Il y a de cela quelques années, le journal The Jewish Press publiait un article à propos de Rabbi Yossef Its’hak, le précédent Rabbi de Loubavitch. Suite à cette publication, il reçut cette lettre d’un lecteur :
«J’ai lu avec plaisir ce que vous avez écrit sur Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn. J’ai eu l’immense privilège d’être personnellement aidé par le Rabbi qui se vouait à ramener les Juifs à une observance plus méticuleuse des Commandements. Même aujourd’hui – et malgré certaines amnésies dues à mon grand âge – je rougis en me rappelant ma ‘Houtspa, mon insolence ainsi que celle de six de mes camarades envers Rabbi Yossef Its’hak et comment il a gentiment réagi alors.
1929 était une année en or : nous ignorions alors ce qui allait advenir… Mes amis et moi-même aurions complètement abandonné le judaïsme. Nous fréquentions parfois le Temple libéral mais nous nous considérions très progressistes, des Juifs complets et même supérieurs.
Un jour, nous avons remarqué des articles parus dans la presse juive : un certain Rabbi Schneersohn, qu’on appelait le Rabbi de Loubavitch, avait eu la permission d’utiliser une maison située sur la 33ème rue à Philadelphie, qui appartenait à Mme Faggen Miller, une femme connue pour sa grande générosité. Ce Rabbi agissait un peu comme un roi.
Nous avons lu ces reportages : ce Rabbi bénissait les gens, les conseillait et les encourageait à pratiquer davantage les commandements de la Torah. Cela nous rendait fous ! Cet homme pensait-il être D.ieu ? Qui était-il pour se permettre de donner des bénédictions et de dire aux gens comment agir ? Nous allions montrer à cet homme, tout droit sorti du Moyen Age, ce qu’était l’Amérique !
Quand nous arrivâmes, nous avons remarqué par la fenêtre que le salon était empli d’hommes. Nous avons sonné et un homme, digne et barbu, nous a ouvert la porte : «Nous désirons parler au Rabbi, dit l’un d’entre nous, nous avons une question importante à lui poser !»
L’homme nous tendit un stylo et un morceau de papier : «Excusez-moi, mais le Rabbi doit connaître la question avant de vous laisser entrer !»
Nous avons répondu : «Nous désirons savoir s’il s’attend à ce que nous respections une religion démodée dans un pays moderne !»
Nullement choqué, l’homme nous fit entrer et s’excusa : «Il y a la queue ! Vous devez attendre un peu !» 
Nous avons préféré attendre sur le porche tant la salle d’attente était bondée. Nous fûmes donc très étonnés quand l’homme revint quelques minutes plus tard et nous déclara que le Rabbi désirait nous recevoir immédiatement. Il nous fit dépasser toute la foule et nous l’avons suivi en montant les escaliers.
Le Rabbi était debout, en haut des marches : il était grand et impressionnant mais ses yeux rayonnaient de bonté. Il portait un large chapeau de fourrure. Mais le plus remarquable, c’était la main qu’il nous tendait pour nous saluer. Nous étions surpris car nous étions persuadés que les ‘Hassidim ne serraient pas la main.
Il nous introduisit dans son bureau et s’exclama : «C’est le moment le plus joyeux pour moi depuis que je suis arrivé à Philadelphie !» et il se mit à arranger les chaises autour de la table. Nous avons tenté de l’aider mais il insista pour s’occuper lui-même de cela.
