Il y a près de 60 ans, j’étais non seulement un étudiant pauvre mais, de plus, je devais travailler pour financer mes droits d’inscription à l’université – ce qui signifiait que je disposais de moins de temps à consacrer à mes études. Mais je m’acharnais car j’avais réalisé que, quand on fournit plus d’efforts que ce que l’on croit possible, D.ieu vient souvent à notre rencontre à mi-chemin.

Pour apprécier pleinement ce qui se révéla être un instant fondamental dans ma vie, il faut réaliser ce qui se passa à cette époque à l’université du Miami Law School en 1960. Un nouveau recteur avait eu une idée – brillante bien sûr : transformer cette institution pour qu’elle devienne la meilleure de tous les États-Unis. Par quel coup de baguette magique ? Tout simplement en sélectionnant les meilleurs éléments et en rejetant impitoyablement les autres.

Je n’avais pas compris ce que cela impliquait jusqu’à ce que j’aie affaire à un professeur extrêmement dur, qui avait recours, entre autres, à l’intimidation et à la menace.

A l’approche du nouveau semestre, alors qu’il fallait poser sa candidature, l’assistante du recteur me demanda pourquoi je faisais la queue.

- Pour m’inscrire bien sûr ! Pourquoi ? m’étonnai-je.

- Parce que votre nom ne figure pas sur la liste ! Vous n’avez pas atteint le niveau requis !

Non, je n’étais pas stupéfait ! J’étais incapable de parler, absolument sidéré ! Toute ma vie dépendait de la note qu’on m’avait attribuée et qui avait été honteusement sous-évaluée. On allait m’expulser avant même que j’ai eu une chance de pratiquer le droit ou même d’obtenir un diplôme !

Désespéré, je suis immédiatement parti voir ce professeur et j’ai appliqué exactement les leçons qu’il nous avait prodiguées :

- Vous nous avez appris à nous battre pour la justice ! Comment pouvez-vous supporter pareille injustice ? On va détruire ma carrière avant même qu’elle ait pu commencer !

Encore maintenant, je n’arrive pas à croire ce qui arriva : il me prit par la main et se précipita vers le bureau de l’assistante en exigeant qu’elle me remette mes notes originales et me permette de m’inscrire. Elle répliqua que c’était impossible à cause de la nouvelle politique du recteur. Incrédule, le professeur pénétra de force dans le bureau du recteur et posa un ultimatum. Deux minutes plus tard, l’affaire était réglée et je pus m’inscrire.

Franchement, je ne sais pas comment décrire cet instant si ce n’est la Main de D.ieu qui m’avait assisté. Mais ce n’était que le début.

Au second semestre, les deux examens les plus importants étaient fixés un Chabbat. Je tentais désespérément d’expliquer à mon professeur que je ne pouvais pas les passer un Chabbat, il ne voulait rien entendre. Alors j’agis comme tout prétendant-avocat le ferait : je préparai ma défense. En l’occurrence, je demandai à d’éminents rabbins de Miami d’écrire des lettres affirmant qu’il m’était impossible d’écrire le Chabbat. Le cœur battant, je tendis ces lettres à mon professeur : il me jeta un coup d’œil puis trancha :

- Bon. Présentez-vous à mon domicile dimanche matin à 9 heures.

Je sonnai chez lui dimanche à 9 heures, il me fit entrer. Devant son bureau était suspendu… Le portrait d’un rabbin ! Je ne comprenais plus rien ! Il était pourtant catholique ! Mais il m’expliqua qu’il était un marrane et qu’en fait, son grand-père était né juif !

Sidéré, je ne prononçai pas un mot et me mis à répondre aux questions de l’examen. Au bout de quelques heures, je tendis mes feuilles au professeur qui ne cachait pas son exaspération parce que j’avais gâché son dimanche matin. Il les regarda distraitement et leur attribua les meilleures notes ! Je croyais rêver ! Il déclara que je pouvais m’inscrire pour l’année prochaine à son cours et celui d’un de ses collègues.

58 ans se sont passés et je n’arrive pas encore à réaliser le miracle qui m’est arrivé. Si j’avais passé l’examen Chabbat, non seulement j’aurais violé mes principes et la loi de D.ieu mais je n’aurais certainement pas obtenu ce traitement de faveur et j’aurais sans doute tout raté. Donc ce qui était apparu comme une terrible épreuve – Chabbat – était de fait devenu la clé qui m’avait ouvert les portes !

Bien sûr, si on choisit de considérer ces événements comme de simples coïncidences, cela aurait été juste une belle histoire. Mais cette histoire m’est arrivée à moi et je ne peux que ressentir une immense gratitude pour ce que D.ieu a fait pour moi. Cela ne signifie pas que je n’ai pas eu besoin de travailler dur, très dur même mais, finalement, cela n’aurait pas pu se concrétiser en un diplôme de droit – sauf si D.ieu ne m’avait pas rejoint à mi-chemin.

Norman Ciment – juge et premier maire pratiquant de Miami – Jewish Press

Traduit par Feiga Lubecki