Rabbi Yosseh Yits'hak rendit publique, quelques jours avant son décès, la première partie d'un maamar fondé sur le verset "Je suis venu dans Mon jardin," afin qu'il soit étudié le chabbat 10 chebat 5710-1950. Le Rabbi, chaque année à prononcé un nouveau maamar à partir du même verset. discours prononcé le 10 Chevat 5741(1)

" Je suis venu dans Mon jardin, Ma sœur, Ma fiancée "(2)

Chapitre 1

Mon beau-père, le Rabbi fit éditer un discours 'hassidique pour le 10 Chevat, " le dixième sera sacré "(3), date de son décès, qui se manifeste de nouveau, chaque année, en ce jour, ainsi qu'il est dit(4) : " Ces jours sont commémorés et revécus ". Dans ce texte, il mentionne l'explication suivante du Midrash Chir Ha Chirim Rabba, à cette référence : " Je suis venu dans Mon jardin, dans le lieu de Mon plaisir, là où fut d'abord Ma résidence essentielle ".

En effet, la Présence de D.ieu se révélait, avant tout, dans le monde matériel, lors de la création. Puis, des actes indésirables firent qu'Elle se retire là-haut, jusqu'au septième ciel. Par la suite, vinrent des Justes, ainsi qu'il est dit(5) : " Les Justes héritent de la terre et ils y résident pour l'éternité " en mettant en évidence cette éternité et en la dévoilant. Ils firent donc redescendre la Présence de D.ieu ici-bas. Avraham, le premier, en eut le mérite(6), puis arriva Moché, qui était le septième, et " tous les septièmes sont chéris "(7). C'est à lui que revint le privilège de faire redescendre la Présence divine ici-bas, en ce monde inférieur, ainsi qu'il est dit(8) : " Et, D.ieu descendit sur le mont Sinaï ".

Afin que la Présence divine puisse demeurer ici-bas d'une manière fixe, l'Injonction suivante(9) fut ensuite donnée : " Ils Me feront un Sanctuaire et Je résiderai parmi eux ". Ce Sanctuaire fut bâti et ce même terme désigne également le Temple(10). Certes, nos Sages expliquent(11) : " Je résiderai parmi eux : au sein de chacun ". Pour autant, cette résidence fut essentiellement le Sanctuaire, puis le Temple. C'est là que la Présence divine se révéla, ainsi qu'il est dit : " Ils y résident pour l'éternité ".

L'une des phases essentielles et fondamentales de l'édification du Sanctuaire est exprimée par le verset(12) : " Tu feras des poutres pour le Sanctuaire, en bois de Chittim dressé ". Ce discours 'hassidique explique(13) que Chittim est de la même étymologie que Chtout, la folie. Faire des poutres pour le Sanctuaire consiste donc à transformer la folie et le mensonge, Chéker, anagramme de Kérech, la poutre, caractérisant ce monde, afin d'en constituer des poutres pour le Sanctuaire, qui seront dressées et lui permettront de tenir debout, d'une manière forte et immuable.

Dans son application au service de D.ieu, cette Injonction signifie à l'homme la nécessité de bâtir une Demeure pour Lui ici-bas, parmi les créatures inférieures, de le faire, selon l'expression du Tanya(14), " par nos actions et nos réalisations ". C'est ainsi que l'on met en pratique la Volonté de D.ieu, Qui désira posséder une telle Demeure au sein de la matière(15).

Notes:

(1) 1981. Le présent texte est essentiellement un commentaire du chapitre 11 de la séquence de discours 'hassidique intitulé : " Je suis venu dans Mon jardin ", publiée en 5710 (1950), qui est éditée dans le Séfer Ha Maamarim 5710, à partir de la page 131.
(2) Chir Ha Chirim 5, 1.
(3) Be'houkotaï 27, 32.
(4) Meguilat Esther 9, 28. Voir le Lev David du 'Hida, au chapitre 29.
(5) Tehilim 37, 29.
(6) Il fit ainsi descendre la Présence divine du premier ciel vers le second.
(7) Midrash Vaykra Rabba, chapitre 29, paragraphe 11.
(8) Yethro 19, 20.
(9) Terouma 25, 8.
(10) Selon le traité Erouvin 2a.
(11) Voir le Réchit 'Ho'hma, porte de l'amour, début du chapitre 6.
(12) Terouma 26, 15.
(13) A partir du chapitre 3.
(14) Au début du chapitre 37.
(15) Midrash Tan'houma, Parchat Nasso, chapitre 16.

