Le Zohar enseigne (vol. III, p. 96a) « La fête de Chavouot est la plus grande de toutes. C'est pour cela qu'elle se trouve au milieu, entre celles de Pessa'h et de Souccot. Car elle est le centre de tout. La Torah est le point central de toutes choses. »

La fête de Chavouot a lieu au mois de Sivan. Ce mois est, selon le décompte de la Torah, le troisième de l'année qui commence en Nissan, le mois de la sortie d'Egypte. On observe aussi que la Torah est également liée au chiffre trois; le Talmud ne nous enseigne-t-il pas que fut alors donnée « une lumière triple - la Torah divisée en trois parties - au peuple triple - le peuple juif composé des trois catégories de Cohen, Lévi et Israël - au troi-sième mois - celui de Sivan » ? Pourtant, le Don de la Torah, que célèbre cette fête, devrait plutôt marquer l'idée d'unité en mettant en avant le chiffre un. Pourquoi souligner, au contraire, la pluralité du trois ?
C'est qu'il existe différents degrés d'unité. Lorsque seul existe le chiffre un, elle n'est pas remise en question mais,
pour cette raison, nul ne peut savoir sa solidité. Lorsque le chiffre deux apparaît, c'est un nouveau chemin qui s'ouvre. Mais seul le chiffre trois, parce qu'il réconcilie et réunit les deux précédents, parvient à un niveau d'unité qui dépasse toutes les divisions en inté-grant toutes les composantes.
Ainsi, le mois de Nissan a été celui de la révélation de D.ieu, venu libérer le peuple juif d'Egypte; c'était le premier mois ou « mois du un ». Le mois de lyar a été celui où nous avons compté l'Omer, nous spiritualisant jour après jour et soulignant ainsi notre existence personnelle; c'était le deuxième mois ou « mois du deux ». Le mois du Don de la Torah est celui de Sivan, troisième mois ou « mois du trois » quand les deux axes précédents fusionnent.

Les garants

Lors du Don de la Torah, et en préparation à l'événement, D.ieu ordonne à Moïse : « Ainsi tu parleras à la Maison de Jacob et tu diras aux enfants d'Israël ». Les Sages commentent dans le Midrach : « La Maison de Yaakov - ce sont les femmes », c'est-à-dire que Moïse devait prioritairement s'adresser aux femmes avant même de parler aux hommes. C'est en effet d'elles que dépend toute l'atmosphère de la famille et son attachement à la Torah. Elles sont « le pilier du foyer ».

Le Midrach raconte que, lorsque D.ieu voulut donner la Torah au peuple juif, Il lui demanda d'abord des garants qui assureraient qu'elle serait toujours respectée. Les Juifs proposèrent donc successivement « nos pères » et « nos prophètes » mais D.ieu refusa. C'est alors qu'ils déclarèrent : « Nos enfants seront nos garants ». C'est cela que D.ieu accepta et qui permit le Don de la Torah. Il faut comprendre toutes les impli-cations de cette idée.
En notre temps, la tentation est grande de laisser l'étude de la Torah à ceux que le rythme trépidant des affaires du monde ne troublent plus, à « nos pères ». Retirés de la vie active, ils peuvent légitimement s'y consacrer. On pourrait aussi imaginer que l'étude est le privilège de « nos prophètes », ceux qui ont la charge d'enseigner et de diriger, au sens large les rabbins. Pourtant, de telles propositions, toutes positives qu'elles puissent paraître, ne suffirent pas à permettre le Don de la Torah.
Seuls les enfants, dont l'éducation d'aujourd'hui assure la vie juive de demain, constituent une garantie authentique. L'étude de la Torah doit être aussi leur partage.

Un sommeil profond

Le but de toutes les élévations spirituelles est le service de D.ieu ici-bas, l'effort d'accomplissement des Mitsvot fait dans ce monde matériel avec son corps matériel. Ce n'est qu'ainsi qu'on parvient à l'Essence de D.ieu, un degré que l'âme, sans le corps, ne peut pas atteindre. C'est ce qui nous est enseigné : « La Torah n'est pas dans le ciel ».

Un étrange incident eut lieu à la veille du Don de la Torah. Nos Sages (Chir Hachirim Rabba, chap. 1, p. 12b) rapportent que, la nuit précédant la révélation Divine, les Juifs allèrent dormir ! Ils avaient pourtant attendu ce moment depuis la sortie d'Egypte. C'est avec une impatience réelle qu'ils avaient compté les jours. Voilà qu'au dernier instant, ils semblaient tout oublier ?
L'histoire est d'autant plus étonnante que, lorsqu'à l'aube, D.ieu Se révéla effectivement pour donner la Torah, Il dut d'abord réveiller les Juifs
endormis ?! C'est du reste la raison de la coutume qui veut que, la première nuit de Chavouot, on ne dorme pas mais qu'on étudie la Torah, comme en réparation de cette erreur. Comment comprendre une telle attitude ? Les Juifs ne s'endormirent pas par négligence. Il est clair qu'ayant tant attendu ce jour, ils ne l'avaient pas oublié. Mais le sommeil a un sens. Lorsque l'on dort, l'âme remonte vers sa source et y reprend des forces. Aussi, les Juifs se dirent que, pour mieux percevoir la grandeur de la Torah qui allait leur être donnée,
c'était là la meilleure préparation. Ce fut pourtant une erreur. En effet, cette attitude consistait à quitter le monde matériel pour se rattacher au spirituel uniquement. Or, la Torah est venue justement pour relier les deux domaines, permettre que l'on serve D.ieu dans ce monde matériel et qu'on l'élève spirituellement par nos efforts. Choisir de le quitter par le sommeil était donc l'opposé du résultat attendu. Ainsi c'est bien dans ce monde, ici-bas, que le plus grand des services de D.ieu est possible.