La Parchat Noa'h commence par : «Voici les descendances de Noa'h, Noa'h, un homme juste, intègre en sa génération». Rachi explique : «La Torah, l'ayant cité, fait son éloge, ainsi qu'il est écrit : 'le souvenir du Juste est une bénédiction(1)».

On peut ici se poser la question suivante. Pourquoi est-il nécessaire, chaque fois que l'on mentionne le nom d'un Juste, de prononcer son éloge, alors que nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, soulignent, par ailleurs, la nécessité d'être circonspect dans les paroles que l'on prononce ? Quel est, en l'occurrence, l'effet de cet éloge ?

Nous le comprendrons en rappelant l'affirmation suivante de la Guemara(2) : «le langage triple(3) tue trois personnes». La médisance cause du tort non seulement à celui qui en prononce les termes et à celui qui les entend, mais aussi à celui de qui il est question.

Certes, on peut s'interroger, à ce propos. On peut comprendre que celui qui médit et celui qui l'écoute subissent les conséquences de leurs actes. L'un et l'autre ont pris part à la faute. En revanche, que reprocher à celui qui fait l'objet de leur discussion ? Qu'a-t-il fait de mal et pourquoi l'incriminer ?

La réponse à cette question est la suivante. Quand un homme prononce une parole, il met en évidence, par ces mots, ce qui, au préalable, était dissimulé dans la pensée(4). C'est pour cette raison que l'on peut nuire sévèrement à un homme uniquement en prononçant une mauvaise parole, à son encontre(5).

Nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, affirment(6) que : «l'attribut du bien est plus puissant que celui du malheur(7)». L'abondance de la récompense surpasse la sévérité de la punition. Il en est donc de même pour ce qui fait l'objet de notre propos. Si l'on peut nuire à quelqu'un en disant du mal de lui, combien plus, en disant du bien de lui, en décrivant ses qualités(8), peut-on obtenir la révélation effective de ce bien, de la pensée vers la parole(9), le renforcer et lui venir en aide dans son service de D.ieu.

C'est pour cette raison que : «le souvenir du Juste est une bénédiction». Quand on mentionne le nom d'un Juste, il y a lieu de prononcer son éloge. Grâce à cela, cet homme sera raffermi dans son service de D.ieu.

Ce qui vient d'être dit nous permettra de répondre à une question qui est posée par les commentateurs : pourquoi ne pas faire l'éloge de Noa'h lorsque son nom est mentionné pour la première fois, dans la Torah, à la fin de la Parchat Béréchit, dans le verset : «Et, Noa'h trouva grâce aux yeux de D.ieu» ?

Nous le comprendrons d'après ce qui a été indiqué au préalable. Il est dit que : «le souvenir du Juste est une bénédiction» parce qu'en mentionnant son éloge, on lui vient en aide, dans son service de D.ieu. Or, c'est précisément dans la Parchat Noa'h qu'il est question de celui de Noa'h, ainsi qu'il est dit : «Noa'h était un homme juste, intègre en sa génération». C'est alors qu'il faut prononcer son éloge(10).

La Parchat Béréchit, en revanche, rapporte uniquement que Noa'h avait trouvé grâce aux yeux de D.ieu, ce qui n'est pas directement lié à la manière dont Il le servait(11). Il n'y a donc pas lieu, en pareil cas, de le louer. L'éloge de Noa'h figure donc précisément dans la Parchat Noa'h, qui décrit ses bonnes actions et, grâce à cet éloge, ses bonnes actions peuvent être accrues.

Il découle de tout ce qui vient d'être dit qu'un Juif doit s'efforcer de voir le bien en son prochain, de mettre en avant ses qualités et de prononcer son éloge. De la sorte, il apporte une formulation concrète à ce bien et il lui vient en aide, dans son service de D.ieu(12).

(Discours du Rabbi, Likoutei Si'hot, tome 5, page 44)

Notes :
(1) Michlé 10, 7. 
(2) Dans le traité Ara'hin 15b. 

(3) Celui de la médisance, qui implique trois personnes, celle qui parle, celle qui écoute et celle qui fait l'objet de leur discussion. La médisance peut causer du tort aux trois à la fois, comme le texte le montrera par la suite.
(4) Il crée ainsi un fait nouveau, dans le monde, qui, au préalable, n'existait pas.
(5) Ainsi, le Hayom Yom relate, à la date du 29 Tichri, que le Baal Chem Tov vit un homme déclarer qu'il souhaitait «déchirer comme un poisson» celui qui s'était disputé avec lui. Les disciples observèrent alors de leurs propres yeux la conséquence négative de ces propos.
(6) Dans le traité Sotta 1 la.
(7) L'effet positif surpasse systématiquement l'effet négatif.
(8) Y compris quand il ne les possède pas pleinement.
(9) Là encore, un fait nouveau est introduit de cette façon.
(10) Alors que le verset concluant la Parchat Béréchit dit uniquement qu'il fut remarqué par D.ieu.
(11) C'est pour cette raison que le verset dit : «Noa'h trouva grâce aux yeux de D.ieu» et ce verbe évoque un objet trouvé, qui est un don de D.ieu, indépendant de l'effort des hommes et ne pouvant être prévu à l'avance.
(12) On consultera également, à ce sujet, le Likouteï Si'hot, tome 27, à la page 163.