Chapitre 2

Cette Demeure de D.ieu ici-bas(16) est bâtie par les Juifs, qui sont appelés " les armées de D.ieu ". Ils reçurent ce nom pour la première fois lors de la sortie d'Egypte, laquelle fait également allusion à la libération des barrières et des entraves imposées par ce monde inférieur. Pour s'en affranchir, il faut effectivement appartenir aux armées de D.ieu.

Le terme hébraïque Tsava reçoit trois interprétations, armée, temps et beauté. Et, de fait, les Juifs, " armées de D.ieu ", possèdent ces trois caractères. Dans une armée, en effet, les soldats offrent leur vie pour le roi et l'officier, qui les commande. Les Juifs possèdent, en outre, la beauté, qui se manifeste précisément quand tous sont réunis. L'interaction entre eux crée alors l'harmonie, car, " leurs opinions divergent "(17). Enfin, tous les Juifs, depuis les " chefs de tribu " jusqu'aux " puiseurs d'eau ", se tiennent, avec détermination, devant " l'Eternel notre D.ieu "(18). De la sorte, ils assument pleinement la mission qui leur est confiée et ils le font de façon parfaite, ainsi qu'il est dit(19) : " Et, les enfants d'Israël sortent la main haute ".

Il est souligné que " vous êtes définis comme des hommes, Adam "(20), c'est-à-dire " à l'image du Très Haut "(21). Ainsi, tout comme les hommes, ici-bas, se regroupent dans les " armées de D.ieu ", il en est de même également pour l'Homme céleste. C'est ce que le Rabbi explique ensuite, au onzième chapitre de son discours. C'est ainsi que, dans les sphères célestes, Tsevaot, les armées, devient un Nom divin, l'un des sept qu'il est interdit d'effacer. Le Midrash Rabba(22) précise, à ce propos : " Qui souhaites-tu connaître ? Mon Nom dépend de Mes actions. Lorsque J'entre en guerre contre les impies, Je suis appelé Tsevaot ".

L'impie est celui qui ne suit pas le droit chemin, lequel permet de faire du monde " Mon jardin, le lieu de Mon plaisir ", le plaisir du Saint béni soit-Il. Il est expliqué(23) que " le Saint béni soit-Il conçut l'envie d'une Demeure parmi les créatures inférieures " et il est dit(24) : " Ils garderont le chemin de D.ieu, en faisant la justice et le jugement ". Lorsque ce chemin est détourné, on va à l'encontre de la justice et du jugement et l'on est alors un impie. En pareil cas, D.ieu " entre en guerre contre les impies ", au moyen du Nom Tsevaot.

Le Rabbi poursuit son discours en précisant qu'une guerre, là-haut, pour le Saint béni soit-Il, le Roi céleste, est effectivement comparable à celle qui est menée par un monarque de chair et d'os. En effet, pour vaincre son ennemi, un roi dilapide tous les trésors, dont la plus petite pièce n'avait jamais été utilisée auparavant, pour quelque objet que ce soit. Tout cela est dépensé afin d'obtenir la victoire au combat.

Dans une telle situation, on adopte l'organisation suivante. Pendant le combat, on ouvre les trésors et on les met à la disposition des soldats. Et, il en est donc de même, là-haut. Le Saint béni soit-Il ouvre les trésors et Il les transmet aux " armées de D.ieu ", c'est-à-dire à chaque Juif et à chaque Juive menant Son combat, emportant la victoire et bâtissant pour Lui une demeure ici-bas.

Notes:

(16) Cette explication se rapporte au chapitre 10 du discours 'hassidique du précédent Rabbi.
(17) Traité Sanhédrin 38a.
(18) Pendant le jour de Roch Hachana, ce qui introduit la dimension du temps, qui est la troisième signification du mot Tsava.
(19) Bechala'h 14, 8.
(20) Traité Yebamot 61a.
(21) Séfer Assara Maamarot, discours Em Kol 'Haï, tome 2, chapitre 33.
(22) Chemot Rabba, chapitre 3, paragraphe 6. Il s'agit de la réponse de D.ieu à Moché, notre maître, qui Lui demandait d'obtenir Sa révélation.
(23) Midrash Tan'houma, Parchat Nasso, chapitre 16.
(24) Vayéra 18, 19.

Chapitre 3

On pourrait poser la question suivante. Les trésors auxquels il est fait allusion ici n'ont jamais été utilisés, sont restés cachés et voilés, de sorte qu'au préalable, personne n'a pu les voir ou, a fortiori, les dilapider. On peut donc se demander pourquoi ils sont utilisés pour la guerre et dépensés, à cet effet. Le Rabbi en donne la raison. Le roi souhaite obtenir la victoire et ce désir va au-delà de toutes les autres préoccupations de son royaume. Pour ces dernières, il n'aurait donc pas dilapidé les trésors. Il le fait, en revanche, pour gagner la guerre.

