La Parchat Tetsavé est la seule Sidra de la Torah, depuis la naissance de Moché, notre maître, relatée dans la Parchat Chemot, dans laquelle son nom n'est pas mentionné(1). Le Baal Ha Tourim écrit, à ce propos(2) : «Il en est ainsi parce que Moché avait dit à D.ieu que, s'il ne pardonnait pas la faute du veau d'or, 'de grâce, efface-moi du livre que Tu as écrit' et ceci se réalisa effectivement dans cette Paracha, car les mots du Tsaddik s'accomplissent en tout état de cause, y compris quand ils sont assortis d'une condition(3)».

Chaque point de la Torah est particulièrement précis. Cela veut dire qu'en l'occurrence, la Par-chat Tetsavé a été choisie pour que s'y accomplisse la requête de Moché, «de grâce, efface-moi du livre que Tu as écrit», qui est énoncée dans la Parchat Ki Tissa. Il faut en déduire que ceci est lié au contenu de cette Paracha(4).

On peut donc s'interroger, à ce propos : quel rapport y a-t-il entre cette requête de Moché : «de grâce, efface-moi du livre que Tu as écrit» et la Parchat Tetsavé, présentant la Mitsva de l'allumage du Chandelier, la préparation des vêtements du Cohen, l'initiation d'Aharon et de ses enfants au service dans le Sanctuaire et la construction de l'autel pour le sacrifice des encens, plus que toute autre Sidra de la Torah ? Pourquoi est-ce précisément cette Parchat Tetsavé qui a été choisie pour être celle en laquelle le nom de Moché, , n'est pas mentionné une seule fois ?

Pour répondre à cette question, il faut, tout d'abord, préciser le sens de cette requête de Moché,: «De grâce, efface-moi du livre que Tu as écrit». Que recherchait Moché, quand il formula cette requête ?

L'apport de Moché est la Torah, qui porte son nom(5), ainsi qu'il est dit : «Souvenez-vous de la Torah de Moché, Mon serviteur(6). Effacer son nom de la Torah revient donc à remettre en cause la base même de son existence. Comment Moché pouvait-il être prêt à cela ? Bien plus, il n'était pas personnellement concerné par la faute du veau d'or(7), puisqu'il se trouvait sur le mont Sinaï, quand elle fut commise !

L'explication est la suivante. Moché, en tant que berger d'Israël, était attaché à tous les Juifs, au point d'être indissociables d'eux. Comme l'écrit Rachi(8), «Moché est Israël et Israël est Mo-ché». De ce fait, quand les enfants d'Israël commirent la faute du veau d'or, Moché subit lui-même la descente consécutive.

Ainsi, Moché, était attaché aux enfants d'Israël, plus fortement encore qu'à la Torah. De ce fait, il fit preuve de la plus grande abnégation pour ses frères, plus que pour la Torah elle-même, au point d'être disposé à ce que l'on efface son nom de la Torah, si D.ieu ne pardonnait pas leur faute, celle d'hommes qui avaient été prêts à servir les idoles(9).

Ce qui vient d'être dit justifiera le choix de la Parchat Tetsavé pour que n'y soit pas mentionné le nom de Moché. Le nom d'un homme ne décrit pas l'essence de sa personnalité(10). Il permet uniquement que celui-ci soit appelé par son interlocuteur(11). Un homme est infiniment haut, plus profond que le nom qu'il porte.

La Parchat Tetsavé ne mentionne, certes, pas le nom de Moché. En revanche, elle exprime une partie plus haute et plus profonde de lui-même, l'essence de sa personnalité, bien au-delà de son nom. En l'occurrence, l'essence de Moché, , en tant que berger d'Israël, qui rassemble et réunit tous les enfants d'Israël, est son désir de faire don de sa propre personne pour eux, y compris pour ceux qui ont commis une faute aussi grave que celle du veau d'or.

Ce lien profond s'exprime donc dans la Parchat Tetsavé, qui décrit le service de D.ieu, dans le Sanctuaire, notamment la partie de ce service qui était effectué par Aharon, le Cohen. En effet, la Paracha souligne très clairement que tout ce qu'il fit était accompli par l'intermédiaire de Moché. Il est dit, à ce propos, que : «ils t'apporteront de l'huile d'olive pure, concassée pour le luminaire, afin d'allumer la lumière perpétuelle».

Ainsi, le Chandelier était allumé par Aharon, le Cohen, mais les enfants d'Israël devaient en apporter l'huile précisément à Moché(12). Car, Aharon avait une influence uniquement sur ceux qui étaient directement concernés par le service de D.ieu du Chandelier(13), éclairant par : «la bougie (qui) est une Mitsva et la Torah (qui) est une lumière».

Moché, en revanche, réunissait tous les Juifs ensemble. Il pouvait donc atteindre également ceux qui se trouvaient dans la situation la plus basse, en leur service de D.ieu(14). C'est donc à lui qu'il fallait apporter cette huile.

