Rambam 3 Chapitres

Notons que bon nombre de ces lois ne sont pas la halakha, c'est-à-dire la pratique observée dans les communautés juives. Elles ne sauraient donc en aucun cas être prises comme référence. Veuillez noter également que cette version est un premier essai qui fera l'objet de corrections ultérieures.

1 Adar Cheni 5784 / 03.11.2024

Lois relatives au témoignage : Chapitre Huit

1. Quand quelqu’un qui a signé un acte vient attester de sa signature au tribunal, et reconnaît avec certitude sa signature, mais n’a aucun souvenir du fait, et ne trouve aucune trace dans son esprit de l’emprunt fait par celui-ci à celui-là, il lui est défendu d’attester sa signature au tribunal, car un homme ne témoigne pas sur [l’authenticité de] sa propre signature, mais sur [l’obligation] pécuniaire mentionnée dans l’acte, [c'est-à-dire] que l’un doit à l’autre [une somme d’argent], et sa signature sert [simplement] à lui rappeler les faits. Toutefois, s’il ne se souvient pas, il ne doit pas signer.

2. Qu’il [le témoin signataire] se souvienne [directement] du fait ou [s’en souvienne] en voyant sa signature, ou [s’en souvienne] par d’autres personnes qui lui rappellent [les faits], même si c’est le second témoin [qui a signé avec lui] qui lui rappelle, s’il s’en souvient, il peut témoigner. En revanche, si c’est le demandeur qui lui rappelle, même s’il se souvient, il ne peut pas témoigner, parce que cela paraît aux yeux du demandeur comme s’il déposait un faux témoignage concernant un fait dont il n’a pas connaissance.

3. C’est pourquoi, si le demandeur est un érudit et qu’il rappelle [les faits] au témoin, et ce dernier s’en souvient, il peut témoigner, car un érudit sait que s’il [le témoin] ne se souvenait pas, il n’aurait pas témoigné ; ceci est une mesure d’indulgence qu’ils [les sages] ont accordée dans les affaires pécuniaires, à savoir que même s’il [un témoin] a oublié le fait depuis plusieurs années, et qu’un écrit le lui remémore, il peut témoigner.

4. Étant donné qu’il en est ainsi [qu’un homme n’atteste pas sa propre signature, mais du fait enregistré dans l’acte, cf. supra § 1], quand un acte est produit au tribunal et que les témoins [signataires] viennent et disent : « Ce sont nos signatures, mais nous n’avons jamais eu connaissance de ce fait, et ne nous souvenons pas que celui-ci ait emprunté de celui-là » ou « […] lui ait vendu », l’acte n’est pas authentifié ; ils [les témoins] sont considérés comme des sourds-muets jusqu’à ce qu’ils se souviennent de leur témoignage. Qui ne juge pas ainsi ne sait pas distinguer sa droite de sa gauche en matière d’affaires pécuniaires. Toutefois, si leurs signatures se trouvent dans un autre [acte, cf. ch. 6 § 3] ou qu’il y a des témoins [qui attestent] que ce sont leurs signatures, on authentifie l’acte [par ce moyen], et l’on ne prête pas attention aux dires [des témoins] qui prétendent : « Nous ne nous souvenons pas de ce fait », de crainte qu’ils désirent rétracter [leur témoignage] et disent : « Nous ne nous souvenons pas » dans le but de nullifier l’acte. [Cela est considéré] comme s’ils disaient : « Nous étions mineurs » [ou] « Nous étions invalides pour le témoignage », cas où ils ne sont pas crus, dès lors que l’acte peut être authentifié autrement que par leur déclaration. C’est la raison pour laquelle nous authentifions tous les actes sans exiger de faire venir les témoins pour leur demander s’ils ne souviennent ou non [des faits], car même s’ils viennent et disent : « Nous ne nous en souvenons pas », on ne prend pas [leur déclaration] en considération, étant donné qu’il est possible d’authentifier [l’acte] autrement que par leur [témoignage].

5. Qu’il [un témoin] ait consigné son témoignage sur un acte [en signant un acte], ou qu’il trouve [simplement] écrit dans son cahier, de l’écriture de sa main : « Untel m’a fait servir de témoin tel jour pour tel fait », s’il se souvient de lui-même [des faits] ou si une autre personne lui remémore et qu’il se souvient, il peut témoigner. Dans le cas contraire, il lui est défendu de témoigner, car cela est comparable à un [homme] auquel une personne digne de foi dit : « Untel doit telle somme à untel », et qui témoigne [ensuite] qu’il [ladite personne] doit à l’autre [cette somme d’argent] alors qu’il n’en sait rien, mais a [simplement] entendu de la bouche de l’autre et a témoigné [témoignage qui est nul].