Le Rabbi énonce ensuite l'explication de tout cela dans les sphères célestes en citant le Chaareï Ora, du Rav Y. Gagin, selon lequel le Nom divin Tsevaot est lié à l'Attribut de la victoire, Nétsa'h. Or, la source de Nétsa'h est plus haute que celle des autres Sefirot, comme nous le montrerons. C'est ce que le Rabbi suggère, au moyen de la parabole dont il fait mention. En effet, le roi ne fait pas que dilapider les trésors. Il offre également sa vie, car sa victoire, liée à Nétsa'h, est encore plus importante pour lui que son existence. Il en est ainsi précisément parce que la source spirituelle de Nétsa'h, y compris pour le roi, est plus profonde, plus déterminée non seulement que toutes les autres préoccupations du royaume, mais aussi que la vie proprement dite du roi.

L'explication est la suivante. La guerre peut être comparée à un désert, antithèse du verset(25) : " La gloire de l'homme se révèle quand il prend place dans sa maison ". Mon beau-père, le Rabbi, dont nous célébrons la Hilloula, mentionne l'explication de l'Admour Hazaken, au nom du Baal Chem Tov(26), à propos du verset(27) : " Mon âme a soif de Toi et, combien plus, ma chair, en une contrée aride, épuisée, sans eau. Que je T'observe ainsi dans la sainteté ", dont il donne cette lecture : " Puisse D.ieu faire que je T'observe ainsi dans la sainteté ", formulant ainsi le vœu d'obtenir la perception du Divin, à l'époque du Temple, " dans la sainteté ", de la manière dont l'âme et la chair ont soif, quand elles se trouvent dans une contrée aride, épuisées et sans eau, c'est-à-dire dans le désert, là où il est nécessaire de se battre, ainsi qu'il est dit(28) : " Il te conduit dans ce désert grand et redoutable, où se trouvent des serpents, des vipères et des scorpions ". C'est dans cet endroit qu'il faut lutter contre les impies et c'est là que se constituent les armées. A ce propos, le Baal Chem Tov dit : " Puisse D.ieu faire que je T'observe ainsi dans la sainteté ".

En effet, la guerre est la révélation du stade le plus élevé, là où l'Attribut de Nétsa'h prend sa source. Car, le désert, contrée aride, où l'on est épuisé et sans eau, suscite la soif, le désir le plus intense. C'est précisément cet appel de l'homme qui provoque la révélation divine, le dévoilement de l'Essence du Roi, transcendant même son existence.

Notes:

(25) Ichaya 44, 13.
(26) Voir le Kéter Chem Tov, éditions Kehot, additifs, chapitre 52.
(27)Tehilim 63, 2-3.
(28) Ekev 8, 15.

Chapitre 4

Il nous faut maintenant comprendre ce qu'est ce Trésor céleste. Nous citerons, à ce sujet une explication du Maguid(29). Il est bien clair, en effet, que l'or et l'argent ne sont pas dignes de constituer le trésor d'un roi. Pour lui, ceux-ci sont insignifiants. Dans ce trésor, on doit trouver la valeur la plus précieuse, qui est, en fait, la crainte, celle que le roi inspire à tous les pays. C'est le sens du verset(30) : " La crainte de D.ieu est Son trésor " et nos Sages soulignent(31) que " tout est dans les mains de D.ieu, sauf la crainte de D.ieu ". Ce sentiment est inspiré par la grandeur de D.ieu(32), de laquelle il est affirmé(33) : " La crainte de D.ieu est sagesse ", liée à la Ye'hida(34). Il s'agit de la Crainte supérieure(35).

De ce fait, la dilapidation des trésors doit être effectuée précisément pour les soldats. Au sens le plus simple, un soldat se caractérise par son abnégation, par le don de lui-même auquel il consent et qui est lié à sa crainte de D.ieu plutôt qu'à sa peur de la punition. De fait, cette crainte lui est inspirée par la grandeur de D.ieu, face à laquelle il ressent de la honte. Et, une telle forme de crainte est bien la plus parfaite. Quand les soldats luttent et obtiennent la victoire, grâce à leur abnégation, l'appel qui est, de cette façon, lancé par les hommes suscite la réaction céleste et, de façon similaire, les trésors d'en haut se dévoilent.

