C’est un commandement positif de la Torah d’écouter la sonnerie du Choffar à Roch Hachana, comme il est statué : «ce sera un jour de sonnerie du cor pour vous» (Michné Torah, Lois du Choffar, 1 :1).
Bien que la sonnerie du Choffar à Roch Hachana soit un décret de la Torah, elle y fait également allusion. Elle dit : «Réveillez-vous, dormeurs, de votre sommeil, et assoupis, levez-vous de votre assoupissement ; cherchez dans vos actes et revenez par la Techouva…» (Ibid, Lois de Techouva 3 :4).
Dites devant Moi [des versets de] royauté, pour que vous Me couronniez sur vous… Comment ? Avec le Choffar (Talmud, Roch Hachana 16a).

Une Mitsva est un commandement, un décret divin. Le mot Mitsva signifie également «lien», car elle lie son observant terrestre à son Commandant céleste.

L’homme est, par définition, fini et mortel; D.ieu est infini, immortel et absolument au-delà de toute atteinte ou de toute définition. Aussi, rien qui soit généré par l’humain ne peut-il se relier à D.ieu. La possibilité d’une relation ne peut venir que de l’autre direction : quand D.ieu Qui transcende toute définition (y compris les catégorisations de «fini» et «d’infini») choisit de Se relier à l’homme et de permettre à l’homme de se relier à Lui. En nous commandant les Mitsvot, D.ieu permet à certains actes matériels de constituer l’accomplissement de Sa volonté. En accomplissant ces actes, nos corps et nos âmes deviennent les instruments de la volonté supérieure et l’homme peut alors toucher le Divin.
A cette lumière, les détails d’une Mitsva semblent n’avoir aucun intérêt. Ce qui est significatif n’est pas ce que D.ieu nous commande de faire, mais le fait que D.ieu nous commande de le faire. Selon les mots de Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, «si D.ieu nous avait ordonné de couper du bois», c'est-à-dire un acte dénué de toute utilité sociale, expérimentale ou spirituelle, cela n’en serait pas moins une Mitsva que le précepte le plus «moral» ou l’observance la plus émouvante qui nous est commandée dans la Torah.

Le retour
Les Mitsvot créent une relation entre l’homme et D.ieu, l’homme réalisant la volonté divine. Mais D.ieu nous donne également un moyen de nous lier à Lui encore plus profond: la Techouva.
La Techouva est communément traduite par «repentance», mais le mot signifie en fait «retour». La Techouva est le remède prescrit par D.ieu pour celui qui a violé une Mitsva et inclut trois étapes fondamentales : la cessation de la transgression, la réalisation et la confession, et la résolution de ne plus jamais transgresser. Par une bonne Techouva, la transgression est pardonnée et la tache infligée sur l’âme du transgresseur effacée. La Techouva a même le don de «transformer les péchés en vertus» et élève le Baal Techouva (pénitent) à un niveau que «même le juste parfait ne peut atteindre».
Le fait que la Techouva puisse rectifier une violation d’une Mitsva signifie qu’elle va au-delà des paramètres du lien créé entre l’homme et D.ieu par les Mitsvot. De la perspective des Mitsvot, l’homme se lie à D.ieu en accomplissant Sa volonté. Une violation de la volonté divine obtient l’effet opposé : non seulement il n’est plus lié mais il s’est encore plus distancé de D.ieu. Dans ce contexte, une transgression restera toujours un événement négatif. Il peut être absous par la punition ou même être pardonné par D.ieu dans Sa grande miséricorde ; le lien peut être rétabli par un nouvel engagement à l’accomplissement des Mitsvot. Mais le fait reste que, dans le passé, il y a eu une rupture dans la relation. Ce fait ne peut être défait et certainement pas considéré comme une vertu.
Cependant, la Techouva redéfinit le passé, transformant la transgression qui était une rupture dans la relation en un agent de relation encore plus profonde. Quand un individu regrette ses péchés et souffre de s’être déconnecté de D.ieu, sa douleur se traduit en une aspiration à D.ieu plus intense que tout ce que peut ressentir le juste parfait. Tout comme un miroir renvoie un rayon de lumière bien plus intense que le rayon brillant directement de sa source, ainsi le Baal Techouva retourne-t-il vers D.ieu avec une passion et une intensité plus fortes que celles de celui qui ne s’est jamais éloigné du droit et véritable chemin du lien avec D.ieu par l’intermédiaire des Mitsvot. La transgression devient une vertu car la distance et la rupture qu’elle a engendrées se sont transformées en une force pour un rapprochement plus intense et plus profond.