Lois relatives au témoignage : Chapitre Neuf

1. Il y a dix catégories d’incapacités : quiconque est concerné par l’une d’elles est disqualifié pour le témoignage. Ce sont : les femmes, les esclaves, les mineurs, les aliénés, les sourds-muets, les aveugles, les méchants, les personnes méprisables, les proches parents, ceux qui ont un intérêt dans le témoignage, ce qui fait [au total] dix [critères d’invalidation].

2. Les femmes sont inhabilitées à témoigner selon la Thora, ainsi qu’il est dit : « d’après la parole de deux témoins », [le terme deux étant] au masculin, non au féminin.

3. Et de même, le toumtoum et l’androgyne sont invalides, parce qu’il y a doute s’ils sont des femmes. Et toute personne dont la validité fait l’objet d’un doute est invalide, car un témoin vient faire retirer de l’argent [à une personne] ou condamner une personne sur la base de son témoignage ; or, on ne retire pas d’argent et on n’inflige pas de peine sur la base d’un doute selon la loi de la Thora.

4. Les esclaves ne sont pas habilités à témoigner selon la Thora, ainsi qu’il est dit : « Vous lui ferez ce qu’il avait le dessein de faire à son frère », ce qui implique que son frère est comme lui : de même que lui est un membre de l’alliance [astreint à tous les commandements], ainsi, le témoin doit être membre de l’alliance. A fortiori les non juifs [sont-ils invalides pour le témoignage, car] si les esclaves, qui sont concernés par certains commandements, sont invalides, a fortiori les non juifs.

5. Celui qui est moitié esclave, moitié libre , est invalide.

6. [L’esclave] qui a été affranchi mais n’a pas reçu d’acte d’affranchissement est inapte [à témoigner] jusqu’à ce qu’il reçoive son acte d’affranchissement, (s’immerge [dans un mikva]) et devienne part des membres de l’alliance, pour témoigner.

7. Les mineurs sont inaptes au témoignage selon la Thora, car il est dit, concernant les témoins : « Et les deux hommes se tiendront », [il est question d’]hommes, non de mineurs. Même si un mineur est doté de discernement et de sagesse, il est inapte [au témoignage] jusqu’à ce qu’il présente deux poils [pubiens] après treize ans révolus. Et s’il atteint l’âge de vingt ans sans avoir présenté deux poils [pubiens], et qu’il présente les signes d’un sariss, il est sariss, et peut témoigner. Et s’il ne présente pas [les signes d’un sariss], il ne doit pas témoigner jusqu’à avoir atteint la majorité de ses années [trente-cinq ans et un jour], comme nous l’avons expliqué dans les lois du mariage.

8. Un mineur qui est en âge [de majorité, c'est-à-dire treize ans révolus] et a présenté les signes de la puberté sur [la partie] supérieure [du corps, c'est-à-dire poils de la barbe ou des aisselles] n’a pas besoin d’examen [on présume qu’il a déjà présenté deux poils pubiens]. Dans le cas contraire [s’il n’a pas présenté les signes sur la partie supérieure de son corps], on n’accepte pas son témoignage avant qu’il ait fait l’objet d’un examen. Un garçon de treize ans et un jour qui a présenté deux poils [pubiens] mais ne connaît pas bien le commerce, son témoignage est récusé en ce qui concerne les biens immeubles, parce que, manquant de connaissances, il n’est pas suffisamment précis. En revanche, en matière de biens meubles, on accepte son témoignage, étant donné qu’il est un adulte.

9. Un aliéné est inapte à témoigner selon la Thora, parce qu’il n’a pas l’obligation [d’observer] les commandements. [Cela ne concerne] pas seulement un aliéné qui marche nu, brise des ustensiles, et jette des pierres, mais [plutôt] toute personne dont l’équilibre mental est affecté, et a des troubles mentaux [se traduisant par] un certain dérèglement de comportement continuel [par exemple, une personne qui déchire toujours ses vêtements], même si par ailleurs, elle parle et pose des questions normales, est inapte et est incluse parmi les aliénés. Un épileptique, durant sa crise, est inapte, et lorsqu’il est en bonne santé, est valide. [Ce s’applique pour] celui qui fait une crise de temps à autre comme pour celui qui fait régulièrement des crises, sans moment précis, à condition que son psychisme ne soit pas constamment troublé, car il y a des épileptiques qui, même lorsqu’ils sont en bonne santé, ont des troubles mentaux. Le témoignage d’un épileptique demande beaucoup de réflexion.