Un soldat offre son existence, sa vie, mettant ainsi en évidence le trésor qu'il porte en son âme, lequel est pour lui, plus précieux, que sa propre existence. Et, il en est donc de même pour D.ieu, Qui dévoile Son Attribut de Nétsa'h. En pareil cas, le roi fait don de sa vie.

C'est pour cela que le Tanya(36), se basant sur les écrits du Ari Zal(37), souligne que l'âme n'est pas descendue ici-bas pour parvenir à sa propre perfection, mais bien pour transformer le monde matériel et grossier, afin d'y bâtir une Demeure pour D.ieu, au sein des créatures inférieures. Ce monde est grossier ou, tout au moins, matériel et, pour y construire cette Demeure, il est nécessaire de lutter, de faire reculer " l'autre côté ". C'est ainsi que l'on révèle " l'honneur du Saint béni soit-Il "(38). Par la suite, l'obscurité se transforme en lumière et l'amertume en douceur. Ainsi, le mensonge du monde, Chéker, devient une poutre, Kérech, soutenant le Sanctuaire. Dès lors, tout ce qui constitue le monde participe à cette Demeure de D.ieu, parmi les créatures inférieures.

Notes:

(29) De Mézéritch dans le Or Torah, éditions Kehot, page 68b.
(30) Ichaya 33, 6.
(31) Traité Bera'hot 33b.
(32) Selon le Or Torah.
(33) Yov 28, 28.
(34) L'essence de l'âme divine, seule capable d'éprouver une crainte aussi élevée.
(35) Le plus haut niveau de soumission à D.ieu que l'homme peut atteindre en faisant totalement abstraction de son propre ego.
(36) Au chapitre 37.
(37) Ets 'Haïm, porte de l'Image, chapitre 1.
(38) Voir le Zohar, tome 2, page 128b et le Tanya, chapitre 26.

Chapitre 5

Tel est le sens du verset(39) : " La justice de Sa prodigalité en Israël ". Nos Sages expliquent(40) : " Ne lis pas Pirzono, Sa prodigalité, mais Pizrono, Sa dissémination. Le Saint béni soit-Il accorda un bienfait à Israël en le disséminant parmi les nations ". L'Admour Haémtsahi, dans le Torat 'Haïm, à la Parchat Bechala'h(41) et la séquence des discours 'hassidiques prononcés à l'occasion du mariage de celui dont nous célébrons la Hilloula(42) expliquent que cette prodigalité se manifeste précisément parce que les Juifs sont disséminés parmi les nations. C'est ainsi qu'il est dit : " Jérusalem restera ville ouverte(43) ". Et, ces textes citent également l'affirmation de nos Sages(44) selon laquelle : " Nétsa'h, c'est la construction de Jérusalem ".

Or, on peut s'interroger sur cette dernière interprétation. Quelle relation y a-t-il entre la construction de Jérusalem et l'Attribut de Nétsa'h ? Nous le comprendrons d'après ce qui a été dit au préalable, à propos de la dilapidation du trésor par le roi afin d'obtenir la victoire au combat. Les Tossafot, citant le Midrash, disent(45) que le nom de Jérusalem est la contraction de deux noms qui lui furent donnés, l'un par notre père Avraham, l'autre par Chem, le fils de Noa'h. Le premier l'appela Irea, la crainte et le second Chalem, entier. Il en résulte que Jérusalem est l'intégrité de la crainte.

Nous avons vu que la perfection de la crainte conduit à offrir sa vie, de manière concrète et, de la sorte, à révéler l'Attribut divin de Nétsa'h. En menant avec abnégation les combats des " armées de D.ieu ", afin de bâtir pour Lui une demeure parmi les créatures inférieures, on peut donc révéler le Nom divin Tsevaot, que D.ieu porte quand Il lutte contre les impies. De la sorte, on fait reculer l'autre coté, jusqu'à transformer l'obscurité en lumière.

De ce fait, le Tséma'h Tsédek explique(46) que Nétsa'h émane d'un niveau particulièrement élevé, se mettant en éveil uniquement quand l'opposant entre en lutte. Dans la parabole qui a été énoncée, l'attribut de Nétsa'h conduit le roi à faire don de sa vie et il en est de même, dans les sphères célestes, où Nétsa'h prend sa source dans l'Essence. Comme on l'a indiqué, en citant le Maguid, le trésor du roi est la crainte qu'il inspire. Celle-ci est à la base même de son existence, ainsi qu'il est dit(47) : " Tu placeras au dessus de toi un roi " et nos Sages précisent(48) : " afin que tu Le craignes ".

