attentats.
Rav Havlin a ajouté que Zeev Boïm lui avait fait part, entre autres, du désarroi de la famille Chalom qui avait perdu un de ses fils, Tsala’h, lors de la Guerre de Kippour. En effet, l’armée de Défense d’Israël Tsahal, avait offert à la synagogue de Pardess Hanna un vieux Séfer Torah à la mémoire de ce jeune homme, né en Irak et qui venait juste de se marier. Or ce Séfer Torah était devenu “Passoul”, inutilisable et la famille n’avait pas les moyens d’en acheter un autre.
J’ai bien réfléchi, mais je ne connaissais pas autour de moi de synagogue qui disposerait d’un Séfer Torah en trop. De retour à Paris, je parlais néanmoins de ce problème à quelques personnes et, à ma grande joie, quelqu’un décida d’aider cette famille à perpétuer le souvenir d’un héros tombé “Al Kidouch Hachem”, pour la sanctification du Nom de D.ieu, pour la défense du peuple juif.
C’est ainsi qu’en octobre 2003, je me suis rendu spécialement en Israël pour assister à l’inauguration du Séfer Torah dans la synagogue de Pardess Hanna. En présence de nombreuses personnalités, civiles et religieuses, le Séfer Torah a été accueilli avec joie, chants et danses dans sa nouvelle demeure. Il est impossible de décrire l’émotion et la reconnaissance des membres de cette famille et d’ailleurs, de toute la communauté : un frère juif d’une communauté lointaine, et qui souhaite, de plus, garder l’anonymat, était venu à leur aide et avait participé à leur consolation… Ce fut vraiment une joie sincère à laquelle participèrent plus de 400 personnes dans un élan de solidarité incomparable.
Dans son discours, le maire Chlomo Avni déclara qu’il n’était, au fond, pas étonné que tout ceci ait pu être réalisé grâce au mouvement Loubavitch : “Je connais les ‘Habadnikim depuis bien longtemps puisque je les ai rencontrés pour la première fois dans mon Maroc natal. Ils m’ont toujours fasciné par leur sincère amour du prochain et leur faculté de concrétiser immédiatement tous leurs projets, à l’image du Rabbi qui savait les encourager dans toutes les initiatives pour le bien du peuple juif. Grâce à la Mitsva des Téfilines, vous avez contribué à perpétuer le souvenir d’un de nos soldats de la meilleure façon possible. Puissiez-vous continuer dans cette œuvre avec toujours plus d’énergie et de réussite, avec une bonne santé, au service du peuple juif tout entier!”
* * *
Pensif, Rav Mendel Azimov ajoute : “Nous avons ainsi vu de nos yeux comment la grande Mitsva de Tsédaka (charité) à Paris a des répercussions non seulement dans cette ville mais également au-delà des mers : en Israël. Elle entraîne dans son sillage la Mitsva des Téfilines pour nos soldats et celle d’un Séfer Torah pour toute une communauté…
Puissent les mérites acquis lors du gala de ce mardi 9 décembre 2003, toutes les Mitsvot, révélées ou encore cachées, accumulées par chaque Juif, apporter la consolation, la sécurité et la paix pour tout le peuple d’Israël ! ”

Propos recueillis par Feiga Lubecki