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Semaine 2

  • Bechala’h
Editorial

 Sur le chemin du 10 Chevat

Le temps passe, les mois s’envolent sans qu’aucune interruption puisse marquer leur cours. Pourtant, certains jours demeurent. Ils sont comme des fermes points d’ancrage dans l’éphémère des choses. Sur eux, il est possible de construire une vie ou un monde.

C’était le 10 Chevat, il y a 64 ans. La nouvelle avait retenti avec la puissance des événements qui bouleversent toute existence paisible: Rabbi Yossef Its’hak, le précédent Rabbi, avait quitté ce monde. Au-delà du caractère dramatique contenu dans cette nouvelle, chacun savait que l’action de Rabbi Yossef Its’hak avait radicalement changé le cours des choses. L’éducation juive avait retrouvé sa vigueur et, en ces temps de détresse, si proches de la Shoah, le judaïsme paraissait renaître. Tous commençaient à sentir de nouveau un certain bonheur d’être juif.

En ce 10 Chevat, l’action entreprise ne pouvait s’interrompre. Chacun ressentait que s’ouvrait une nouvelle époque pour poursuivre, approfondir et élargir cette oeuvre. Le Rabbi allait en être la continuation. De fait, dès qu’il accepta la charge qui lui était confiée, les domaines d’intervention se multiplièrent. Aucun Juif ne devait être laissé à l’écart de l’héritage du judaïsme. Il en allait de la responsabilité de tous. Commença alors le temps des grandes avancées. D’enseignements profonds en demandes d’action, de campagnes de Mitsvot en messages adressés à tous, le Rabbi prit la tête de nouveaux développements.

Avec un recul de 64 années, chacun mesure l’ampleur des changements. A une judaïté qui s’interrogeait sur son devenir a succédé un judaïsme conscient de l’importance du message qu’il porte. A une culture juive en déshérence a succédé une connaissance mise à la portée de tous. Sans doute est-ce un signe des temps, et la traduction concrète de ce long effort, que les cours de Torah se soient multipliés et que le nombre des traductions en français ne cesse de grandir.

Il importe de prendre conscience que nous sommes les héritiers de ce dynamisme et que, de ce fait, nous devons être les porteurs de cet enthousiasme. Certes, beaucoup reste encore à accomplir et l’action entreprise ne saurait souffrir aucun relâchement. Cependant, nous savons que devant nous continue le chemin qui nous fut indiqué dès le 10 Chevat. Il nous appartient, très simplement, de le poursuivre. Chacun porte en tête et en cœur le but à atteindre. La tradition lui a, de toujours, donné un nom: la venue de Machia’h.

Etincelles de Machiah

 Le temps du rire

En référence à la venue de Machia’h, les Psaumes (126: 2) annoncent: “Notre bouche se remplira de rire”. Si ce verset décrit parfaitement la joie qui s’emparera de nous en ce nouveau temps, il n’en reste pas moins qu’une question se pose. En effet, dans la mesure où la venue de Machia’h s’accompagnera d’une intense révélation de la Lumière Divine, littéralement sans précédent, quelle importance peut avoir le fait que “notre bouche s’emplira de rire”?

L’idée est, au contraire, essentielle. A ce moment, la joie et le plaisir de D.ieu se révèleront, ils seront la conséquence de l’accomplissement par les Juifs du service divin. C’est cette joie-là qui, justement, s’exprimera. Ainsi, le mot “vie” en hébreu a pour valeur numérique 414. C’est aussi celle de l’expression “Lumière infinie”. Cette identité souligne la vraie raison de ce “rire”: le plus grand plaisir de D.ieu.

(d’après Séfer Hamaamarim 5700, p. 68 et Likouteï Torah, Bamidbar, p. 19d)

Vivre avec la Paracha

Bechala’h

Dans les années 50, un rabbin réformé entretint une longue correspondance avec le Rabbi et lui rendit quelques fois visite. Il dit un jour au Rabbi : «J’envie la joie et le calme sereins qui irradient du visage de vos ‘Hassidim. Mais pourtant je ressens que cela vient d’une certaine forme de naïveté. S’ils étaient exposés au monde et aux défis qu’il lance, ce serait différent».