Il résulte de tout cela que la royauté se révèle dans toute sa perfection précisément quand la crainte est intègre, c'est-à-dire quand on l'éprouve face à la grandeur de D.ieu, parce que l'on ressent de la honte devant Lui.


Notes:

(39) Choftim 5, 11.
(40) Traité Pessa'him 87b.
(41) A partir de la page 336b. Voir également le début de ce discours.
(42) Dans le discours 'hassidique intitulé : " La justice de Sa prodigalité " de 5689 (1929), figurant dans le recueil des discours 'hassidiques du mariage, qui est édité dans le Séfer Ha Maamarim Kountrassim, tome 1.
(43) Prazot, de la même étymologie que Pirzono et Pizrono.
(44) Voir le traité Bera'hot 58a.
(45) Au traité Taanit 16a.
(46) Voir le Or Ha Torah, Parchat Bechala'h, à partir de la page 672 et le Dére'h Mitsvoté'ha, à partir de la page 11a.
(47) Choftim 17, 9.
(48) Traité Ketouvot 17a.


Chapitre 6

Toutefois, on peut encore se poser la question suivante. Comment parler de victoire, là-haut ? Cette notion ne prend-elle pas un sens uniquement pour un homme qui souhaite vaincre son prochain ? En revanche, quelle signification a-t-elle pour D.ieu ? Qui pourrait se dresser contre Lui, qu'Il devrait vaincre ? Il est le Roi, Roi des rois, le Saint béni soit-Il et qui Lui dicterait Sa conduite ? Tous les événements malencontreux ne sont-ils pas insignifiants, devant Lui ?

Le Rabbi Maharach explique, dans un discours 'hassidique intitulé " La justice de Sa prodigalité ", de 5626(49), qu'il est dit(50), à ce propos : " L'Eternité d'Israël ne mentira pas et ne se dédira pas ". Ce verset parle bien de l'éternité, Nétsa'h, d'Israël, car c'est précisément pour Israël que la victoire est obtenue.

Ainsi, les Juifs reçoivent la victoire ici-bas et ils sont appelés " hommes ", Adam, justement parce qu'ils sont " à l'image du Très Haut "(51). De ce fait, bien que la victoire semble n'avoir aucun sens pour D.ieu, les Juifs la suscitent également dans les sphères célestes, de sorte que celle-ci " ne ment pas et ne se dédit pas ".

L'explication de tout cela est la suivante. Différents textes(52) établissent que ce verset, " L'Eternité d'Israël ne mentira pas ", fut énoncé à propos de la royauté de la maison de David, qui est liée à l'Attribut de Nétsa'h et qui, de ce fait, est immuable et céleste. Cette qualité de la royauté de David lui permet de surpasser même celle de Chaoul, bien que celui-ci ait été appelé " oint de D.ieu "(53) et reçu l'onction par l'huile parfumée d'Aparsemon, comme le rapporte le traité Horayot(54).

En effet, c'est uniquement la royauté de David qui est liée au Nétsa'h d'Israël, lequel suscite une révélation émanant d'un stade encore plus élevé que l'existence du roi. Pourquoi en fut-il ainsi précisément pour David ? On peut le comprendre en fonction du verset(55) : " Parole de l'homme placé au dessus ", c'est-à-dire de(56) " celui qui rétablit le joug "(57). L'apport de David était donc bien la soumission(58).

C'est pour cela que David était plus élevé que Chaoul, lui-même comparé au " large fleuve "(59), c'est-à-dire à la compréhension, à l'approche intellectuelle, alors que David se distinguait par sa soumission. Il dépassa donc la compréhension de Chaoul, ainsi qu'il est dit(60) : " L'obéissance est préférable à un sacrifice, la docilité à la graisse des béliers ". C'est en étant soumis que l'on obtient la révélation céleste. De la sorte, il est établi que " l'Eternité d'Israël ne mentira pas et ne se dédira pas ". De ce fait, la royauté de la maison de David est vraie, à l'image de la Royauté céleste.


Notes:

(49) 1866, dans le Séfer Ha Maamarim 5626, à la page 286, dans l'édition Kehot de 5749 (1989).
(50) Chmouel 1, 15, 29.
(51) Traité Yebamot 61a et Séfer Assara Maamarot, discours Em Kol 'Haï, tome 2, chapitre 33.
(52) Voir le Torah Or, Parchat Yethro, à la page 72c.
(53) Chmouel 1, 12, 3.
(54) Voir le traité Horayot 11b et 12a, le Rambam, lois des rois, chapitre 1, paragraphe 10 et ses commentaires.
(55) Chmouel 2, 23, 1.
(56) Selon le traité Moéd Katan 16b et le Midrash Bamidbar Rabba, chapitre 18, paragraphe 21.
(57) Ol signifie à la fois " au dessus " et " joug ".
(58) Textuellement " l'acceptation du joug ".
(59) Vaychla'h 36, 37.
(60) Chmouel 1, 15, 22.