La Mitsva et l’allusion
C’est ici que réside la signification des deux passages du Michné Torah de Maïmonide cité ci-dessus.
Dans le premier passage, qui est la loi qui ouvre la section des Lois du Choffar, Maïmonide définit la sonnerie du Choffar à Roch Hachanah comme une Mitsva, un commandement divin. Il ne donne aucune raison à cette Mitsva, comme c’est en fait le cas pour pratiquement toutes les Mitsvot dont il codifie les lois.
Mais la sonnerie du Choffar est plus qu’une Mitsva. Le son de cet instrument, celui d’un enfant sanglotant à la recherche de son père qu’il a abandonné, réveille nos cœurs à un retour vers D.ieu et restaure et intensifie la relation que nous avons endommagée à cause de nos transgressions. Comme l’écrit Maimonide dans les Lois de la Techouva, «Bien que la sonnerie du Choffar à Roch Hachana soit un décret de la Torah, elle y fait aussi allusion. Elle dit «réveillez-vous, dormeurs. Recherchez dans vos actes et retournez par la Techouva». Notez que Maimonide parle du réveil par le Choffar à la Techouva comme d’une «allusion» plutôt que comme étant une «raison» ou une «fonction» du Choffar. Car l’élément du Choffar qui évoque la Techouva, bien plus spirituel que l’élément de la Mitsva, ne peut faire partie de la Mitsva. Au meilleur des cas, le Choffar ne peut qu’y faire allusion, tout comme une allusion laisse entendre que quelque chose réside en dessous de la signification apparente. C’est également la raison pour laquelle le passage mentionné apparaît dans les Lois de la Techouva plutôt que dans les Lois du Choffar.

Le couronnement
Il existe un troisième sens à la sonnerie du Choffar touchant un niveau de relation entre l’homme et D.ieu qui va encore plus loin que ceux forgés par les Mitsvot et la Techouva. Un niveau si sublime qu’il ne trouve aucune expression dans la loi, ni comme composante d’une Mitsva ni même comme une «allusion». Le Choffar est également la sonnerie de la trompette du couronnement de D.ieu comme Roi de l’univers.
Roch Hachana est décrit comme «le jour [qui marque] le commencement de Ton œuvre, un rappel du premier jour». En fait, Roch Hachana marque le sixième jour de la création, celui de la création de l’homme. Néanmoins, il est considéré comme «le commencement de Ton œuvre» et «le premier jour», puisque la réalisation du dessein divin dans la création commença avec les premiers actes du premier homme.
La création inclut des créatures qui sont «inférieures» (c’est-à-dire moins spirituelles) à l’être humain (animaux, objets inanimés) tout comme des créatures supérieures (âmes, anges, «mondes» ou réalités spirituelles). Mais l’homme est la seule créature qui possède le libre arbitre, un attribut qu’il ne partage qu’avec le Créateur. Ainsi, l’apparition de l’homme sur la surface de la terre introduisit-elle une nouvelle dynamique dans la création, une dynamique qui est «le commencement de Ton œuvre», le but, la fin et l’essence de la Création.
Dans la terminologie de la Cabbale et du ‘Hassidisme, jusqu’au premier Roch Hachana, D.ieu était le «dirigeant» de l’univers, non son «roi». Un roi (Mélé’h, en hébreu) est celui que les sujets ont librement choisi pour se soumettre à sa souveraineté; un tyran qui dirige par la force n’est pas un roi mais un dirigeant (Mochel). Quand le premier homme ouvrit ses yeux, reconnut son Créateur et choisit de Le servir (comme cela est relaté dans le Zohar), D.ieu devint roi. Son but dans la création, fut qu’alors un monde, dans lequel Il a choisi de cacher presque entièrement Sa présence, choisisse, par sa propre volonté, de s’unir avec Lui.
Chaque année, à l’anniversaire du jour où notre premier ancêtre se soumit à la souveraineté divine, nous renouvelons le couronnement de D.ieu par les hommes comme roi de l’univers. Nous exprimons notre désir qu’Il règne sur nous, réitérons notre engagement à Le servir et célébrons Son acceptation de la royauté avec la crainte empreinte de joie qui caractérise un couronnement. C’est là l’élément primordial de notre relation avec Lui : plus essentiel que celui des Mitsvot et que celui du lien créé par la Techouva. Car les concepts de «commandement» et de «transgression» (l’impact et la dynamique de la Techouva) n’ont de sens qu’après que l’on ait accepté l’autorité de celui à qui l’on obéit ou l’on désobéit.
Le Choffar retentit. L’oreille entend un son clair, simple, sans nuance et sans notes ; un décret divin a été accompli, un lien établi. Une oreille plus intérieure entend un sanglot de regret, un sanglot qui exprime la souffrance de se trouver loin et l’aspiration à revenir à un lien plus profond et plus passionné. Mais l’âme de l’oreille entend la série de sonneries de la trompette du couronnement qui pose, chaque année, les fondements de la relation entre l’homme et D.ieu et la raison d’être de la création.