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Semaine 50

  • Mikets
Editorial
‘Hanouccah : l’éternel combat

Cette semaine est décidément bien particulière. Voici que, de jour en jour, la lumière grandit et prend toute la place. Voici que l’ensemble de notre champ de vision en est éclairé. Chaque soir, dans nos maisons comme dans l’espace public, les petites flammes dansent joyeusement comme pour dire la bouleversante beauté de l’histoire qu’elles murmurent à qui veut écouter. Et pourtant… Que de siècles ont passé depuis ces événements. Qui se souvient encore de la puissance des Séleucides et de la terreur que provoquait, sur les champs de bataille, la charge des éléphants cuirassés ? Qui peut encore décrire la tragédie du Temple de Jérusalem profané par l’envahisseur et l’allégresse de sa libération ? C’est pourtant bien de la fête de ‘Hanouccah qu’il s’agit, vécue avec un enthousiasme croissant…
Si la célébration est si présente, c’est aussi parce qu’elle n’est pas uniquement la commémoration d’événements anciens, même héroïques. Tous les peuples ont de ces hauts faits guerriers qui, très réels, n’en finissent pas moins par s’effacer des mémoires. Si ‘Hanouccah paraît, aujourd’hui encore, si présent, c’est parce qu’il nous parle de nous-mêmes. Son histoire est notre histoire et le message qu’elle porte pénètre notre conscience car c’est aussi notre temps qu’il désigne.
De fait, le temps historique de ‘Hanouccah, celui des héritiers d’Alexandre le grand, présente, à certains égards des aspects étrangement modernes. Voici une civilisation d’origine grecque, puissante, à la culture brillante, la plus avancée sans doute de la période, qui décide qu’elle seule mérite d’exister. Constatant que les peuples qu’elle a soumis ne partagent pas spontanément cette manière de voir, que l’uniformisation des modes de vie et de pensée ne leur paraît pas d’une nécessité impérieuse, elle décide de les y amener par la contrainte. On appelle alors cela « l’hellénisation » et le mot est bien plus beau que la terrible réalité qu’il recouvre, faite d’oppression et de renoncement forcé à son patrimoine ancestral. Les majorités culturelles ont toujours tendance à croire en leur toute-puissance et au bien-fondé de leur orgueil démesuré, comme si nombre voulait dire raison... La plupart plient, y a-t-il un autre choix possible ?
Et puis, il y a cette poignée de résistants, ces Juifs qui savent qu’un peuple sans fortes racines ne peut espérer avoir d’avenir. Finalement, la victoire est au rendez-vous, elle appartient à ceux qui ne voulurent pas oublier. En un temps apaisé, portons-en toujours le souvenir vivant : nous sommes leurs descendants.
Etincelles de Machiah
Une prière à voix haute

La ‘Hassidout explique (Torah Or, fin de Parchat Vayigach) que l’on dira la prière de la Amida à voix haute dans les temps messianiques.
L’origine de cet enseignement peut être retrouvé dans un texte du Zohar qui commente le verset décrivant la prière adressée par Rachel à D.ieu en faveur du peuple juif : « Une voix est entendue à Ramah ». Le mot Ramah » est, en première lecture, un nom de lieu. Toutefois, il peut également être traduit par « à voix haute ».Le Zohar apporte alors son commentaire (I, 210a) : « cela fait allusion au monde futur. »
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch,
Chabbat Parchat Vayigach 5746) H.N.
Vivre avec la Paracha
Mikets : Le véritable repentir