10. Les arriérés mentaux, qui ne distinguent pas les éléments qui se contredisent, et sont incapables d’analyser un fait comme d’autres personnes, et de même, ceux qui sont [sans cesse] instables et impulsifs, et les mélancoliques sont inclus [par rapport à l’aptitude au témoignage] dans la catégorie des aliénés. Tout ceci est laissé à l’appréciation du juge, car il est impossible de définir l’état mental d’une personne par écrit.

11. Un sourd-muet est considéré comme un aliéné, car il n’est pas en pleine possession de ses facultés mentales, et il n’a pas l’obligation [d’observer] les commandements. Le sourd qui peut parler mais n’entend pas et celui [le muet] qui peut entendre mais ne parle pas [sont tous deux inaptes à témoigner]. Même s’il [un sourd ou un muet] voit correctement, et est en pleine possession de ses facultés mentales, il faut témoigner oralement au tribunal, ou être apte à déposer oralement, et pouvoir entendre la mise en garde des juges qui effraient [le témoin]. Et de même, celui qui perd l’usage de la parole, même s’il est examiné comme l’on examine [un époux] concernant un acte de divorce, et que son témoignage se trouve être précis, et qu’il témoigne devant nous par écrit, son témoignage est récusé, sauf pour [témoigner que le mari d’]une femme [est mort], car ils [les sages] se sont montrés indulgents dans le cas d’une veuve.

12. Les aveugles, même s’ils reconnaissent les voix et connaissent les personnes [en litige], sont invalides [pour le témoignage] selon la Thora, car il est dit : « et il est témoin : ou il a vu, ou il a su » ; celui qui peut voir peut témoigner. Et celui qui est borgne est apte à témoigner.

Lois relatives au témoignage : Chapitre Dix

1. Les méchants sont inaptes au témoignage selon la Thora, ainsi qu’il est dit : « Ne prête pas ta main au méchant pour être un témoin inique » ; par tradition orale, ils [les sages] ont appris [l’interprétation suivante du verset] : « Ne fais pas d’un méchant un témoin ». Même quand un témoin valide sait que son prochain est un méchant, mais que les juges l’ignorent, il n’a pas le droit de témoigner avec lui, bien que le témoignage soit authentique, parce qu’il se joint à lui. Ainsi, ce [témoin] valide se trouvera avoir donné la main à un méchant, permettant que son témoignage soit accepté. Il est inutile de mentionner que lorsqu’un témoin valide a un témoignage authentique concernant un autre, et sait que le second témoin avec lui est un témoin mensonger [c'est-à-dire qu’il sait que celui-ci n’a pas vu le fait], n’a pas le droit de déposer avec lui, ainsi qu’il est dit : « Ne donne pas ta main à un méchant ».

2. Qu’appelle-t-on un méchant ? Qui a transgressé une interdiction passible de flagellation est un méchant et est inapte [à témoigner], car celui qui est passible de flagellation est désigné comme un « méchant » par la Thora, comme il est dit : « ce sera si le méchant mérite d’être frappé ». Il est inutile de mentionner qu’une personne passible de mort par le tribunal est inapte [à témoigner], ainsi qu’il est dit : « qui est un méchant passible de mort ».

3. S’il transgresse une interdiction passible de flagellation par la Thora, il est inapte [à témoigner] selon la Thora. Et si l’interdiction est d’ordre rabbinique, il est inapte [à témoigner] par ordre rabbinique. Comment cela s'applique-t-il ? S’il mange de la viande [cuite] avec du lait, [de la viande d’]un animal non abattu rituellement, un animal abominable [espèces d’animaux non cachère], ou ce qui est semblable, par intérêt [par exemple, la viande non cachère est à prix inférieur à la viande cachère] ou par défi [aux lois religieuses], ou profane le premier jour de fête, ou porte [un vêtement] fait de lin et de laine, [c’est-à-dire qui comporte du lin et de la laine] feutrés, filés, ou tissés ensemble, il est inapte à témoigner selon la Thora. En revanche, s’il mange de la viande d’oiseau [cuite] dans du lait, ou profane le second jour de fête en diaspora, ou porte un vêtement de laine où a été perdu un fil de lin, ou [commet une faute] semblable [d’ordre rabbinique], il est inapte [à témoigner] par ordre rabbinique. Nous avons déjà énuméré toutes les fautes passibles de flagellation. Et par rapport à chaque commandement, il a déjà été expliqué quelles sont les choses interdites par la Thora et les choses interdites par ordre rabbinique.