Il est dit ensuite : «Quant à toi, rapproche de toi Aharon, ton frère et ses fils avec lui, afin qu'ils soient Cohen pour Moi. Et, tu feras des vêtements sains pour Aharon, ton frère», même si cela semble ne concerner qu'Aharon et que l'on se demande donc pourquoi il appartenait à Moché

de le faire. En effet, Aharon était un Cohen et il n'était donc en relation qu'avec ceux qui étaient capables de servir D.ieu à un haut niveau(15).

D.ieu voulut donc que les préparatifs et l'initiation d'Aharon et de ses enfants au service de D.ieu du Cohen soient réalisés par Moché. Par son intermédiaire, en effet, tous les Juifs à la fois étaient mis en relation avec une telle forme du service de D.ieu(16). C'est lui, en effet, que réunis-sait tous les Juifs ensemble.

Il est dit, enfin : «Tu feras un autel pour offrir le sacrifice des encens». Tout de suite après qu'Aharon ait été initié à son rôle de Cohen, est énoncée l'Injonction d'édifier l'autel intérieur, sur lequel était offert le sacrifice des encens. Celle-ci, en apparence, aurait dû être mentionnée au préalable, dans la Parchat Terouma, dans laquelle figurent les Injonctions relatives à l'autel extérieur(17) et à ses instruments.

En fait, la Torah traite de l'autel intérieur après l'initiation d'Aharon à sa fonction de Cohen, qui fut réalisée par Moché, parce que certains des ingrédients du sacrifice des encens n'avaient pas une bonne odeur. Nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, en déduisent(18) la nécessité de réunir tous les Juifs à la fois, y compris les impies(19). Il pouvait en être ainsi grâce à Moché, comme on l'a indiqué au préalable.

C'est donc précisément cette Paracha qui a été choisie pour que le nom de Moché, n'y apparaisse pas. En effet, même si son nom n'est pas mentionné, l'essence de sa per-sonne y apparaît clairement.

C'est le sens du verset : «Et, toi, tu ordonneras aux enfants d'Israël». Le mot : «toi» se rap-porte ici à Moché, à l'essence de sa personne, qui peut réunir tous les enfants d'Israël à la fois(20), y compris ceux qui sont susceptibles de commettre des fautes et même une faute aussi grave que celle du veau d'or.

Il découle de ce qui vient d'être dit un merveilleux enseignement pour le service de D.ieu, s'appliquant à tous, sans distinction. Moché, était prêt à donner ce qui était la part essentielle de sa vie, son lien avec la Torah, pour sauver les enfants d'Israël. Chacun doit donc adopter la même attitude, non seulement aimer son prochain, chaque Juif et tous les Juifs à la fois, mais aussi faire don de sa propre personne, en la matière, en imitant l'exemple de Moché, qui était prêt au sacrifice de sa propre personne.

(Discours du Rabbi, Likoutei Si'hot, tome 21, page 173)

Notes :
(1) Il en est ainsi jusqu'au livre de Devarim, le Michné Torah, dans lequel certaines Sidrot ne mentionnent pas non plus le nom de Moché,. Néanmoins, ce livre de Devarim commence par : «Voici les paroles que Moché prononça» et l'on peut donc penser que cette phrase introduit l'ensemble du livre, comme cela est expliqué par ailleurs.
(2) Dans son commentaire de la Torah, au début de la Parchat Tetsavé.
(3) Selon l'affirmation de la Guemara, dans le traité Makot 1 1 a.
(4) C'est pour cette raison qu'elle a été désignée pour qu'y soit satisfaite la demande de Moché.
(5) Parce qu'il fit don de sa propre personne pour elle.
(6) Mala'hi 3, 22.
(7) C'est pour obtenir son expiation qu'il formula cette requête.
(8) Dans son commentaire du verset `Houkat 21, 21.
(9) C'est-à-dire d'hommes très bas, qui avaient commis une faute grossière.
(10) C'est la raison pour laquelle deux personnes très différentes peuvent porter le même nom.
(11) Ce qui n'est qu'un acte superficiel et extérieur.
(12) Il en résulte que Moché est effectivement présent dans cette Paracha.
(13) Son influence, au final, était donc relativement limitée.
(14) Y compris ceux qui avaient servi le veau d'or.
(15) Comme on l'a indiqué pour l'allumage du Chandelier.
(16) Chacun peut ainsi être un Cohen dans la dimension morale, comme on l'a vu dans l'extrait précédent.
(17) Celui des sacrifices animaux.
(18) La Guemara, dans le traité Kritout 6b, dit que : «chaque jeûne auquel ne prennent pas part les impies d'Israël n'est pas un jeûne. En effet, le galbanum avait une mauvaise odeur et le verset le mentionne, néanmoins, parmi les ingrédients du sacrifice des encens».
(19) Ceux qui «ne sont pas en odeur de sainteté».
(20) Comme on le sait, Tetsavé est de la même étymologie que Tsavta, le lien.