Le Rabbi répondit : «Ils ne sont pas naïfs. Ils ne vivent tout simplement pas dans une dichotomie».

En général, les gens sont déchirés entre ce qu’ils sont et ce qu’ils voudraient être, entre leur moralité et leur comportement. Le Rabbi indiquait à son interlocuteur que ses ‘Hassidim ne sont pas confrontés à un tel dilemme. La ‘Hassidout leur donne une approche complète à la vie ce qui leur permet d’être en paix avec eux-mêmes et de vivre les valeurs qu’ils professent. Le résultat en est la joie intérieure et la paix qu’enviait son visiteur.

 

Le début de la Paracha de cette semaine «quand Pharaon renvoya la nation…» soulève une question évidente : pourquoi Pharaon est-il présenté comme l’agent actif de l’Exode ? Jusque là, il avait été celui qui empêchait les Juifs de quitter l’Egypte. Pourquoi lui attribue-t-on soudain le crédit de les avoir renvoyés ?

La réponse à ces questions porte sur un champ plus large : pourquoi D.ieu crée-t-Il a priori des pharaons ? Il est sûr que la cruauté et la barbarie dont se rendit coupable Pharaon étaient le résultat de son propre choix. D.ieu ne l’avait pas créé inhumain, pas plus qu’Il ne l’obligea à opprimer les Juifs. Mais D.ieu lui donna l’opportunité ainsi que l’inclination pour agir ainsi. S’Il ne l’avait pas voulu, Il aurait créé un Pharaon différent ou ne l’aurait pas créé du tout.

Certains avancent que c’est simplement ainsi que va le monde. Le monde possède ses pharaons. Tout ce que nous voyons n’est pas rose.

Mais cela va à l’encontre du fondement-même de notre foi. Il ne peut rien y avoir au monde que D.ieu ne désire car Il a créé le monde à partir d’un néant absolu. Il n’existe rien qu’Il aurait été obligé de permettre dans le monde. Ainsi, tout ce qui existe l’est parce qu’Il a choisi que cela existe.

Nous revenons donc à notre question : pourquoi créé-t-Il des pharaons ?

La réponse ultime est : pour que Pharaon puisse envoyer les Juifs d’Egypte.

Pharaon n’est pas censé être mauvais ou malveillant. Il existe plutôt pour aider les Juifs à parvenir à la Rédemption. Mais il existe certaines entités qui expriment d’emblée leur intention positive et d’autres, comme Pharaon, pour lesquelles un effort et même une transformation sont nécessaires avant que leurs qualités ne fassent surface.

Il n’est rien dans le monde de D.ieu qui n’ait pas été créé pour le bien. Il est le bien et Il ne peut faire quoi que ce soit qui ne soit bien.

Mais il n’est pas toujours apparent que tout ce qu’Il fait est bien et, dans ces situations, Il invite le Peuple Juif à travailler avec Lui pour faire jaillir ce bien à la surface. Il fera sa part du travail mais il faut qu’il y ait un agent, ici sur terre, qui Lui serve de représentant et s’efforce de faire avancer Son dessein. C’est là le rôle qu’Il a confié au Peuple Juif : affronter Pharaon, et tous ceux qui lui ressemblent, et faire sortir le bien que D.ieu a placé en eux.

Ce n’est pas toujours facile, parce que face à des pharaons, nous risquons d’être blessés. Mais ce qui vient en dernier ressort est la satisfaction d’être le partenaire de D.ieu dans la création, c’est-à-dire que nous avons joué notre part pour aider à ce que la vision divine d’un monde idéal devienne une réalité.

