Le verset Bo 12, 3 dit : «ils(1) prendront pour eux, chacun un agneau par famille, un agneau par maison». La Parchat Bo rapporte en ces termes(2) l'Injonction spécifique que reçurent les enfants d'Israël, juste avant de quitter l'Egypte. Chaque famille devait introduire un agneau dans sa maison, le dixième jour du mois de Nissan, le conserver dans cet endroit pendant quatre jours, puis l'égorger, le 14 Nissan, pour en faire le sacrifice de Pessa'h(3).

Pourquoi devaient-ils garder l'agneau chez eux pendant ces quatre jours ? Nos Sages, expliquent(4) qu'il s'agissait pour eux de le conserver aux yeux de tous, afin que tous les voisins égyptiens viennent et leur demandent la raison pour laquelle ils gardaient cet animal chez eux et ce qu'ils comptaient en faire(5).

Les enfants d'Israël étaient alors confrontés à un sérieux dilemme. Comme on le sait(6), l'agneau était l'une des idoles de l'Egypte. Se permettraient-ils donc de déclarer, devant leurs voisins égyptiens, qu'ils détenaient leur idole chez eux, s'apprêtaient à l'égorger et à en faire un sacrifice pour l'Éternel ?

C'était précisément l'objet de cette Injonction, que D.ieu leur donna. Les enfants d'Israël étaient mis à l'épreuve, de cette façon, pour faire la preuve que leur foi en D.ieu était plus forte que leur crainte des Egyptiens. Suivaient-ils D.ieu également lorsque la voie était pavée de dangers ?

De fait, les enfants d'Israël sortirent vainqueurs de cette épreuve. Avec courage, ils mirent en pratique l'Injonction divine et ils firent effectivement part aux Egyptiens de leur intention de sacrifier l'agneau. Nos Sages disent, à ce propos, que, par le mérite de leur foi profonde et de leur abnégation pour mettre en pratique la Volonté de leur Créateur, les enfants d'Israël méritèrent d'être délivrés de l'Egypte(7).

De différents points de vue, une similitude existe entre cette époque-là, à la veille de la sortie d'Egypte et la présente période, alors que la délivrance complète est imminente, que chacun attend la venue de notre juste Machia'h. Comme à l'époque, les Juifs doivent faire don de leur propre personne pour se préparer à la délivrance(8).

C'est de cette façon que l'on peut comprendre les difficultés, à la fois matérielles et spirituelles, que subit le peuple d'Israël, de nos jours. D.ieu attend de chaque Juif qu'il les surmonte avec une abnégation totale, en révélant les forces infinies qu'il possède en son âme. C'est par le mérite de cette pratique sans faille de la Torah et des Mitsvot que les enfants d'Israël mériteront la délivrance future.

Si toutes les Mitsvot doivent être mises en pratique avec abnégation, combien plus doit-il en être ainsi pour la Mitsva qui est le fondement de toute la Torah(9), celle de l'amour du prochain(10). Quand on constate qu'un Juif s'est éloigné des sources de la Torah et des Mitsvot, on a le devoir de l'aborder, avec fraternité et amour, pour le rapprocher de la Torah.

Nul n'a le droit de renoncer, de se soumettre, même si une telle activité soulève des difficultés. Tout comme personne n'abandonnerait son fils unique, on ne doit écarter aucun Juif(11) et l'on peut avoir la conviction que des paroles sincères pénètreront dans le coeur de celui qui les entend. Même si un interlocuteur manifeste son opposition et adopte une attitude de rejet, il n'y a pas lieu de s'en affecter. Bien au contraire, sa réaction fait la preuve qu'il est touché, en son coeur(12).

En Egypte, les Egyptiens ne tentèrent pas de faire obstacle aux enfants d'Israël, quand ils prirent la décision d'offrir le sacrifice de Pessa'h(13). Bien au contraire, ils leur prêtèrent leurs ustensiles en argent et en or(14).

Il en sera donc de même pour nous. En respectant scrupuleusement la Torah et les Mitsvot, avec abnégation, nous obtiendrons que ceux qui manifestent leur inimitié deviennent des amis et qu'ils témoignent de leur soutien. C'est ainsi que tous les enfants d'Israël mériteront la délivrance véritable et complète(15), par notre juste Machia'h, très bientôt et de nos jours.

(Discours du Rabbi, Likoutei Si'hot, tome 1, page 127)

(1) Les enfants d'Israël.
(2) Dans les versets Chemot 12, 3-6.
(3) Et le consommer juste avant de quitter ce pays.
(4) Dans la Pessikta Rabbati, au chapitre 15 et le Tour, Ora'h 'Hahn, au début du chapitre 430.
(5) C'était, en quelque sorte, un défi que les enfants d'Israël devaient lancer aux Egyptiens, une ultime mise à l'épreuve avant la libération définitive. La suite du texte précisera cette idée.
(6) C'est ainsi que Moché dit au Pharaon, comme le rapporte le verset Chemot 8, 23 : «car, nous sacrifierons l'abomination de l'Egypte à l'Eternel notre D.ieu. Si nous sacrifions l'abomination de l'Egypte devant leurs yeux, ne nous lapideront-ils pas ?». On verra, à ce propos, le Midrash Chemot Rabba, chapitre 16, au paragraphe 3.
(7) Ils enseignent, en effet, que : «c'est par le mérite de la foi que nos ancêtres furent libérés de l'Egypte».
(8) Et, comme à l'époque, D.ieu attend que chacun relève le défi.
(9) Selon le traité Chabbat 31 a et l'on consultera, à ce propos, le chapitre 32 du Tanya.
(10) Nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, précisent, en effet, que la destruction du second Temple et le début du présent exil sont imputables à la «haine gratuite». La délivrance sera donc obtenue par «l'amour gratuit» car c'est en supprimant la cause que l'on fait disparaître l'effet.
(11) Qui est effectivement le fils unique de D.ieu.
(12) S'il n'était pas touché, il répondrait par l'indifférence, non pas par le rejet. On verra, à ce propos, le Kountrass Ha Tefila, au chapitre 8 et le Torat Chalom, à la page 10.
(13) La Torah ne nous dit pas que les Egyptiens pénétrèrent dans les maisons d'Israël pour reprendre les agneaux.
(14) Comme l'indiquent les versets Chemot 12, 35-36. Même s'ils le firent à contrecœur, en essayant de les dissimuler, car ils ne savaient pas que la plaie de l'obscurité avait permis aux enfants d'Israël de faire l'inventaire des biens qui se trouvaient dans leurs maisons, au final, ce sont bien les Egyptiens qui leur remirent les biens qu'ils possédaient.
(15) Car, «à la fin de leur exil, tous les enfants d'Israël parviendront à la Techouva et aussitôt ils seront libérés», selon les termes du Rambam. Bien entendu, le mot : «aussitôt» doit être interprété au sens le plus littéral.