Une fois que nous eûmes pris place, il regarda longuement chacun d’entre nous, l’un après l’autre puis déclara : «Vous semblez être des jeunes gens intelligents et je dois donc vous parler selon votre niveau. Vous vous demandez sûrement pourquoi je vous ai fait passer avant tous ces gens qui étaient là avant vous. Voici quelques-uns de leurs problèmes pour lesquels ils demandent mon aide : la fille de l’un d’entre eux est gravement malade. Que puis-je faire ? Rien de plus que ce qu’il peut faire lui-même : s’il s’approche de D.ieu et implore une prompte guérison, D.ieu l’aidera ! L’autre est confronté à un procès et me demande de prier pour qu’il en sorte indemne. Je ne sais pas s’il est coupable ou non mais je parviendrai peut-être à le convaincre de prier pour que justice soit faite. Un autre encore à l’intention d’effectuer une importante transaction commerciale et souhaite que je l’aide à réussir. Si je pouvais le faire, je serais moi-même un riche homme d’affaires, n’est-ce pas ? Mais je vous ai fait entrer en-priorité parce que si je ne parvenais pas à répondre à vos questions, je n’aurais pas le droit d’être Rabbi !
D’abord, je dois admettre un grand secret que vous allez sans doute garder pour vous : il y a 613 commandements. Bien que le Rabbi de Loubavitch tente de les observer tous, il se trouve dans l’impossibilité de le faire ! 
(Note : en effet certains commandements ne peuvent être accomplis que sur la terre d’Israël, que lorsque le Temple sera reconstruit à Jérusalem ou que par des Cohanim ou Léviim).
Alors que fait-il ? Devrait-il rejeter toutes les 613 Mitsvots ? Non ! Il en respecte autant qu’il peut !»
(Avec ces quelques mots, il avait déjà enlevé le venin que nous avions apporté avec nos questions impertinences et un peu sottes).
Puis il nous demanda de tenter d’observer autant de Mitsvot que possible ; si nous agissions ainsi, c’est-à-dire si nous fournissions vraiment le maximum d’efforts, nous agirions vraiment comme le Rabbi de Loubavitch !
Il demanda à chacun d’entre nous son prénom hébraïque et celui de sa mère. Nous avons aussi proposé nos prénoms civils, nos noms de famille et nos adresses mais il affirma qu’il n’en avait pas besoin. Certains de mes amis mirent même la main à la poche pour prendre leur portefeuille et effectuer un don mais il les arrêta d’un geste. Il nous remercia tous en répétant qu’il ne désirait pas d’argent… Il voulait des Mitsvot !
Il nous demanda si nous mettions les Téfilines et certains d’entre nous admirent qu’ils ne le faisaient plus (de fait aucun d’entre nous ne les mettait plus depuis longtemps mais avait honte de le déclarer. Le Rabbi leur offrit même des Téfilines afin qu’ils puissent accomplir la Mitsva de temps en temps. Nous avons tous promis de suivre sa suggestion. Il a béni chacun d’entre nous individuellement, nous à a nouveau serré la main et nous sommes sortis.
Nous avons traversé la foule et avons atteint le porche. Mais nous ne sommes pas partis. Nous sommes restés devant la maison pendant presque deux heures à commenter cette visite. Chacun d’entre nous accepta de prier au moins une fois par jour.
L’un d’entre nous déclara qu’il arrêterait de travailler Chabbat et, quelques mois plus tard, il réussit même à persuader son employeur à en faire de même. L’un d’entre nous, le regretté Gabriel Lowenthal, se mit à fréquenter régulièrement une synagogue et donna des cours de philosophie juive telle qu’il l’étudiait dans les livres du Rabbi. J’ai perdu la trace de la plupart des autres mais je suis sûr que les dix minutes que nous avons passées chez le Rabbi a renforcé le judaïsme de chacun d’entre nous et donc de nos descendants.
La dépression de 1929 puis la Seconde Guerre Mondiale avec la confusion qu’elle engendra ne me permirent pas de rencontrer encore une fois le précédent Rabbi de Loubavitch qui quitta ce monde en 1950.
Mais j’ai prisé dans les enseignements de son gendre et successeur Rabbi Mena’hem Mendel Schneersohn, l’inspiration et l’enthousiasme nécessaires pour observer autant des 613 Mitsvot que possible».

Rav Tuvia Bolton
traduit par Feiga Lubecki