L’Egypte est l’arrière plan du récit biblique de notre Paracha. Une famine terrible a frappé la région et les gens accourent de toutes parts vers l’Egypte pour y trouver de quoi se nourrir.
Les fils de Yaakov ont, eux aussi, voyagé depuis Canaan pour s’approvisionner. Ils espèrent un voyage rapide, sans incident. Mais leurs espoirs ne se réalisent pas. Les frères abasourdis se retrouvent confrontés à de graves inculpations : ils sont accusés d’être des espions. Ce sont de piètres accusations mais elles sont sérieuses. Et le cas n’est pris en main par nul autre que le vice-roi d’Egypte lui-même. Insensible à leurs dénégations, il énonce le verdict. Ils sont libres de rentrer chez eux, tous sauf l’un des frères qui restera en Egypte, comme garant. S’ils veulent le revoir, ils doivent revenir avec le plus jeune d’entre eux, absent, Binyamine.
Ils sont dans une situation très embarrassante et ils le savent. Ils sont des hommes religieux et en profonds croyants en la Providence Divine, ils réfléchissent sur ces circonstances étranges. D.ieu leur communique quelque chose. Mais que leur dit-Il ?
Après avoir honnêtement analysé la situation, ils réalisent que leur péché les a finalement rattrapés. Le rôle qu’ils ont joué dans la dramatique vente de Yossef n’a jamais quitté leur esprit et ils en voient alors les conséquences. La justice les rattrape.
Ils disent : «En fait, nous sommes coupables envers notre frère dans la mesure où nous avons vu l’angoisse de son cœur quand il nous a suppliés et que nous ne l’avons pas écouté, voilà d’où provient ce malheur». (Beréchit : 42 :21)
Ce qui arrive par la suite est choquant. Réouven leur parle en ces termes : «Ne vous ai-je pas parlé en vous disant : ‘ne péchez pas contre le garçon’ ? Mais vous n’avez pas écouté ! Et voilà que son sang est vengé. » (Beréchit 42 :22)
Brisé, Réouven , souligne apparemment deux points.
Le premier résonne un peu comme «Je vous l’avais bien dit !»
Le second point semble ajouter l’insulte à la blessure : «Vous avez cru pouvoir échapper à vos actes ! Vous êtes coupables et non d’un seul méfait mais de deux ! Comme vous l’avez vous-mêmes avoué, vous avez ignoré la souffrance de Yossef. Mais cela n’est pas si grave que la tentative de meurtre et l’enlèvement que vous n’avez pas mentionnés dans votre aveu !»
Par cette remontrance très sévère, Réouven semble être excessivement méprisant et dur. Il est méprisant parce qu’il n’a pas oublié d’anciens reproches, et dur parce qu’il souligne et accentue encore la responsabilité de ses frères.
Ils viennent de reconnaître leur culpabilité pour avoir fait souffrir Yossef. Ce qui n’a pas dû leur être facile, surtout si l’on tient compte du fait que leurs agissements avaient pour cause leur profond désarroi, en voyant leur père donner sa préférence à Yossef.
En tant qu’aîné (et lui-même repenti), ne pouvait-il pas trouver en lui de quoi apporter à ses frères un réconfort et un encouragement inconditionnels, au lieu de ces dures paroles.

Le véritable repentir
Cependant, Reouven exprimait en réalité tout sauf de la rigueur personnelle. Il agissait mû par son amour. Ses remontrances avaient pour but d’instruire et d’éduquer ses frères et non de les faire souffrir. Et c’est justement parce qu’ils traversaient cette crise terrible que ces reproches étaient nécessaires.
Car pour faire une réelle pénitence, deux conditions sont absolument nécessaires.
Il faut d’abord endosser pleinement la responsabilité de l’erreur commise.
De plus, il faut ressentir du regret pour ce que l’on a fait et non pour les conséquences que l’on doit en subir. Le remords qui naît parce que l’on se retrouve dans une situation difficile marque, au meilleur des cas, l’absence de sincérité et risque de rendre possible une future transgression.
Réouven en était bien conscient puisque c’est à lui que D.ieu avait dit : «A travers toute l’histoire, jusqu’à ce jour, aucun homme n’a péché devant Moi puis s’est repenti. Tu as été le premier.» Il fut le premier à exprimer du regret, de façon autonome et non par réaction à un signe extérieur. De plus, il assuma l’entière responsabilité de ses agissements, bien qu’en l’occurrence, il eût agi pour préserver l’honneur de sa mère et non de le sien (Voir Beréchit 30).
Sa contribution exceptionnelle dans le monde de la morale et du perfectionnement de soi jaillit d’une prise de conscience profonde : s’il ne devait jamais endosser la responsabilité de ses actes, il ne deviendrait jamais un homme responsable. S’il n’assumait pas ses propres défauts, jamais il ne grandirait.