En fait, cela implique beaucoup plus que la satisfaction. Finalement, Pharaon renvoie les Juifs et devient l’agent actif de la Rédemption parce que c’est précisément pour cela qu’il a été créé. Il peut rechigner, protester et le combattre mais il finira par accomplir son objectif parce qu’il n’a comme choix que de faire ce pourquoi il a été créé.

Il en va de même pour le Juif. Il peut ne pas apprécier le fait qu’il a été choisi comme agent de D.ieu pour être «une lumière pour les nations». Il peut préférer une tâche plus facile, moins exigeante. Mais il doit réaliser que c’est cela la raison pour laquelle il a été créé. Et si tel est son but, c’est par la réalisation de ce but qu’il trouvera son véritable accomplissement.

Voir l’horizon

Nos efforts pour raffiner Pharaon et ceux qui lui ressemblent sont également orientés vers l’avenir. L’une des prophéties citées par Maïmonide, en ce qui concerne la Rédemption, est : «Je rendrai les nations pures dans leur parole si bien qu’elles invoqueront le Nom de D.ieu et Le serviront dans un but unique». Et il continue : «A cette époque, la préoccupation du monde entier [c’est-à-dire des non-Juifs comme des Juifs] sera exclusivement de connaître D.ieu.»

Car la Rédemption ne concernera pas seulement le Peuple Juif. Au contraire, le but est que la révélation de la Divinité qui imprégnera cette ère soit appréciée par toute l’humanité.

Dans l’attente de cette révélation, les efforts doivent se multiplier pour raffiner la conduite de toutes les nations et pas simplement celle du Peuple Juif. Dans cette perspective, il est significatif qu’immédiatement avant de décrire la Rédemption future, Maïmonide évoque les Sept Lois Universelles* commandées à Noa’h et à ses descendants. Cela implique que la connaissance et la pratique de ces lois universelles hâtent la venue de la Rédemption. Car la Torah n’est pas seulement un guide pour le Peuple Juif mais sert de panneau indicateur pour toute l’humanité, la dirigeant sur la voie d’une existence plus signifiante.

*Les sept lois de Noa’h commandent :

L’obligation d’établir des institutions judiciaires

L’interdiction du blasphème du Nom divin

L’interdiction de l’idolâtrie

L’interdiction du meurtre

L’interdiction  des unions interdites

L’interdiction du vol

L’interdiction de consommer de la viande arrachée à un animal vivant.

La liste de ces lois est énoncée dans le traité Sanhedrin 56b

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que Tou Bichevat ?

Le 15 (« Tou ») du mois juif de Chevat est un jour particulier : il est un des quatre « Roch Hachana » (début de l’année), en l’occurrence le Roch Hachana des arbres. On ne récite pas la prière de Ta’hanoune (supplication).

Ce mercredi 15 janvier au soir et jeudi 16 janvier 2014, on mangera davantage de fruits, en particulier des fruits qui font la fierté de la terre d’Israël : blé, orge, raisin, figue, grenade, olive et datte. On s’efforcera également de manger des caroubes ainsi que des fruits nouveaux. On n’oubliera pas de réciter les bénédictions adéquates avant et après manger.

On aura soin de prélever la « Terouma » et le « Maasser » des fruits provenant d’Erets Israël.

La Torah compare l’homme à un arbre des champs : lui aussi est supposé produire des fruits, c’est-à-dire des Mitsvot, des bonnes actions. De même que le fruit peut produire des arbres qui produiront des fruits etc…, de même nos Mitsvot entraînent d’autres Mitsvot, encouragent d’autres Juifs à assumer leur judaïsme, à retrouver leurs racines et à s’enraciner dans un sol riche d’étude de la Torah et de pratique des Mitsvot. C’est ainsi que le peuple juif se perpétue, se développe et produira d’autres fruits.

À Tou Bichevat, nous mangeons des fruits, nous « produisons » des fruits, nous plantons des graines de bonnes actions.

F.L.