Chapitre 7

On peut préciser l'application de ce qui vient d'être dit au service de D.ieu d'après ce qu'explique le Rabbi Rachab, dans la séquence de discours 'hassidiques de 5672(61). Ce texte précise que l'attribut de Nétsa'h souligne aussi la nécessité de se vaincre soi-même, d'accomplir ce que l'on est, naturellement, enclin à ne pas faire ou même d'aller à l'encontre de sa propre nature. Bien plus, il ne suffit pas d'aller contre son intellect, contre ses sentiments, contre tous ses autres traits de caractère. On doit également agir à l'encontre de la nature que l'on a reçue du Saint béni soit-Il, celle de l'âme divine.

C'est de cette façon que l'on se libère de l'Egypte, de ses entraves et de ses limites, y compris de celles qui appartiennent au domaine de la sainteté. Et, c'est là le véritable don de soi-même. Ceci fait également le lien avec la sortie d'Egypte, lorsque les enfants d'Israël devinrent " les armées de D.ieu ". Quand les entraves et les limites disparurent, là-haut, elles furent également supprimées ici-bas. Dès lors, ils purent quitter l'Egypte, au sens le plus littéral.

C'est de cette façon qu'il faut comprendre l'affirmation de nos Sages(62) selon laquelle " le Saint béni soit-Il éprouva l'envie qu'une Demeure Lui soit bâtie parmi les créatures inférieures ". Car ce sont ces créatures inférieures elles-mêmes qui doivent être cette Demeure, révéler ici-bas le dévoilement céleste le plus élevé. A ce propos, l'Admour Hazaken remarque(63) : " On ne pose pas de question sur une envie ". En effet, une envie transcende toute interrogation, n'appartenant pas au monde des questions, au domaine de leur existence, à tout ce qui a trait au questionnement et au voile qu'il suscite.

C'est précisément là ce qu'il convient de révéler ici-bas, aux créatures inférieures, jusqu'à la plus basse. Car, ce qui s'applique à tous les mondes concerne également l'homme, capable de mettre ce niveau en évidence jusque dans ses forces les plus basses(64), dans son attribut de Nétsa'h. Parmi les Sefirot célestes, Nétsa'h se trouve " à l'extérieur du corps "(65). C'est pourtant lui qui révèle le niveau le plus haut, comme l'indique le Tséma'h Tsédek(66), commentant la prière : " D.ieu élevé, Qui promulgue des bienfaits positifs ". Il précise, en effet, que " D.ieu élevé " correspond à Ari'h Anpin(67), lequel promulgue des bienfaits qui sont Nétsa'h, Hod et Yessod(68). Le Tséma'h Tsédek souligne, dans ce texte, que la source de Nétsa'h est particulièrement élevée. Son nom est, en effet, à rapprocher de Métsa'h, le front. Il est donc le Front céleste(69), soit Atika Kadicha(70) et Mo'ha Stimaa(71).

Si l'on applique tout cela au service de D.ieu, comme on l'a dit, cela signifie que l'on doit s'élever au dessus de la nature que l'on a reçue du Saint béni soit-Il, au dessus de la nature de " la seconde âme d'Israël, qui est une parcelle de Divinité véritable "(72). Pour y parvenir, cette âme doit descendre ici-bas, ainsi qu'il est dit(73) : " Il m'a installé dans l'obscurité ". Dès lors, se réalisent les termes du verset(74) : " Attire-moi, nous courrons vers Toi ", nous au pluriel, soit à la fois l'âme divine et l'âme animale.

C'est pour cela que l'âme est descendue " d'une cime élevée vers une fosse profonde ", afin de connaître l'élévation. Elle peut ainsi se hisser vers un stade qui transcende les notions de descentes et d'élévations. Dès lors, D.ieu possède effectivement une Demeure parmi les créatures inférieures, là où se trouvait, au préalable, Sa résidence essentielle. Or, un homme réside dans sa maison(75), non seulement par la partie révélée de sa vie, mais aussi par l'essence même de sa personne, comme cela est expliqué par ailleurs(76), à propos des quatre coudées qui constituent le domaine de l'homme. Ce qui est dit, à leur propos, s'applique, a fortiori, à la maison et à la résidence de l'homme, qui est protégée par les Lumières qui l'entourent.