S’améliorer
Ainsi Réouven sut détecter, dans les paroles de ses frères, deux brèches dans le cheminement vers une véritable Techouva.
Dans leurs mots : «En fait, nous sommes coupables envers notre frère dans la mesure où nous avons vu l’angoisse de son cœur quand il nous a suppliés et que nous ne l’avons pas écouté…», Réouven discerna d’une part qu’ils n’endossaient pas la responsabilité de leurs plus graves méfaits, la tentative de crime et l’enlèvement.
A cela, il répondit : «Et voilà que son sang est vengé.», comme pour dire : «reconnaissez votre transgression dans son intégralité».
Et à leur exclamation : «voilà d’où provient ce malheur !», il rétorqua : «Ne vous ai-je pas parlé en vous disant : ‘ne péchez pas contre le garçon’ ? Mais vous n’avez pas écouté !».
Il leur signifiait ainsi de faire un retour dans le temps et de véritablement revivre leur méfait. «Il ne s’agit pas de ce qui se passe maintenant», leur expliquait-il, «c’est toujours une erreur, depuis le moment où les faits se sont produits et que j’ai protesté contre l’injustice de ce que vous faisiez.»
Au lieu de se taire, par indifférence, il leur parla parce qu’il était concerné. D.ieu avait merveilleusement orchestré cette occasion pour qu’ils se repentent et Réouven n’avait aucune intention de la laisser passer. Au lieu de les laisser errer dans un faux repentir, il les encourageait à s’améliorer, à en profiter pour grandir.
Le Coin de la Halacha
Les femmes et les jeunes filles ont-elles
l’obligation d’allumer la ‘Hanoukia ?

Réponse : Les femmes et jeunes filles ont subi de terribles restrictions durant l’occupation gréco-syrienne.
Par ailleurs, la victoire militaire fut en grande partie due à l’action héroïque d’une femme, Yehoudit. C’est pourquoi les femmes et filles ont l’obligation d’assister à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah par un homme. Dans le cas où il n’y a pas d’homme (ou de garçon de plus de treize ans) pour les rendre quitte, elles allumeront leurs propres lumières de la fête.

Que doit faire celui qui rentre chez lui très tard le soir de ‘Hanouccah?
Normalement, on doit allumer les lumières de ‘Hanouccah de façon à «publier le miracle», donc quand les gens sont réveillés.
On peut allumer les lumières de ‘Hanouccah en principe toute la nuit, à condition que quelqu’un soit éveillé dans la maison. Si tout le monde dort, il faudrait normalement réveiller au moins une personne.
Cependant, celui qui allume sa ‘Hanoukia alors que plus personne n’est éveillé ne sera pas réprimandé pour cela.

Comment agissent les élèves d’un internat ?
Selon certaines opinions, ils sont considérés comme membres d’une même famille et doivent donc allumer chacun leur ‘Hanoukia dans le réfectoire ; s’ils le désirent, ils peuvent avoir la «Kavana», l’intention de ne pas se rendre quitte et allumer leur ‘Hanoukia dans leur chambre à coucher qui est considérée comme leur véritable demeure.
D’autres décisionnaires tranchent qu’ils doivent a priori allumer leur ‘Hanoukia dans leur chambre à coucher.
Enfin, certains décisionnaires séfarades estiment que les pensionnaires d’un internat sont rendus quitte de leur obligation d’allumer du fait que leur père allume chez lui à la maison en pensant à eux.

Si on allume la ‘Hanoukia en public, dans une synagogue ou une fête, doit-on prononcer les bénédictions ?
De nombreux décisionnaires tranchent qu’il faut allumer la ‘Hanoukia avec les bénédictions dans tout endroit où des Juifs se réunissent, que ce soit dans une fête, un restaurant, un mariage etc… afin de rendre le miracle public. Cet allumage ne nous dispense pas de l’obligation d’allumer la ‘Hanoukia chez soi.
F. L. (d’après Rav Yossef Guinsburgh)
De Recit de la Semaine
Une carte postale de ‘Hanouccah