Le Recit de la Semaine

 Diffuser la Torah en Amérique

Extrait d’un discours de Rabbi Yossef Its’hak Schneerson, lors de son arrivée aux Etats Unis en 1940

Honorable assemblée, je donnerai d’abord lecture devant vous d’un extrait traduit en yiddish, quelques lignes de mon journal personnel, que j’ai rédigé, à quatre heures du matin, le 10 Adar Chéni 5700. Je le cite :

«C’était le mardi 9 Adar Chéni 5700, premier jour de mon arrivée dans ce pays, aux Etats-Unis, dans la soirée, après la grande fête de bienvenue, ‘hassidique et rabbinique, dont on m’a honoré, dans l’un des grands salons de l’hôtel Greystone. J’ai exposé, devant les présents, la mission de mon âme, celle pour laquelle je suis venu aux Etats-Unis. En effet, ma venue n’a pas pour objet de consommer ses fruits et de se rassasier de tout le bien qu’elle prodigue. Je suis venu aux Etats-Unis parce que mon âme a reçu la mission, par un effet de la divine Providence, d’y fonder des institutions de Torah, avec la crainte de D.ieu et de bonne éducation, avec l’aide de D.ieu, béni soit-Il.

Après avoir organisé, ce même soir, une réunion constitutive, afin d’édifier la Yechiva Tom’heï Temimim Loubavitch en Amérique, j’ai reçu la visite de deux personnalités importantes, résidant dans ce pays depuis longtemps, de bons amis, fidèles et attentifs, qui m’ont dit :

‘Nous avons entendu ce que vous avez dit, lors de la fête de bienvenue. Nous avons, en outre, participé à la réunion constitutive de la Yechiva Tom’heï Temimim Loubavitch, en Amérique, mais, malheureusement, nous devons vous décrire quelle est la triste situation morale de ce pays.

Nous avons la peine de vous faire savoir que votre bon espoir de diffuser la Torah avec la crainte de D.ieu et la bonne éducation, telles que vous les imaginez, en fonction de ce qu’était la maison juive en Europe, n’est absolument pas réaliste, en Amérique, même si l’on y consacrait le plus grand effort.

Nous avons le devoir de vous préserver d’une situation catastrophique et d’un échec cuisant, afin de maintenir l’honneur qui est dû à vos illustres ancêtres, nos saints maîtres, dont le mérite nous protègera.’

Le premier me dit :

‘L’Amérique est un pays qui dévore les plus grands et les meilleurs. Elle ne fait qu’une bouchée du plus grand, qui vient de s’y installer. En très peu de temps, elle le transforme, sans le moindre sentiment de pitié, en l’homme le plus petit.’

Le second ajouta encore :

‘L’Amérique est un pays d’enthousiasme instantané et fanatique, qui fait place, tout de suite après, à la froideur et à l’indifférence. Il est déjà arrivé, au moins une dizaine de fois, que la fête de bienvenue la plus chaleureuse, ayant été organisée pour des Grands d’Israël, laisse aussitôt la place à la froideur américaine. Et, les Grands de la Torah les plus honorables ont été oubliés et abandonnés à leur sort, comme s’ils étaient extérieurs au campement.’

Puis, les deux, ensemble, me dirent :

‘Nous ne vous communiquons qu’une toute petite partie de ce que nous devrions vous expliquer. Nous voulons que vous ayez une image très claire de la situation et que vous sachiez comment mener votre mission, comment diriger la communauté, en Amérique.

Que D.ieu fasse que, pour vous, cela soit différent et que vous soyez heureux, que votre sainte mission soit couronnée de réussite, à la fois matériellement et spirituellement.’

Il est inutile de préciser quel était mon sentiment, en entendant ces propos, de la bouche de mes amis les plus fidèles. J’ai versé de nombreuses larmes, en lisant mon premier Chema Israël sur le continent américain.»

(Séfer Hasi’hot 5705 - 1945)