4. Certains méchants sont inaptes à témoigner, bien qu’ils soient tenus d’une restitution financière, et ne soient pas passibles de flagellation ; étant donné qu’ils prennent illégalement de l’argent qui ne leur appartient pas, ils sont disqualifiés, ainsi qu’il est dit : « Si se lève un témoin illégal contre un homme », ce sont par exemple les voleurs et les extorqueurs qui, même s’ils restituent [ce qu’ils ont pris], sont invalides à partir du moment où ils ont dérobé ou pris par la force. Et de même, un témoin convaincu de machination, bien qu’il ait été convaincu [de machination] dans une affaire pécuniaire, et ait payé, est disqualifié selon la Thora pour tout témoignage. À partir de quand est-il disqualifié ? À partir du moment où il a déposé [un témoignage mensonger] au tribunal, bien qu’il n’ait été convaincu de machination sur ce témoignage qu’après plusieurs jours [tout témoignage qu’il a déposé entre-temps est récusé]. Et de même, celui qui prête et celui qui emprunte à intérêt sont tous deux inaptes à témoigner ; s’il s’agit d’un intérêt fixé à l’avance, ils sont disqualifiés par la Thora, et s’il s’agit de « poussière d’intérêts », ils sont disqualifiés par ordre rabbinique. Et de même, celui qui transgresse [une interdiction de] vol d’ordre rabbinique est disqualifié [pour le témoignage] par ordre rabbinique. Quel est le cas ? Les extorqueurs, qui sont ceux qui se saisissent d’un bien immeuble ou de biens meubles contre le gré du propriétaire, bien qu’ils en payent le prix, sont disqualifiés par ordre rabbinique. Et de même, les bergers [qui font paître] le menu ou le gros bétail qui leur appartient sont disqualifiés, car on présume qu’ils volent en laissant leurs animaux paître dans les champs et les vergers d’autrui, c’est pourquoi, un berger ordinaire est disqualifié [pour le témoignage]. Et les éleveurs de menu bétail en Terre d’Israël [même chez eux ou dans leur cour] sont disqualifiés. En revanche, [les éleveurs de menu bétail] en diaspora sont valides. [Toutefois,] il est permis d’élever du gros bétail en tout lieu [même en Terre d’Israël]. Et de même, les fermiers sont disqualifiés, parce qu’on présume qu’ils perçoivent plus que ce qu’exige le décret royal, et prennent le surplus à titre personnel. En revanche, les collecteurs d’impôts sont présumés valides. Et si l’on apprend qu’ils ont pris même une seule fois plus que ce qu’ils doivent, ils sont disqualifiés. Et de même, ceux qui font voler des pigeons dans un lieu habité sont invalides, parce que l’on présume qu’ils volent des pigeons appartenant aux autres [à l’aide de l’appeau] sans payer ceux-ci. Et il en est de même de ceux qui font du commerce durant la septième [année, la chemita], c'est-à-dire des gens [généralement] oisifs qui, quand arrive la septième [année, la chemita], commencent à faire du commerce de produits ; on présume que de tels [individus] amassent les produits de la septième [année], et font du commerce. Et de même, le joueur de dés [est disqualifié], à condition qu’il n’ait d’autre métier ; étant donné qu’il n’a pas d’activité professionnelle, on présume qu’il tire sa subsistance du [jeu de] dés, ce qui constitue de la « poussière d’intérêt ». [Cela ne concerne] pas seulement [les joueurs de] dés, mais même ceux qui jouent avec des coques de noix et des peaux de grenade. Et de même, [les sages n’ont pas disqualifié] seulement [ceux qui font voler] les pigeons, mais également ceux qui misent sur d’autres animaux domestiques, sauvages, ou oiseaux, et disent : « Celui [dont l’animal] devancera l’autre […] », ou « Celui [dont l’animal] vaincra l’autre gagnera les deux » ou tout jeu similaire, celui qui n’a d’autre métier est disqualifié. Tous ceux-ci sont disqualifiés par ordre rabbinique.

5. Un métayer qui prend une petite quantité de produits parvenus précocement à maturité en Nissan ou en Tichri avant que [la récolte] ne soit achevée à l’insu du propriétaire du champ n’est pas un voleur, et est apte à témoigner, car le propriétaire du champ ne prête pas attention [à une si petite quantité]. Et de même pour tout cas semblable.