C’était une simple carte postale mais pour moi, c’était le plus beau cadeau de ‘Hanouccah. Elle me ramenait au début de la précédente année scolaire.
J’avait attendu avec impatience les cours d’espagnol – littérature et culture – parce qu’ils semblaient si intéressants. De plus, c’était une matière qui me permettrait d’obtenir ma licence de professeur d’anglais comme seconde langue.
Tout commença mal. Le professeur Mendez semblait compétent et intéressant quand il entama son cours. Mais j’étais surprise qu’il parle en anglais alors que nous n’étions plus des débutants. Je levai la main et demandai pourquoi nous n’avions pas droit à un cours dans la langue que nous connaissions déjà. Les autres élèves, surpris, se gardèrent d’intervenir mais, d’une voix forte, le Professeur Mendez répondit de façon sarcastique que nous n’avions certainement pas le niveau nécessaire pour discuter histoire et littérature en espagnol. Il s’ensuivit un débat passionné, chacun prenant position pour l’un ou l’autre et, bien entendu, je fus considérée comme l’instigatrice de ce désordre. Cette antipathie sourde ne fit qu’augmenter au fur et à mesure du trimestre.
A l’occasion de l‘examen de mi-trimestre, le professeur eut l’occasion de me rendre la monnaie de ma pièce : j’avais pourtant bien préparé cet examen mais il me donna une note tout juste passable en écrivant que j’avais mal compris les questions : j’avais soi-disant analysé le texte au lieu de le résumer. J’étais absolument hors de moi mais ma famille estima que c’était probablement un antisémite ; de plus, les discussions que j’avais lancées m’avaient certainement desservie.
C’est justement à cette époque que parut un magazine dans lequel on y trouvait une de mes histoires. Elle contenait mes souvenirs des fêtes telles que je les avais passées dans mon enfance. J’apportais le magazine en classe pour le montrer à certains de mes camarades. J’avais même prévu de le montrer à mon professeur mais nous eûmes de nouveau un affrontement durant son cours et je décidai de n’en rien faire. Je sortis en colère de la salle de classe mais, arrivée à mi chemin dans les escaliers, j’ignore pourquoi je fis demi-tour et retournai dans la salle. Le professeur était en train de ranger ses affaires et me regarda avec étonnement : je lui montrai mon article, il le regarda brièvement et, de façon assez inattendue, me demanda la permission de l’emporter chez lui.
«Il l’a sans doute trouvé absolument unique ! » m’imaginai-je dans ma candeur orgueilleuse. « C’est peut-être la première fois qu’il entre en contact avec la vie juive ! » Mes pensées furent brusquement interrompues par sa remarque rêveuse : « Cela me rappelle ma propre jeunesse », déclara-t-il. « C’était durant la seconde guerre mondiale et nous étions forcés de célébrer les fêtes clandestinement, chaque année dans un lieu différent, sans savoir si nous pourrions les célébrer l’année suivante tous ensemble… »
Heureusement que je m’étais assise parce que la question suivante me figea sur place : «Comment avez-vous compris que j’étais juif ?»
Professeur Mendez, un Juif ? Je ne pouvais pas le croire !
«Mon père a changé notre nom de famille durant la guerre afin que nous puissions fuir en Amérique du sud. Nous avons tout fait pour nous fondre dans la population et apparaître comme des non-Juifs. Nous avons soigneusement étudié les habitudes de vie de nos nouveaux concitoyens…» C’est ainsi que là, dans la salle de classe vide, nous avons discuté du judaïsme et de la vie juive.
Le jeudi après-midi suivant, alors que je m’apprêtais à quitter la maison, une de mes filles me confia un de ses soucis : elle avait reçu en classe plusieurs Menorot (chandeliers de ‘Hanouccah) avec pour mission de les offrir à quelqu’un qui, autrement, n’allumerait pas les bougies de la fête. «Donne-moi une de tes Menorot enveloppée dans un joli papier cadeau, je sais à qui la donner de ta part !»
A la fin du cours d’espagnol, je m’approchai du Professeur Mendez en lui présentant le cadeau.
- Est-ce quelque chose que vous avez vous-même cuisiné, un gâteau par exemple ?
Je hochai la tête : «S’il vous plaît, ne l’ouvrez que quand vous arriverez à la maison. Et lisez le prospectus à l’intérieur !» En partant, je lui souhaitai : «Joyeux ‘Hanouccah !»
- Avez-vous allumé la Menorah ? lui demandai-je lors du cours suivant.
- Non, non ! se hâta-t-il de répondre. Je vous ai signalé que je n’étais pas pratiquant ! Ma vie a complètement changé depuis mon enfance !
Il avait placé la Menorah sur son bureau à la maison mais n’avait pas jugé nécessaire d’en faire plus.
- Et pourquoi ? demandai-je. N’est-il pas temps de comprendre que tout danger est écarté ? Allumez les bougies pour exister ! Il n’est plus nécessaire de se cacher ! Avancez et découvrez votre véritable identité !
- Peut-être un autre jour, murmura-t-il mais pas maintenant ! De toute façon, merci !
Et maintenant, un an plus tard, il m’avait envoyé une carte postale. Je lus et relus sa correspondance qui me remplit de joie, bien que ce ne fût que quelques mots : «Les bougies sont allumées !» Il avait signé de son nom : Yehouda Mendelovsky.
Il existe de nombreuses formes de combats et de victoires. L’héroïsme dont vous avez fait preuve, Professeur Mendez, est comparable à celui des Maccabim d’antan, ces Juifs qui avaient affronté les envahisseurs gréco-syriens assimilationnistes. Quand nous allumerons les lumières de ‘Hanouccah ce soir avec nos enfants, je penserai à vos petites lumières, ces petites flammes qui signifient une grande victoire.

Chana Sharfstein – www.chabad.org
Traduite par Feiga Lubecki