Notes:

(61) Tome 3, page 1221.
(62) Midrash Tan'houma, Parchat Nasso, chapitre 16.
(63) Cité et expliqué par la séquence de discours 'hassidiques de 5666, à la page 7.
(64) Celle de son âme, en l'occurrence son désir de victoire.
(65) L'ensemble des Sefirot forme l'image du corps humain.
(66) Voir les notes du Likouteï Torah, Parchat Tazrya, page 21b, Parchat Masseï, à partir de la page 90c, le Or Ha Torah, Parchat Béréchit, page 18b.
(67) L'aspect superficiel de Kéter, la couronne qui surplombe l'enchaînement des mondes.
(68) La victoire, la soumission et l'influence.
(69) Le niveau qui accorde l'influence aux stades de l'enchaînement des mondes qui le suivent, d'une manière directe et non détournée.
(70) L'aspect profond de Kéter.
(71) L'Attribut de l'intellect de Kéter, qui fait un lien entre Atika Kadicha et Ari'h Anpin.
(72) Tanya, début du chapitre 2.
(73) E'ha 3, 6.
(74) Chir Hachirim 1, 4.
(75) Voir, en particulier, le Or Ha Torah, à la Parchat Balak, page 997 et la séquence de discours 'hassidiques de 5666, à la page 3.
(76) Voir le Kountrass Inyana Chel Torat Ha 'Hassidout, au chapitre 20.

Chapitre 8

Grâce à nos actions et nos accomplissements, pendant le temps de l'exil, en n'étant pas affecté par les raisonnements(77), les limites et les entraves, en n'ayant pas honte devant les moqueurs, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour servir D.ieu en Le craignant, en éprouvant la crainte qui est inspirée par Sa grandeur, celle qui résulte de la honte que l'on ressent, face à Lui. Dès lors, la Crainte inférieure et la Crainte supérieure(78) ne formeront qu'un seul et même niveau et nous parviendrons à l'intégrité de cette crainte.

De la sorte, nous pourrons reconstruire Jérusalem, dans sa dimension spirituelle. Ce sera l'édifice de la crainte parfaite, puis il y aura sa reconstruction au sens le plus littéral, car l'acte est essentiel. Il s'agira alors véritablement de Jérusalem et, à proprement parler, de sa construction. Par la suite, " Jérusalem restera ville ouverte ".

Tout ceci résulte de " la justice de Sa prodigalité ", du " bienfait que fit le Saint béni soit-Il en les disséminant parmi les nations ". Là, les Juifs mènent les combats de D.ieu et ils emportent la victoire, grâce à l'attribut de Nétsa'h, lié au Nom divin Tsevaot. De la sorte, il sera établi que " l'Eternité d'Israël ne mentira pas et ne se dédira pas " par l'intermédiaire de la royauté de la maison de David, de laquelle émanera notre juste Machia'h, lors de la délivrance véritable et complète.

Ceci se passera très bientôt, très vite et réellement de nos jours. Alors, " l'honneur de D.ieu se révélera et toute chair ensemble verra "(79), car " le règne sera D.ieu "(80), très bientôt et réellement de nos jours.

Notes:

(77) Les entraves imposées par la rationalité.
(78) Voir le Torah Or, additifs, à la page 114d, le Likouteï Torah, à la Parchat Reéh, page 31a, les Biyoureï Ha Zohar de l'Admour Haémtsahi, page 81a-b, les Biyoureï Ha Zohar du Tséma'h Tsédek, à la page 423 et le Kountrass Ha Avoda, chapitre 3, à la page 18.
(79) Ichaya 40, 5.
(80) Ovadya 1, 21.

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Annexe :
Extrait de causeries du Rabbi relatives au chapitre 10 du discours " Je suis venu dans Mon jardin ", qui fut transmis par le précédent Rabbi

Dans le chapitre 10 du discours 'hassidique intitulé : " Je suis venu dans mon jardin ", mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera, explique que les enfants d'Israël sont appelées " armées " et il rappelle les trois significations du terme Tsava, armée, temps fixé ainsi qu'il est dit : " Un homme reçoit un temps (Tsava) sur la terre " et beauté, comme l'enseignent nos Sages, au traité Roch Hachana 11a, à propos du verset : " Les cieux, la terre et toutes leurs armées furent achevés ", soulignant que " ils furent créés de façon harmonieuse ". On consultera la longue explication, à ce sujet, qui figure dans le chapitre 10.

Une analyse précise de la seconde et de la troisième interprétations du mot Tsava est faite dans ce chapitre 10. En revanche, sa première signification, relative à l'armée, est précisée uniquement dans le chapitre 11. Le Rabbi y explique que l'on fait la guerre dans le but d'obtenir la victoire. Or, l'attribut de victoire, Nétsa'h, surpasse toutes les forces révélées et il est implanté en l'essence de l'être. C'est pour cela que le roi dilapide ses trésors cachés, afin d'obtenir cette victoire. Et, bien que celle-ci soit attribuée aux officiers, dirigeant l'armée, elle est, concrètement, le fait des soldats, car ce sont ceux qui l'obtiennent, de manière concrète. Dans le chapitre 10, le Rabbi ne fait pourtant que citer la première interprétation et il n'en donne la signification qu'au chapitre 11. De la sorte, il délivre l'enseignement suivant.

Il a été expliqué, lors de la réunion 'hassidique du 10 Chevat, cette année, qu'à l'issue de la dixième année suivant le décès de mon beau-père, le Rabbi, ainsi qu'il est dit : "Le dixième sera sacré " et au seuil de la onzième année, il convient désormais d'adopter la forme du service de D.ieu qui est décrite par le chapitre 11. Il est nécessaire, en conséquence, d'être un soldat. Et, pour obtenir la victoire, ce qui est bien l'objectif de la guerre, tous les trésors cachés sont dilapidés.

L'Admour Hazaken énonce, à ce propos, la parabole suivante. Le fils du roi était malade et l'on ne trouva pas d'autre remède à son mal que de dissoudre le joyau le plus précieux de la couronne royale. Pour sauver la vie de son fils, le roi l'accepta, bien que la valeur et la beauté de sa couronne dépendaient précisément de ce joyau. Il en est donc de même, là-haut. Pour obtenir le salut moral du peuple d'Israël, D.ieu renonce aux biens les plus précieux et Il dilapide tous les trésors cachés, qui n'ont jamais été utilisés pour quoi que ce soit.

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Pendant les dix années qui viennent de s'écouler, tous les trésors cachés ont été dilapidés, là-haut, avec la plus grande largesse, mais on ne les a pas utilisés comme il l'aurait fallu. On ne l'a fait qu'en des proportions très réduites, comme pendant le sommeil, lorsque les dents et les lèvres sont fermées, de sorte que l'influence ne peut pas pénétrer profondément. Pour autant, si l'on déverse abondamment le liquide, il est certain qu'au moins une goutte pénétrera dans le corps.

Il en est de même pour ce qui fait l'objet de notre propos. On a reçu la bénédiction comme si elle n'était qu'un peu de pain et d'eau, spirituellement et aussi matériellement.

On se consacre donc à des activités insignifiantes. L'un fait du commerce et l'autre occupe un poste. Quand on prend un peu de repos, au lieu d'en profiter pour se consacrer à la Torah de D.ieu, comme le Rambam en souligne la nécessité, on ne l'envisage même pas, car on est fatigué, à l'issue d'un jour de travail. On peut comprendre à quel point il est douloureux de constater que les bénédictions célestes, dispensées de manière large, sont utilisées et investies uniquement dans les domaines les plus réduits. Un Juif, possédant une âme qui est une " parcelle de Divinité véritable " est, en effet, capable de rejoindre les éléments opposés.

Certes, on ne se plaint pas du passé. Celui-ci se trouve derrière nous et " le dixième a été sacré ", au moins quelque peu. En revanche, le onzième chapitre vient désormais souligner qu'avec cette onzième année, commence une forme nouvelle du service de D.ieu, qui consiste à être un soldat. Il faut donc s'enrôler dans l'armée, se consacrer largement à la Torah et à ses Mitsvot, diffuser les sources jusqu'à ce qu'elles parviennent à l'extérieur, de sorte que " tu te répandras à l'ouest et à l'est, au nord et au sud ", jusqu'à " un héritage sans limite ".

Pour obtenir la victoire au combat, le roi dilapide ses trésors cachés. Il le fait essentiellement pour les soldats, lesquels agissent concrètement afin d'obtenir la victoire. Et, il en est de même pour le service de D.ieu. En l'assumant de la manière qui convient, on obtient la dilapidation des trésors et les bénédictions célestes, comme l'explique la lettre de mon beau-père, le Rabbi, dont nous célébrons la Hilloula, précisant : " vous-mêmes, vos épouses, vos fils, vos filles ". Tout cela se révélera concrètement dans les trois domaines que sont les enfants, la santé et la prospérité matérielle, dans la largesse.

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